OUVRAGE - Si près, si loin avec Wade de Cheikh Diallo : Le Prési, le fils caché, l’idiot et les tocards

La succession du président de la République se posera un jour ou l’autre. Moment difficile pour un homme qui désespère de son entourage qualitatif. Les jeux semblent ouverts même si Macky Sall semble avoir pris une longueur d’avance sur les prétendants.

L’ouvrage du journaliste Cheikh Diallo, Si près si loin avec Wade, lancé samedi dernier devant un parterre de personnalités de la République, la presse et un public bien nombreux, pose nombre de questions quant à l’avenir du Parti démocratique sénégalais. Deux confidences attestent de cette inquiétude présidentielle. Celle, d’abord, du président de la République : «Je crains beaucoup pour l’après Wade.» Celle, ensuite, de son Premier ministre Macky Sall : «L’avenir du parti passe forcément par la réélection de Abdoulaye Wade en 2007.» Pour sa succession, le secrétaire général national du Pds ne dispose pas de choix illimités. Il comptait énormément sur Idrissa Seck pour assurer une transition à risques qui mettrait le Pds à l’abri de l’implosion. Les chantiers de Thiès et une boulimie de pouvoir caractérisée par un «coup d’Etat rampant» ont changé les perspectives. «Idrissa Seck souffre d’un narcissisme pathologique», écrit Cheikh Diallo. Emmuré dans un «bloc de fierté granitique», le maire de Thiès perd son pari et perd le parti qui lui était destiné. Me Wade, tel Salomon, coupe la poire en deux. «(…) En un sens, il est intelligent. En un autre sens, c’est un idiot.» Le jugement est sévère, mais il est à la hauteur de la difficulté à trouver à ce «beau parleur» trop pressé un alter ego en mesure de porter sa «vision».

La liste des prétendants est quantitativement importante. L’auteur les cite : «Pape Diop, Serigne Diop, Kader Sow, Souleymane Ndéné Ndiaye, Aminata Tall, Ousmane Ngom, Ousmane Masseck Ndiaye, entre autres, peuvent aller se rhabiller.» Dans cette liste noire d’«incapables» au sommet de l’Etat et dans les secteurs stratégiques de la République, aucun transhumant. Est-ce alors surprenant que le chef du Pds ait fait appel à Djibo Kâ et Mbaye Jacques Diop, par exemple, pour encadrer des séides sans expérience ? «Je leur ai dit qu’ils étaient tous des tocards», tranche Me Wade. Une porte ouverte sur la carte Macky Sall. Le chef du gouvernement, depuis avril 2004, serait en effet le porte-drapeau le plus indiqué pour «rendre crédible et vendre le projet de société» de Abdoulaye Wade. Macky Sall, cet homme chez qui «le sourire est une fête», formerait, selon l’auteur, un duo semblable à celui incarné par Senghor et Abdou Diouf. Persuadé que le «temps passé en reconnaissance n’est jamais perdu», il tient à éviter le cauchemar vécu par son prédécesseur. «Un Premier ministre doit savoir doser ses ambitions. Ce n’est pas nier sa valeur», souligne-t-il. La durée dans la position du dauphin qui ne crie pas sa «dauphinitude», telle est la voie pour survivre face au maître du jeu libéral. Citant Lionel Jospin, l’auteur «dispatche» les rôles dans un régime qui se veut présidentiel jusqu’à la caricature. «Le président de la République est un souverain qui s’inquiète, le Premier ministre est un exécutant qui rêve (…), ce qui l’aide à supporter sa condition seconde de Premier ministre.» Autant, Idrissa a été «le fils de substitution» perdu sur le chemin de la gloire, autant Macky Sall prend aujourd’hui, selon l’auteur, les attributs du «fils caché». Mais, face au schéma mental insaisissable de Abdoulaye Wade, rien n’est gagné d’avance car il «préfère les fidèles aux intelligents». Dans ce cas, Pape Samba Mboup ou Farba Senghor sont forcément sur les rangs pour la succession.