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Politique

ENTRETIEN AVEC… Madior Diouf (Secrétaire général du Rnd, Front Siggil Sénégal) : «Wade n’a pas le monopole de la violence»

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ENTRETIEN AVEC… Madior Diouf (Secrétaire général du Rnd, Front Siggil Sénégal) : «Wade n’a pas le monopole de la violence»

Alors que l’opposition significative vient de lancer son mot d’ordre pour un boycott actif des élections législatives du 3 juin 2007, le Pr. Madior Diouf revient ici sur les motifs de cette rébellion politique et sur les perspectives possibles.

A travers le front Siggil Sénégal, l’opposition sénégalaise a décidé d’observer un boycott actif des élections. Quel est le contenu de ce concept ?

Lorsqu’on exerce des pressions, on évite d’être très détaillé sur toutes les modalités qu’implique la forme choisie de pression. Ce dont nous nous plaignons concerne le processus électoral en amont du scrutin et le jour du scrutin. Tout ce qui a pu être fait pour permettre ce que nous appelons un hold-up électoral doit être nettoyé du processus électoral de manière à ce que l’on arrive à des élections transparentes et crédibles. Ce n’est pas la première fois que l’opposition sénégalaise engage un tel combat. Après 1989, après 1992, nous avons pu discuter et aboutir à des consensus de manière à être d’accord sur des processus électoraux véritables. Mais c’est surtout en 1992 que les discussions ont pu véritablement aboutir à une réforme de fond du code électoral. Nous, Rnd, par exemple, après l’expérience de 1983, nous avions comme ligne : «Plus de participation aux élections tant que le code électoral ne serait pas modifié». Cela nous a coûté des abstentions pendant 10 ans, mais le code a fini par changer en 1992. Aujourd’hui, Abdoulaye Wade n’ose pas montrer ce qu’étaient la carte électorale, les listes électorales. Il avance des arguments qu’on appelle des arguments d’autorité. Et là, il raconte ce qu’il veut avec le sentiment qu’il a en face de lui des tocards. Il ne discute pas, il n’argumente pas, il dit «c’est ça».

Le combat est-il le même aujourd’hui par rapport aux années 90 ?

C’est un combat de cette nature là qui est en train d’être mené. Wade le comprend très bien parce qu’il s’est battu avec nous pour réclamer une commission électorale nationale indépendante. Nos réunions se tenaient à sa permanence et c’était lui, la plume chargée de rédiger ce que nous lui dictions. Alors, il sait parfaitement de quoi nous parlons aujourd’hui. Par conséquent, nous avons décidé de dire que, au fond, aller aux élections ce serait les lui donner sur un plateau eu égard à ce que nous avons vu et à ce que nous savons pour le 25 février 2007. La conséquence, c’est qu’il faut qu’on s’asseye et qu’on discute. Et à ce moment là, non seulement nous pourrions régler la question des législatives, mais également, la question des élections locales parce que notre mandat se termine au mois de mai et nous sommes le 23 avril (Ndlr : l’entretien a eu lieu ce jour là). Il y a des problèmes à régler, nous n’allons pas croiser les bras et rester chez nous. Mais pour l’instant, l’efficacité et la sérénité de notre méthode résident dans l’affirmation du boycott actif en allant sur le terrain, en discutant avec nos concitoyens pour leur expliquer en quoi notre démarche est liée à la solution des problèmes auxquels ils sont confrontés (...) Pour le reste, nous verrons. Si Wade s’entête, (…) mais nous savons que le mieux est qu’il ne s’entête pas, car il n’a pas le monopole de la violence. Lui, il brûlait les cars, il chauffait la rue, il massacrait le bien d’autrui lorsqu’il était dans l’opposition. Cela, il n’est pas le seul capable de le faire. Je ne dis pas que nous le ferons, je dis seulement que le boycott actif ne signifie pas que nous croiserons les bras et resterons chez nous.

Vous avez adressé à Me Wade une correspondance à laquelle il n’a pas répondu comme vous le vouliez. N’êtes-vous pas dans une situation inconfortable ?

D’abord, l’incorrection a consisté à dire à son ministre de l’Intérieur de nous répondre. Et, il nous a répondu de manière injurieuse si bien que cela bloque de ce coté là avec ce ministre qui se permet d’insulter l’opposition. C’est inadmissible. Il y a beaucoup de Sénégalais compétents qui sont capables d’exercer cette fonction là. Mais ceci ne signifie pas que le dialogue est impossible. La vérité est que Wade ne peut pas, suite à des élections qu’il prétend avoir remportées très largement, suspendre la solution des problèmes du pays et garder le silence en se promenant à travers l’Afrique et le monde pour ensuite nous demander indirectement, avec beaucoup d’aplomb d’ailleurs, d’acheter un nouvel avion alors que l’autre a été réparé à grand frais il n’y a pas longtemps. Il est important qu’il sache qu’il doit faire quelque chose pour apporter des solutions aux difficultés du Sénégal. Il avait promis qu’il aller dégraisser le gouvernement, qu’est-ce qu’il attend ? C’est lui qui a des problèmes, car il doit expliquer aux Sénégalais pourquoi il continue de dépenser pour plus de quarante ministres alors qu’il avait promis de restreindre l’équipe gouvernementale. Et la dernière, c’est qu’il menace d’acheter un nouvel avion parce qu’il dit qu’il peut l’acheter quand il veut. Lorsque l’Etat dépense, la dépense doit avoir été prévue et autorisée par l’Assemblée Nationale. Nous ne sommes pas dans une monarchie, c’est l’Assemblée nationale qui doit autoriser les dépenses en votant un budget et l’exécution de ces dépenses là, c’est le gouvernement dirigé par le président de la République et assisté d’un premier ministre dans notre constitution Donc, dire aux Sénégalais «j’achète un avion quand je veux», c’est une démesure.

