La candidature unique risque d’être l’équation à plusieurs inconnus pour l’opposition réunie au sein de la Coalition populaire pour l’alternative (Cpa). Les leaders vous disent que la question n’est pas encore évoquée alors que cela leur brûle les lèvres. Si la liste unique pour les prochaines législatives est, apparemment, réglée, cela ne l’est pas pour autant pour la candidature unique. Les divergences de points de vue sont réelles et se font sentir dans leurs interventions face à la presse.
Les multiples réunions hebdomadaires des leaders et responsables de la Coalition populaire pour l’alternative (Cpa) ne semblent pas encore trouver une solution à l’épineuse question de la candidature unique. Le sujet qui s’impose de lui-même à moins de six mois des prochaines élections semble être esquivé. Ce qui justifie le fait que les chefs de partis membres de la Cpa ont du mal à accorder leurs violons sur cette question. Les interviews réalisées par notre confrère de Walfadjri quotidien basé à Paris avec respectivement les secrétaires généraux de la Ligue démocratique/Mouvement pour le parti et le travail (Ld/Mpt), Abdoulaye Bathily et du Parti de l’indépendance et du travail (Pit), Amath Dansokho le prouvent éloquemment. Les avis de ces deux ténors de l’opposition, par ailleurs de la Cpa divergent et convergent à dire que cela n’a pas été discuté. A l’heure où les sénégalais et les observateurs de la scène politique saluent la dynamique unitaire qui se dessine en leur sein avec l’élaboration du programme alternatif de gouvernement, Abdoulaye Bathily et Amath Dansokho éveillent le scepticisme de ces derniers.
Le leader du Pit accrédite la thèse de la candidature et pense que c’est la solution pour une deuxième alternance au Sénégal. « Mon parti est pour le candidat unique pour la présidentielle. C’est le mandat que les populations nous ont donné en accordant 31 % à la liste du Cpc. Partout dans le pays, à travers toutes les langues du pays, cette question a été claire : nous irons ensemble. On nous disait de rester ensemble ! C’était le cri des populations pour nous donner la chance de battre Abdoulaye Wade et de ne lui laisser aucune chance de brouiller les élections et de se les accaparer, mais surtout de l’empêcher de faire son coup de force qu’il prépare. Et je suis convaincu que beaucoup de Sénégalais pensent comme cela », a déclaré Amath Dansokho. Il a tenu à préciser que si pour les législatives, la liste unique est décidée, ce n’est pas encore le cas pour la présidentielle. « Mais, encore une fois, on n’en a pas encore discuté au sein de la Cpa. Ce n’est pas que nous n’en discuterons pas. Mais la position de notre parti est la candidature unique de la Cpa parce qu’il ne faut lui donner aucune chance », a-t-il ajouté.
Le secrétaire général du Pit est d’avis que « c’est compliqué qu’en même temps, au même moment, au même lieu, l’électeur se dédouble pour dire que nous sommes unitaires par-ci et nous sommes séparés par-là ». Il reste persuadé qu’ils trouveront la meilleure solution. Il a, par ailleurs souligné qu’ils étaient en train d’accélérer la confection du programme. Amath Dansokho de réitérer : « la multiplicité des candidatures présidentielles au sein de la Cpa est une hypothèse. Mais je suis convaincu que c’est seulement la candidature unique dès le départ qui peut assurer la victoire. Je suis convaincu que pour tous les leaders de la Cpa, qui l’ont prouvé dans toutes nos luttes communes, c’est l’intérêt du Sénégal qui mobilise. Et si bien c’est cela, je ne vois pas en quoi on ne peut pas trouver une candidature unique. Une fois encore, l’essentiel est de savoir si notre lutte est commune, c’est pour résoudre les problèmes de quelqu’un ou de quelques-uns ou si c’est pour résoudre les problèmes du Sénégal ? En tout cas, ce que je sais, c’est que les Sénégalais veulent qu’on aille unis aux deux élections ».
