Me Wade veut des opposants

La démocratie a ceci de réel qu’elle permet à tout le monde de se prononcer. Elle est, dans un système politique, un champ d’opinions ouvert où quiconque a l’autorisation de la loi peut chercher à gagner les suffrages de ses compatriotes pour leur proposer un projet de société. Ici, au Sénégal, les faits sont connus et ne sauraient souffrir d’une contestation originelle d’un prétendu mal-vivre de ce qui s’est fait de mieux depuis des décennies : l’alternance. Elle a été une respiration pour ce pays qui a été englué durant de longues années dans ce que le Sénégalais a le plus en horreur. C’est à dire le refus de croire que les choses pouvaient changer, que le mérite et le talent pouvaient être valorisés, qu’enfin, que les bons hommes devaient être à la place qu’il fallait.

L’élément déterminant, qui a eu lieu depuis notre indépendance, est incontestablement la survenue d’un changement de politique à la faveur de la victoire de Me Wade, le 19 mars 2000 – et, on ne le dira jamais assez, dans ce que tout ce que cela a comprimé en expression comme libération, liberté et volonté-, victoire du suffrage universel, mais aussi victoire d’un idéal : celui de savoir que les volontés de ce pays ne sauraient être emprisonnées dans les rets d’un système qui a atteint ses limites, autant dans ce qu’il a offert à ceux qu’ils étaient censés servir, que dans son bilan. « Les Sénégalais fatigués » de quarante ans de refus de progrès ont donc dit non…

Les Sénégalais ne se sont pas trompés en élisant celui qui, pendant trente ans, leur a proposé une alternative à la négation de la volonté de se départir de ces champs hors normes qui ont pour noms corruption, concussion et mauvaise gouvernance. Posons-nous les bonnes questions. Et, surtout, essayons de visiter, encore une fois, le génie de ce peuple. A-t-on le droit de laisser l’impunité prospérer ? Quels sont les bons exemples à donner à la jeunesse, elle qui mobilise toutes les pensées et ambitions du président Wade ? Pensées et ambitions centrées autour de l’idée que la bonne gouvernance est le socle de ce que le Sénégal a donné en exemple au monde depuis 2000. Leadersphip, émergence économique et exemplarité dans le processus démocratique.

Les Sénégalais ne sont pas dupes. Ils savent que beaucoup de choses, peu orthodoxes, ont eu lieu, en leur nom, alors que l’écrasante majorité de la population se morfondait dans le besoin. Il y a des choses aussi simples de libellé qu’apprêtées de conséquence. Quand les électeurs ont voté en masse le 19 mars 2000 pour le candidat du « Sopi », ils ont envoyé un message bien clair. Ils voulaient avant tout un changement dans la gestion ; ils voulaient se départir d’un certain corset réduit à l’idée que les compromissions et passe-droits étaient les choses les mieux valorisantes pour émerger. Que le mérite n’était pas quelque chose, in fine, qu’il fallait rechercher.

Très vite, dès la survenue de l’alternance, pour respecter un engagement pris lors de la campagne électorale ante, le président de la République a initié une vaste politique d’audits de la gestion de plusieurs entreprises publiques et de portefeuilles où la manne financière de l’État était présente. Naturellement, pour respecter la séparation des pouvoirs, la puissance publique ne pouvait qu’ordonner ses recommandations en usant de ce bon sens républicain qui fait qu’il ne peut interférer qu’en tant que « défenseur de la société ». Les audits ont donc eu lieu. Surtout, détail important, c’est la justice, pouvoir indépendant sous le Sénégal de l’Alternance, qui a pris ses décisions. Mais la justice a son rythme. Surtout, elle a un ordonnancement. Elle est soit debout ou assise…

Dans une pure logique politicienne, comme il est de bon ton depuis que l’idée selon laquelle le président Wade n’a pas d’adversaire pour la présidentielle se fait jour au cœur même des disques les plus durs de son opposition, on veut faire croire que refuser de faire passer par pertes et profits la gestion de l’ancien régime est uniquement motivé par des buts électoralistes. Que nenni. C’est une initiative parlementaire qui a relancé le dossier des licences de pêche et des passeports diplomatiques. Encore la séparation des pouvoirs ! Seulement, ici, on ne peut pas faire l’injure à des représentants du peuple d’appartenir à un camp politique.

Le président Wade a-t-il besoin d’artifices pour remporter les prochaines élections ? Assurément non. D’ailleurs, à ce propos, il est établi qu’il n’est nullement dans la volonté du chef de l’État de motiver une quelconque chasse aux sorcières contre des représentants de son opposition. Il n’en a pas besoin. D’une source absolument fiable, nous sommes en mesure de dire que le président de la République souhaite que ses adversaires potentiels puissent lui faire face ; devant les électeurs. C’est une volonté politique clairement exprimée. Le reste demeure dans le champ de la petite rhétorique ou des grandes conjectures.