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Politique

Malick Noël Seck, Secrétaire général de Convergence Socialiste : « La prison valide nos doléances »

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Malick Noël Seck, Secrétaire général de Convergence Socialiste : « La prison valide nos doléances »
« Insulter le Président de la République n’est pas un crime ». Les Sénégalais seraient-ils crédules que Malickk Seck se serait permis ainsi d’insulter leur… intelligence ? C’est l’auteur de cette phrase lui-même qui fait la précision suivante : le mot latin « insultare » signifie « faire assaut contre ». Et, semble-t-il, selon toujours le propos du patron de Convergence socialiste, c’est ce que fait toujours l’opposition (sic). En tout cas pour rien que ça, l’ami de Barthélemy Dias s’est retrouvé en prison. Il nous fait le récit de son séjour carcéral : les personnes rencontrées à Rebeuss, les conditions de détention, et tutti quanti. « Nous avons complètement démystifié la prison ; elle ne nous avilit plus, elle est notre tribune », dit-il.

Est-ce qu’il est facile de remplacer Barthélemy Dias à la tête de Convergence socialiste ?

Remplacer Barthélemy Dias n’est pas une chose simple. C’est un homme qui, en deux ans, a marqué la vie politique sénégalaise, un homme dont la loyauté, la détermination et le courage sont sans équivoque. Il a défié le pouvoir, provoqué les élites tout en évoquant les responsabilités individuelles. L’ambition de Convergence Socialiste est d’aller plus loin que la critique traditionnelle du pouvoir au Sénégal. Fustiger l’état pour ses incohérences, ses incompétences et ses manquements ne contribuera pas à une amélioration de la situation sociale et économique au Sénégal. Le changement viendra d’une prise de conscience des responsabilités individuelles qui nous incombe en tant que citoyen sénégalais. C’est un défi que je suis prêt à relever.

Avez-vous des traits de caractère en commun ?

Nous avons en commun l’amour pour le Sénégal. Et cela n’est pas un vain mot ou une figure de style. Avant toute chose, il faut aimer le Sénégal. Il faut comprendre le tragique de la situation et les incidences de la pauvreté sur les évolutions futures. Il y a aujourd’hui au Sénégal des régions où 34% de la population meurt avant l’âge de quarante ans : c’est une tragédie ! A terme, ceux qui ont bénéficié de l’état de non droit qui caractérise le Sénégal d’aujourd’hui souffriront autant que ceux qui en furent les victimes. C’est une idée forte que Barthélemy et moi partageons.

Comment vous êtes-vous connus ?

Cela remonte à 1989, dans les Sicap, nous avions des amis en commun qui habitaient à Hann. On se voyait de temps en temps pendant les vacances, car on vivait tous les deux à l’extérieur. Nous nous fréquentions et sommes devenus des amis à notre retour au pays.

Convergence Socialiste, « l’aile dure » du Ps. En tout cas beaucoup le pensent. Etes-vous de cet avis ?

J’aime à penser que nous représentons l’avenir du Parti Socialiste. Je disais il y a peu à un camarade, qu’il faut refuser l’enfermement dans des formules. Il faut éviter les slogans creux et le verbiage. Dans le mot « socialiste » il y a « social » et « société », parce que notre structure est un mouvement de masse dans lequel toutes les couches sociales sont représentées. Nos membres sont aussi bien des victimes de l’exode rural que des avocats, sans oublier ceux qui appartiennent au tertiaire. Convergence Socialiste a été créée sur la base d’une déception qui est le résultat d’une rupture consommée, entre l’individu et l’Etat. Aujourd’hui, l’Etat au Sénégal agit et est perçu comme une entité qui est au-dessus des lois et qui estime avoir de compte à rendre à personne. Les manipulations constitutionnelles pour accommoder le clientélisme du PDS sont devenues monnaie courante et visent à nous conduire vers un état de non droit ou la protestation ne sera même plus possible. Lorsque nous nous sommes affiliés au Parti Socialiste, la ligne de conduite adoptée consistait à s’opposer dans le cadre des institutions républicaines. Nous avons très vite compris que face au pouvoir actuel, qui s’évertue à détruire les acquis républicains au Sénégal, et face à l’indifférence populaire, l’opposition se devait d’être frontale. Il ne faut faire aucune concession à l’Etat, il faut le pousser dans ces derniers retranchements, et ensuite inviter le public à prendre ses responsabilités. Pour créer une opposition républicaine il faudra d’abord se débarrasser de la parodie qui nous tient lieu de République. Nous sommes confrontés à un régime qui amnistie l’assassinat politique, qui gracie les meurtriers de feu Me Babacar Sèye, dont le commanditaire supposé, connu de tous, reste impuni. Talla Sylla identifie tous ses agresseurs, et l’affaire reste sans suite. Les députés prolongent leur mandat, réduisent celui du président de l’assemblée nationale pour accommoder les ambitions de M. Wade, les élections sont reportées et il n’y a personne pour dire « j’accuse » ! Nos droits les plus fondamentaux sont bafoués et le peuple semble ne disposer d’aucun recours. Nous sommes le Sénégal. Nous avons une part de responsabilité dans ce qui nous arrive. Nous allons durcir le ton pour mieux exposer les incompétences de l’administration actuelle, et lorsque l’ennemi sera mis à nu, nous inviterons le peuple à prendre ses responsabilités.