Pensez-vous être suivis dans votre boycott actif par l’électorat ?

Nous n’avons pas été en détail sur les modalités de notre action. Nous ne pouvons pas dire, par exemple, que nous tendons vers tel pourcentage de non participation car si elles (Ndlr : les autorités) sont seules, elles bourrent les urnes. Mais nous pouvons choisir d’être présents de telle façon qu’on ne puisse pas voler les urnes. C’est une modalité.

C’est un élément du programme ?

C’est une modalité.

C’est un élément du programme d’être présent pour surveiller le déroulement des scrutins ?

Oui, c’est-à-dire que les modalités pratiques, on peut les étudier. Nous ne pouvons pas dire qu’on ne peut pas être présents pour être vigilants de telle façon qu’on n’ouvre pas les urnes. Nous pouvons empêcher effectivement qu’il y ait bourrage des urnes. Je ne dis pas que nous avons déjà discuté des modalités, mais c’est juste une idée. Par conséquent, il ne faut pas qu’elles (Ndlr : les autorités) soient trop confiantes en se disant : «Bon, ils ne viennent pas, donc je vais pouvoir faire ce que je veux dans les urnes.»

Ne pensez vous pas que la Coalition Siggil Sénégal soit un front de plus après les défunts Frte, Clarté Nay Leer ?

En réalité, c’est un cadre d’unité d’actions : nous nous rencontrons quand nous estimons que nous devons agir ensemble, et nous le faisons. Le front Siggil Sénégal, c’est au fond des problèmes qui réunissent tout le monde dans la classe politique, puisque les fronts et les coalitions qui se constituent sont des cadres d’unité d’actions pour la transparence et la régularité des élections. Si vous voyez les conclusions de l’audit du fichier qui a été obtenu extrêmement difficilement, rien en réalité ne montre que le processus était fiable (…) En réalité, la biométrie n’y était pas. Nous avons proposé une technique qu’on appelle le spray, la réponse a été qu’il n’en est pas question. Nous avons voulu voir dans le détail, on nous a dit que la boîte noire est la propriété de l’Etat, du ministre de l’Intérieur. Ce n’était pas rassurant, mais nous avons accepté d’aller à la présidentielle dans l’autocritique, cela a été une de nos erreurs. Maintenant, nous rectifions le tir car si nous acceptons de prendre part aux législatives, c’est comme si nous donnions un cadeau à Me Wade.

Aujourd’hui, vous regrettez d’être allés à la présidentielle ?

Ce que nous regrettons, c’est de n’avoir pas suffisamment travaillé les conditions sérieuses pour des élections sérieuses (...) En réalité, il faut comprendre que notre participation n’a pas été une véritable acceptation. Il y avait un jeu très savant qui a été déployé par le pouvoir parce que la loi portant refonte totale du fichier électoral stipule que si le travail n’est pas terminé, on revient sur le fichier de 2002 qui existait et qui ne devait pas être détruit. Il n’était plus utilisé mais on le gardait et pour le fiabliser si on devait l’utiliser. Il fallait en extirper les morts, y inscrire ceux qui allaient avoir l’âge de voter au moment des élections. Tout prouvait que le travail sur la refonte du fichier n’était pas terminé (…) En définitive, nous sommes allés à l’élection présidentielle sur la base d’un piège qui a été organisé savamment en amont du scrutin et dont nous ne soupçonnions pas toutes les dimensions. Voilà ce qui fait qu’eux-mêmes ont été surpris par l’ampleur des résultats car, lorsqu’on joue avec le feu ou avec le diable, on est forcément surpris.

Jusqu’où compte aller l’opposition dans le cadre de ce combat ?

De toutes les façons, les élections n’auront pas de sens si nous n’y participons pas. Même pour les résultats proclamés, en dehors du président qui a été élu, le deuxième, le troisième et le quatrième constituent une force politique considérable. Tous sont signataires de la déclaration de boycott des élections législatives. Qui va aller à ces élections ? Les gens qui n’ont jamais eu de députés, qui n’ont jamais affronté les urnes plus quelques autres qui sont dans la mouvance présidentielle qui, eux, ont déjà eu des députés. Est-ce que le pays se résume uniquement à ceux-là ? C’est le président qui veut l’impossible. Il veut que nous le laissions exercer la totalité du pouvoir politique. Alors il a forcément des problèmes parce que nous ne le laisserons pas faire. C’est impossible ! Nous nous battrons avec les armes que nous choisirons.

Lesquelles ?

Nous préférons une alternance civile, celle qui sort des urnes. Mais ce n’est pas la seule alternance possible, malheureusement.



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