Tel un condamné à mort qui attend la guillotine du 25 mars, Abdoulaye Wade compte les jours. Par les mots insolites, les gestes sans succès, les déclarations prémonitoires d’une fin de règne d’un homme esseulé et inquiet. L’angoisse de Satché, personnage principal du film Tey/Aujourd’hui de Alain Gomis !
Le compte à rebours de la défaite de Wade pourrait faire l’objet d’un film. Ses «derniers instants» ressemblent à ceux du personnage de Tey/Aujourd’hui, le film du cinéaste sénégalais, Alain Gomis, Etalon d’or du Yennenga au dernier Fespaco.
Sauf que pour Me Wade, il ne s’agit pas d’un jour, mais de mois d’angoisse, qui plus est, existentielle. Tout est parti des symptômes du 23 juin et la nuit cauchemardesque et électrique du 27 du même mois dont a souffert le candidat des Forces alliés (Fal2012). Comme un Satché- rien à voir avec voleur, la traduction wolof-, personnage principal du film d’Alain Gomis, Me Wade sait, depuis le 22 mars 2009, pour avoir perdu l’essentiel des grandes collectivités locales du pays, qu’il va «mourir».
Et pourtant, il ne semble pas se résigner devant le destin cruel et implacable qui l’attend. Le rendez-vous du 26 février approche et cet avocat tenace ne renonce jamais aux causes perdues… d’avance, même si la bataille psychologique est gagnée par les pourfendeurs d’une certaine «monarchisation rampante», d’une certaine candidature «de trop» et «anticonstitutionnelle».
Le Président sortant aura beau faire, comme Lamartine, «Ô temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices, suspendez votre cours ! …», le thermomètre préélectoral interdit un quelconque report. Ces jours sont comptés, mais Abdoulaye Wade tient à sa carapace qu’il porte depuis la chute ratée du ticket. L’homme crédité de tous les noms de la haute politique perd son génie et sa ruse qu’il administrait à ses adversaires, en toutes circonstances. Le recours aux formules de sciences politiques aussi. Il va quitter le «bas monde» politique, mais trouve cette hypothèse «absurde».
Dans l’entretien avec le journaliste Cheikh Yérim Seck, dans l’entre-deux tours, il dit : «Je gagne. Il n’y a pas deux (hypothèses).» Il lutte donc, comme il peut, contre cette condamnation et prend à témoin l’opinion dans cette interview : «C’est comme si je disais que le ciel va nous tomber sur la tête dans une minute. C’est absurde parce que le ciel ne va pas nous tomber sur la tête.» Refus du fatalisme ! La phase d’agonie Abdoulaye Wade utilise ce que Franz-Olivier Giesbert appelle le «théorème de Carter». En 1980, le Président américain, le Démocrate, Jimmy Carter, face au Républicain Ronald Reagan disait : «Les Américains ne veulent plus de moi, mais ils ne sont pas à l’aise avec Reagan.» Me Wade a fait sienne cette conviction.
C’est à croire si Alain Gomis n’avait pas vu venir cette campagne électorale, avec des slogans propres à Gorgui : «Satché, affaire bi yowla ! (Satché, tu es le meilleur)» N’a-t-il pas souvent déclamé qu’il n’a pas de successeur, que le Sénégal n’a pas besoin de politiciens de l’engeance d’un Idrissa Seck, d’un Moustapha Niasse, d’un Tanor Dieng ou d’un Macky Sall ? Ce qu’il a d’ailleurs répété au khalife général des mourides. Le premier réflexe a été sa visite, au premier jour de la campagne du second tour, à Touba. L’«agonisant» candidat (électoralement, avec 32% seulement, score qu’il avait obtenu le 27 février 2000 face à Abdou Diouf) ne comptait plus que sur la «perfusion» du ndigël et des abstentions pour se relever de son «coma» électoral. A Serigne Sidy Mokhtar Mbacké, il dit en wolof : «(…)
Puisque j’ai fait 12 ans, je veux trois ans de plus pour régler tous ces problèmes-là (Ndlr : ses grands chantiers). Je ne veux pas que mon successeur hérite de problèmes. Je tiens à vous rassurer que je ne souffre d’aucune maladie. Donc, si on me réélit, je poursuivrai le mandat jusqu’à ce que Dieu reprenne mon âme.»
L’évocation divine, loin d’être une (simple) croyance, est aussi révélatrice du peu de chance d’échapper à cette mort… programmée. Son contrat prendra fin, non pas parce que le mandat est arrivé à terme, mais parce que sa réélection est impossible. Mais pas avant que le taureau ne passe le 25 mars 2012 à la «corrida» politique que les «toreros», amenés par Macky Sall, entendent lui proposer. 5 ans auparavant, à sa réélection en 2007, il qualifiait ses adversaires de «matamores».
Non assistance à personne en danger… de mort politique Le malade condamné ne voit qu’un seul sauveur : Idrissa Seck.
Ce dernier n’aurait été d’ailleurs qu’un «calmant». Si le maire de Thiès avait répondu au dernier cri du cœur de Wade, il aurait été condamné lui aussi, comme Djibo Kâ et son 14 mars 2000. Ainsi, lors de son dernier meeting dans la Capitale du rail, après le passage de Macky Sall, le candidat des Fal2012 implorait ses hommes : «Nguir yalla ! Demlen dieuli ko mou nieuw.
Fimou deukk mooy Thiès (de grâce, allez prendre Idrissa Seck et le ramener dans sa famille d’origine, le Pds), mooy la communauté du Sopi, mooy la grande communauté du libéralisme démocratique que j’ai créée. Idrissa Seck est allé se livrer armes et bagages à l’adversaire.»
On aurait dû reprocher au président de Rewmi le délit de non-assistance à personne en danger… de mort politique ! Tout aura été fait pour éviter le coup du sort. Les amulettes autour du cou pour conjurer l’inévitable défaite n’auront rien servi, encore moins le boubou bleu pour implorer le ciel. Les motivations de «la foule qui aboie» n’ont pas de chance devant la détermination du «peuple qui vote». Il ne reste qu’à accepter le destin, comme Satché.
Les militants semblent en convenir avec des «Douma dem fii laay toog ! (Je n’irai nulle part, je reste ici !)». Comme les proches de Satché qui hurlaient dans Tey : «T’en vas pas ; reste avec nous !» Pour Satché, c’est un film, mais pour Wade, la réalité.
<29>[email protected]
6 Commentaires
Mon President Est Black
En Mars, 2013 (21:48 PM)Ceddoo
En Mars, 2013 (21:55 PM)Ba
En Mars, 2013 (23:11 PM)Unpassant
En Mars, 2013 (09:07 AM)Nev
En Mars, 2013 (09:27 AM)Nobs
En Mars, 2013 (12:08 PM)Bravo.
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