Qu’est-ce que vous cherchez dans la politique ?

Le Sénégal est en danger. J’ai toujours associé la politique à l’incompétence des technocrates qui nous gouvernaient, mais c’était sans incidence sur ma vie. Aujourd’hui, la médiocrité de l’administration actuelle est telle qu’elle finit par interpeller les plus inconscients d’entre les citoyens. Nous nous acheminons lentement vers l’Etat de non-droit et on s’habituera de plus en plus à voir au Sénégal des familles entières qui vivront de commerce illicite, tel que la prostitution et la drogue. Gardez à l’esprit que 43% de la population sénégalaise a moins de quinze ans. Une grande partie d’entre eux est censée être scolarisée ! Avez-vous récemment visité les infrastructures de l’école publique ? Sans évoquer les coupures d’électricité, et l’absence des technologies du futur, de bibliothèques, de formations adéquates pour mieux préparer les professeurs à l’entrée dans le 21ème siècle. La situation sanitaire dans ces endroits est désastreuse ! On investit 300 milliards dans l’O.C.I., 30 milliards dans un avion présidentiel, dans un pays qui n’a pas su prévenir la catastrophe du Diola, endiguer la misère en zone rurale ou tout simplement assainir des quartiers qui vivent dans les eaux stagnantes d’une inondation qui a deux ans. En fin de compte, ce sont les fondations de la société sénégalaise qui sont en péril, c’est elles qu’il faut sauver et c’est pour cela que nous nous battons.

La prison, vous y pensiez avant d’y aller ?

Absolument ! En choisissant l’opposition frontale, aussi légale soit-elle, nous choisissons les risques qu’elle incombe. La prison est le sort réservé à ceux qui se refusent à courber l’échine. Nous sommes confrontés au brigandage et l’ennemi est puissant. A l’ordre républicain a succédé un ordre féodal dans lequel les postes ministériels sont accordés en guise de récompense à des sujets, et non à des fonctionnaires. Les fonctionnaires sont au service des citoyens or le sujet n’obéit qu’au prince. Nous payons les frais de notre détermination. Ce qu’ils ne réalisent pas, c’est que des gens comme nous, avons complètement démystifié la prison. Elle ne nous avilit plus, elle est notre tribune.

Un séjour carcéral, qu’est-ce que ça peut changer dans la vie d’un homme politique ?

Si la répression est la première forme de l’affaiblissement du pouvoir, la prison est le premier pas vers la reconnaissance de notre cause. Aucune répression ne s’abattra sur vous si le pouvoir estime que vous ne représentez pas un danger ! La prison valide nos doléances. Acculé, dos au mur, n’ayant plus aucune réponse intelligible à opposer à ceux qui l’accusent, le pouvoir devient brutal, et ce faisant, il laisse paraître son vrai visage. La brutalité du pouvoir au Sénégal, aujourd’hui, ce sont aussi des foyers privés d’électricité, d’autres n’ayant qu’un repas par jour, ce sont des familles entières qui vivent dans un dénuement total. L’officier qui nous a arrêté a délibérément pris sur lui de violer le droit constitutionnel, parce qu’il sait que cela ne lui coûtera rien ! Il nous arrête pour la distribution de tracts d’information. Ce qu’il ignore, c’est que c’est en prison que la lutte se concrétise.