Peur bleue de Bathily du syndrome de 2000
Si le secrétaire général du Pit, partie intégrante de l’ancienne Ca 2000 qui a porté Abdoulaye Wade au pouvoir estime que la candidature unique est l’alternative la plus sûre, cela ne semble pas être le cas pour Abdoulaye Bathily. « Nous n’allons plus confier notre destin à un seul homme ». Telle semble être désormais la religion du leader de la Ld/Mpt. Ce sont les résultats de la Ca 2000 et du Front pour l’alternance (Fal) qui sont passés par là. Selon lui le sujet de la candidature unique n’est pas une question qui fâche, mais « jusqu’ici, on pense que le président peut tout faire et doit tout faire. Or l’expérience que nous vivons, a montré qu’il est dangereux pour un pays de donner tous les pouvoirs à un seul homme », a-t-il précisé. Et Abdoulaye Bathily de s’interroger : « est-il plus judicieux de proposer plusieurs personnes que le peuple choisse entre elles, qu’on ne lui impose pas nécessairement une seule personne ? ». Pour lui, « le peuple peut dire : « je veux bien voter pour votre programme, envoyer votre majorité à l’Assemblée nationale, mais pour la présidentielle ne me donnez pas un candidat, donner moi la possibilité de choisir… ». Il est d’avis qu’on ne peut pas dire que, puisqu’il y a un programme commun, il devrait y avoir une candidature commune. « Si vous raisonnez comme cela, mais quelqu’un d’autre peut penser autrement », a-t-il estimé. Tout en rappelant qu’en 2000, « il n’y pas eu que notre candidat. Moi j’étais l’artisan du candidat unique, mais les gens ont dit non. Vous avez des gens qui sont aujourd’hui avec Abdoulaye Wade et qui disaient qu’il ne faut pas faire de candidat unique, ce sont ces gens-là qui sont les plus grands soutiens de Wade aujourd’hui », a-t-il argué. Dès l’instant que la fonction du président n’est plus fondamentale, le leader des jallarbistes d’affirmer : « laissons au peuple la possibilité de dire : « si vous avez un candidat, tant mieux, mais si vous en avez deux ou trois, je choisirai parmi ces gens-là ». Abdoulaye Bathily a ainsi proposé : « celui d’entre nous qui arrive au deuxième tour, tout le monde s’engage à le soutenir pour que l’équipe soit complète ». Le leader de la Ld/Mpt a tenu à relativiser en indiquant qu’il n’y pas de formule absolue. « La meilleure formule pour moi, c’est une multiplicité de candidatures au premier tour dans le cas où l’éventail est le plus large. Dans ces conditions, au second tour, tous les candidats de la Cpa vont soutenir celui qui arrivera en tête », a-t-il souligné.
L’alternative à la gestion solitaire du pouvoir
« Qui s’oppose se pose ! ». Abdoulaye Bathily a fait sienne cette célèbre maxime en proposant quelque chose à la place de la candidature unique. Parlant au nom de sa coalition, le secrétaire général de la Ld/Mpt a indiqué que ce qui est important de retenir, pour l’heure, c’est que la Cpa ne se focalise pas sur la question de savoir qui va être président de la République. Elle se focalise, de son avis, sur une question beaucoup plus importante : « quelle équipe allons nous constituer pour diriger le Sénégal ? » Et dans cette équipe, a-t-il précisé, il y aura un président qui ne sera pas omnipotent, comme c’est le cas aujourd’hui. Il y aura un Premier ministre qui aura plus de pouvoir, une assemblée qui sera restaurée dans sa dignité. Ces trois structures du pouvoir vont travailler en équipe et les partis travailleront également en équipe pour faire avancer le Sénégal. « C’est ça le plus important. Et, une candidature unique, si elle intervient, c’est tant mieux mais ce n’est pas la question fondamentale parce que pour nous le nouveau président n’aura plus le pouvoir comme celui d’aujourd’hui », a martelé Abdoulaye Bathily.
Au niveau de la Cpa, a-t-il tenté de rassurer, la question des candidatures va bientôt être discutée. « Il ne faut pas se presser. Il y a plusieurs formules possibles pour l’élection présidentielle. La réflexion est en cours », a-t-il ajouté.
Et pourtant ces deux leaders ont une expérience sur la candidature unique. Ils ont constitué les deux principaux artisans de l’alternance du 19 mars 2000. Ils ont, rappelons le, travaillé la main dans la main pour présenter une candidature unique sous la bannière de la coalition alternance 2000 (Ca 2000) qui a porté ses fruits avec l’élection au deuxième de tour de Abdoulaye Wade à la tête de la magistrature suprême.
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