Entretien avec l'ex-héraut de la participation responsableQuand Madia Diop juge Tanor et Abdou Diouf...

Senghor l'avait envoyé au camp militaire de Dodji pour punition, Diouf le conduit à l'hémicycle pour "participation responsable", Wade l'amène à la retraite pour fidélité...C'est en résumé le parcours sinueux d'un vieux routier appelé Madia Diop. L'un des derniers mohicans du Ps, qui a coupé finalement les amarres avec Ousmane Tanor Dieng, revient dans cet entretien sur la fronde qu'il a menée contre le successeur de d'Abdou Diouf...

Etes-vous comblé par votre carrière de syndicaliste ?Madia Diop:   Je pense bien que j'ai atteint le sommet de ma carrière ; et si vous jetez un coup d'oeil sur mon passé syndical, vous verrez que j'ai rendu service aux travailleurs pour avoir lutté farouchement contre leur exploitation. Je me suis donné à fond, et cela m'a coûté des déboires et des sueurs froides sous Senghor, qui m'a envoyé à Dodji pour punition. Si ma mémoire est bonne, j'ai jamais perdu un combat, aucun des mouvements de grève que j'ai dirigés n'a échoué, des Chemins de fer à la société Gazelle. Je m'en réjouis, parce que des ouvriers ont vu leurs conditions de travail améliorées grâce à ces luttes sans merci...

Aviez-vous de bons rapports avec Senghor?

Non! Il n'était pas mon ami, mais il me respectait beaucoup. C'est parce que j'avais un caractère exemplaire d'un syndicaliste. J'ai combattu son régime pour le bien-être des ouvriers. C'est pourquoi d'ailleurs j'ai été envoyé au camp militaire de Dodji pour punition. A l'époque, j'ai soutenu (avec ma centrale) les étudiants en grève, et le pouvoir de Senghor tremblait à cause de ces mouvements.

C'est donc Diouf qui vous a envoyé à l'hémicycle, loin des camps militaires...

Il voulait faire de moi un ministre, j'ai refusé ; pourtant, tous mes prédécesseurs syndicalistes ont accepté cette offre. J'ai décliné ce cadeau empoisonné, et j'ai continué ma lutte jusqu'à l'obtention d'une représentation ouvrière très importante à l'Assemblée nationale. 14 syndicalistes de mes rangs ont accédé à l'hémicycle ; et cela s'est passé sous le régime de Diouf.

Votre véritable ami, c'était Abdou Diouf ?

Il était mon ami, c'est vrai, mais je faisais la part des choses, j'ai milité dans son parti, le Ps, dans le cadre d'une participation responsable. Cela ne voulait pas dire que je m'inclinais devant lui. Par contre, quand le front social était en ébullition, il me suppliait pour qu'on arrête la grève.

Et vous obtempériez ?

Non, nous y allions jusqu'au bout, d'ailleurs c'est sous le régime de Diouf que nous avons mené la grève générale la plus spectaculaire du Sénégal indépendant.

Depuis sa retraite, avez vous revu l'ex-président Diouf ?

Je l'ai retrouvé dans son appartement à Paris, au lendemain de la défaite du Parti socialiste. C'était pathétique, notre rencontre, du palais à un simple appartement ; c'était vraiment triste, mais Dieu merci, il a pu trouver une fonction à sa dimension, en devenant plus tard patron de la Francophonie.

Regrettez-vous son départ?  

Son adieu est brusque et inélégant. Même si Diouf est un parent à moi, je n'approuve pas la manière dont il a quitté ce pays. En tant chef d'Etat, et premier secrétaire du Ps, il aurait du donner du temps à ceux qui l'aimaient pour qu'on lui fasse les honneurs nécessaires. Il le mérite! Mais c'est comme s'il n'avait aucun sentiment envers eux. Cette méthode qu'il a choisie avec Wade ne nous a pas plu...

Dpuis le départ de Diouf, le Ps est en léthargie, est-ce parce que vous contestez le leadership de Tanor ?

Tanor ne cesse de me jeter des fleurs, il sait bien que je vaux de l'or. Mais vous savez, je suis un homme de principes. Et j'ai moi-même signé le manifeste du courant socialiste, car j'y trouve les bienfaits réservés à la classe ouvrière.

Ousmane Tanor Dieng, vous convient-il? 

Ce n'est pas une question de convenance, Robrt Sagna a créé un courant dans le parti, et j'y ai adhéré, pas plus...Tanor ne m'a rien fait, mais nous n'avons plus les mêmes idéaux, la même optique et la même pensée ; et chacun va son chemin…

Votre courant est donc né pour déstabiliser Tanor...

Oui ! C'est ça. C'est fini.

Est ce que vous êtes prêts pour participer au congrès?

Nous y serons, si nous sommes conviés...

Si je comprends bien, Tanor n'est plus l'homme qu'il vous faut ?

En tout cas, nous n'avons pas la même pensée, et on ne reconnaît plus le leadership de Tanor Dieng. Nous sommes à l'image du Ps français.  C'est un courant qui a soutenu Ségolène Royale, et ma position au sein de la coalition "Takku Défarat Sénégal" démontre que je suis loin de Tanor.