Il est souvent dit que les politiques sont à l’abri des rigueurs de la vie carcérale. Avez-vous connu meilleur traitement que les prisonniers de droit commun trouvés à Rebeuss ?

J’ai connu des conditions de détention "normales", celles réservées aux prisonniers de droit commun, c’est à dire les pires. J’ai pu voir le quartier réservé aux VIP. Les conditions de détention pour moi et mes 115 co-détenus étaient carrément inhumaines. J’étais traité comme mes co-détenus. Nous étions 115 dans une pièce d’environ 40 mètres carrés. Je dormais à même le sol et je mangeais la nourriture que ma mère me faisait parvenir.

Certains de ces détenus vous ont-ils fait des confidences ?

J’étais dans la même cellule qu’un surnommé "Wax Sa Xalaat" qui a été condamné à un an ferme pour avoir, selon l’incrimination, « calomnié » Wade sur le forum de rewmi. Il s’est fait piégé par une personne qui se faisait passer pour un sympathisant et qui a offert de le rencontrer dans un lieu public afin qu’ils fassent plus ample connaissance. Lorsqu’il s’est présenté, la police l’attendait. Cette histoire est passée inaperçue. Nous assistons à l’apparition d’une police politique qui s’en prend au droit qui fonde la démocratie : le droit de la parole. Insulter le président de la République n’est pas un crime. Insulter, c’est du latin insultare, faire assaut contre ; et c’est exactement ce nous nous proposons de faire. Malick Seck. Le Directeur de publication de « 24 Heures Chrono », en prison, porte également ce nom.

Est-il arrivé que des détenus vous confondent avec le journaliste ? Pour votre info, lorsque que vous avez été relâché, beaucoup ont pensé que c’était El Malick

Non pas à ma connaissance. La confusion, je l’ai vécue surtout en dehors du monde carcéral. C’est pourquoi j’ai donné aux journalistes mon nom complet, Malick Noel SECK, pour qu’ils fassent la distinction.

Des regrets ?

C’est un mot qui ne fait pas partie de mon vocabulaire. Je préfère mourir pour une cause que je crois juste plutôt que du paludisme. Si vous avez une tante, une sœur, une connaissance morte en gésine, un oncle, un père, un frère qui n’a pas eu la chance de vivre sa vie parce qu’il ne disposait pas des moyens nécessaires à la prévention et à la lutte contre des maladies qui aujourd’hui sont considérées bénignes, ne blâmez pas la providence, demandez-vous plutôt ce que fait le ministère de la Santé. Il y a toute une section sur le site du ministère de la santé « Programmes et Projets » qui reste désespérément vide. Aucun projet, aucun programme n’y est mentionné. Parce qu’on se moque de vous ! L’administration actuelle s’est enfermée dans la logique de « surveiller et punir ». Elle n’a pour souci que d’assurer sa réélection. Je suis déterminé à la combattre quelqu’en soit le prix, parce que se débarrasser de la dynastie des Wade est une œuvre de salubrité publique. Il y a deux semaines, des milliers de jeunes se sont levés pour mettre un terme aux abus du pouvoir. On augmente le prix de l’électricité dans des villes sans électricité, c’est le comble du burlesque !

C’est quoi votre profession ?

Je travaille dans les Ressources Humaines.

Votre travail n’est-il pas sur le point de passer comme une activité secondaire, ou si vous préférez comme un violon d’Ingres, derrière la politique ?

D’abord j’aime mon travail ! Permettez-moi de vous rappeler que le Parti Socialiste ne m’attribue pas un salaire. De plus je ne considère pas la politique comme un métier. Mon travail me permet de survivre comme tout le monde. C’est une chose fondamentale. C’est parce que je travaille que je comprends la situation des travailleurs. La politique, c’est la science des affaires de la Cité. C’est un moyen qui vise à mieux organiser les communautés. Si vous ne vous occupez pas de politique, la politique s’occupera de vous.

Karim Wade au cimetière Saint Lazare de Béthanie, cela a irrité Barthélemy Dias lequel s’en est pris aux hôtes du fils du Président. Votre camarade devait-il se comporter de la sorte ?

Je n’ai pas à juger son comportement. Certains catholiques membres de convergence Socialiste s’y sont rendus sans même me le dire. Cela me fait penser qu’ils l’ont fait selon une conviction autre que politique.

On l’accuse pourtant d’avoir profané le cimetière…

Qui l’accuse ? Quelle est la valeur de ces accusations ? Au contraire, il a voulu dénoncer l’introduction d’un profanateur à l’intérieur d’un lieu sacré. C’est louable.

Seriez-vous prêt à le singer si dans les mêmes conditions le leader de la Génération du Concret est invité dans un sanctuaire musulman de même importance ou dans une mosquée ?

Non, cela pourrait être mal perçu, je préfère l’affronter sur le terrain politique. Mais force est de constater qu’il a peur de la confrontation directe. Le pouvoir n’est pas une entreprise familiale. Les fonctionnaires sont à notre service et nous doivent des comptes ! Pas le contraire. Lorsque le fils d’un chef d’Etat élu par les citoyens sénégalais devient du jour au lendemain une personnalité incontournable, et qu’un président de l’Assemblée nationale, en vertu des pouvoirs que lui confère la Constitution, se fait démettre de ses fonctions pour lui avoir demandé des comptes !! Qu’est ce que cela veut dire ? Qu’il vienne donc faire un meeting dans les Sicap Liberté ou je milite ou à Niary Tally, soi-disant fief du roi, qu’il nous montre un peu ce qu il a dans le ventre ce petit.

Y a-t-il un profil type recherché pour les membres de Convergence socialiste ?

Non, c’est un mouvement de masse qui cherche à mobiliser et à informer la population, et surtout qui veut leur inculquer le sens des responsabilités. Ce que M. Wade dit et fait à l’étranger, ses billevesées, cette politique des grands gestes jamais suivie d’effets, et les promesses sans lendemain qu’il fait alors que des villes entières sont sans électricité ne font que révéler nos insuffisances. Nous invitons toutes les personnes qui veulent mettre un terme à cette situation à se joindre à nous dans la lutte.

Qu’est-ce qui doit changer au Sénégal ?

C’est le Sénégalais qui doit changer. Nous sommes trop passifs, trop attentistes. Nous n’avons pas cette culture du combat pour exiger de nos dirigeants les comptes qu’ils nous doivent. Une fille de trois ans meurt noyée dans une école à Guédiawaye, et certains vous diront que c’est la volonté de Dieu. Dieu ne tue pas les enfants ! Au vu de ce qui se passe depuis quelque temps, la situation peut prendre une autre tournure. Le Sénégal traverse une période sombre, le peuple est à bout, ses caisses sont vides, son avenir est incertain. Mais un espoir subsiste. Les politiques, seuls, ne peuvent pas assumer toutes les responsabilités. Nous sommes le Sénégal ! Notre destin nous appartient, donc c’est à nous de demander des comptes à ceux qui nous gouvernent.

L’alternance a-t-elle selon vous réussi dans des secteurs où le pouvoir socialiste a failli ? Lesquels s’il en existe ?

Ils ont construit un ministère de la Santé flambant neuf, qui aurait pu être un hôpital, pour y mettre des fonctionnaires. Certains diront que nos fonctionnaires ont besoin d’infrastructures de premier ordre pour travailler mais quand même n’était-il pas plus judicieux d’y mettre des lits et des blocs opératoires ? J’apprécie que les personnes du troisième âge aient accès aux soins gratuits. Mais à quoi bon bénéficier de soins gratuits s’ils n’ont pas les moyens de se nourrir. Ils ont construit aussi un pont, celui de Médina Ndiathbe, qui relie le Fouta aux Sénégalais vivant de l’autre coté du fleuve. A part ça, échec sur toute la ligne.

Les jeunes de l’opposition parlent-ils le même langage ?

Les jeunes de l’opposition parlent le langage de l’opposition. D’ailleurs les jeunes du Front Siggil Sénégal organisent ensemble la « Marche Des Frustrés » le 15 novembre, à Dakar.

Un mot sur les Assises nationales ?

« La liberté rend libre la servilité rend servile ». Il n’y a nul besoin de faire un état des lieux pour exposer les problèmes dont souffre le pays. La problématique est de savoir s’il est possible de parler de réel consensus sans la participation de l’Etat. Elles demeurent selon moi, la plus noble initiative qu’ait pu prendre le Front Siggil Sénégal. Car l’application de ces conclusions demeure l’ultime alternative à une Révolution…



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