En marge de la visite qu’il a rendu au journaliste de la Rfm, Kambel Dieng alité suite à l’agression de policiers (lire en page 3), Idrissa Seck est revenu sur plusieurs questions relatives à ses relations avec Wade, au Pds, aux travaux de l’Anoci, etc. Nous vous livrons quelques extraits de son entretien avec la Rfm, hier.
Propos compilés par Soro DIOP
AFFAIRE BARA TALL
«(…) Bara Tall paye le prix de sa dignité, de sa liberté, de son honnêteté, parce que s’il avait accepté ce qui lui était proposé, c’est-à-dire de prendre de l’argent, de déposer une caution et d’accepter de me compromettre en disant des contrevérités, ce qui lui est arrivé ne lui serait pas arrivé. C’est tout ! Mais, il y a des hommes qui n’ont pas oublié les leçons des anciens. Il y a eu un empereur romain que des gens ont essayé de corrompre, à un moment, et il leur a répondu que les Romains préfèrent commander ceux qui possèdent de l’or, plutôt que d’en posséder : «Allez dire à vos corrupteurs cela !» Donc, il y a des gens qui sont dignes et qui doivent accepter les souffrances. C’est exactement dans ce même registre que j’ai accepté, que j’accepte encore, d’endurer d’une belle endurance (…) Dans l’histoire, ni l’esclavage ni la colonisation, ni les grandes dictatures, quelque étaient leurs puissances physique, militaire, financière, n’ont prospéré, puisque l’homme finit toujours par se souvenir qu’il est seigneurial et par se rebiffer. Cela arrivera au Sénégal. Il ne faut pas en douter ; cette dictature rampante, de toute évidence (….)»
DE QUEL BORD SE SITUE REWMI ?
«Rewmi se situe du bord de la droiture et pas de la tortuosité. Rewmi est libéral et nos convictions libérales ne dépendent de personne. Elles sont ancrées dans notre foi en l’individu. Je viens de le rappeler : chaque individu est investi d’une dignité fondamentale, dont la défense et la protection méritent qu’on sacrifie même sa vie et d’un ensemble de droits et de libertés à protéger et dont la jouissance doit être permise librement, tant que cela ne génère pas de nuisances pour autrui (…) Nous sommes totalement fidèles à cette mission. Il s’y ajoute que notre posture est invariable ; nous approuvons tout ce qui est convenable, nous condamnons tout ce qui blâmable. Quand j’étais avec Wade, c’était mon comportement ; aujourd’hui que je ne suis plus avec lui, ça reste mon comportement (…). Je condamne la loi Ezzan, le défilé des journalistes et des hommes politiques à la Dic, la dissolution des Collectivités locales, l’agression barbare contre des journalistes comme Kambel et Kara (…)
Je reste libéral. Je considère que la responsabilité de ramener ma famille politique au Sopi (Changement) de 2000, qui avait même séduit des membres actuels du Front Siggil Senegaal dont Moustapha Niasse -pourtant socialiste ancien-, Amath Dansokho, Landing, Bathily, ce Sopi-là qui vous avait mobilisés au point de créer un enthousiasme considérable que l’on n’a pas revu en 2007. En 2000, les gens, leurs défilés, leurs danses dans les rues, leurs klaxons, les jeunes à pieds qui ont convergé vers le Point E, on ne les a pas vus dans la rue en 2007. Qu’est-ce qui s’est passé ? On a dévié du chemin ! C’est ma responsabilité de veiller à l’unité, au renforcement, mais surtout au retour à ces valeurs fondamentales de ma famille politique. Cela est cohérent parce que je ne souhaite pas que ce qui est arrivé à la famille voisine, la famille socialiste, nous arrive. Si en 2000, Moustapha Niasse, fort de ses 16, 7% avait dit, malgré ce qui l’opposait à ses camarades socialistes, qu’il est socialiste et qu’il amenait ses 16% au 42% de Diouf, nous, nous serions encore dans la rue, dans l’opposition. Je ne veux pas que cette cassure arrive à ma famille politique (…) Mon slogan de campagne a été «le Président du vrai changement».
Ma conduite politique ne dépend pas de Wade. Elle dépend de moi, de ma foi en Dieu d’abord, de ma foi en l’individu, aux Sénégalais, de mon attachement aux valeurs libérales… A chaque fois que Wade m’invite à la discussion, j’accepte, vous le constatez tous. Depuis quand Wade avait déclaré publiquement, après avoir reçu les Omar Sarr au Palais, qu’il convoquerait son Comité directeur pour statuer sur mon cas ? Cela fait plusieurs mois. Si ça ne s’est pas fait, quelle en est la raison ? Idrissa Seck n’est pas pressé, n’est pas ébloui par des postes, y compris la vice-présidence (…) Ce qui m’intéresse, c’est le respect des valeurs du Sopi, le retour à ces valeurs du Sopi ; c’est le fait de s’attaquer directement aux difficultés des Sénégalais. Et quand il (Wade) lance Goana, je dis : «Bravo !» Les investissements doivent aller à l’agriculture d’abord, à la Corniche de Dakar, ensuite. La Corniche de Dakar n’intéresse personne, sauf ceux qui sont privilégiés déjà, et qui partent du Palais à l’aéroport, en passant par Fann-Résidence, les Almadies, alors que quand je vais à Nawel, quand je vois chaque Daara de 10 personnes qui s’occupent de 10 hectares d’arachide, de mil, 5 hectares de maïs, que ces gens-là soient sans équipements, sans semences, sans engrais, ce n’est pas tolérable ! C’est là que l’investissement doit aller. C’est ce que je dis bravo au concept de Goana, mais bravo surtout si cela va à ceux qui en ont vraiment besoin et dont c’est le métier. Ce ne sont pas les jeunes qu’on a rassemblés dans un stade avec des tee-shirts et des panneaux publicitaires. Ces jeunes-là, ils sont dans les matches de navétanes ; ils ne sont pas dans les champs (…)»
FARBA, MACKY ET LES PATRONS DU PDS
«Mon histoire politique, je ne peux pas la réécrire. C’est Wade lui-même qui vous a dit à la télévision nationale, après m’avoir reçu que c’est lui qui a créé le Pds, mais que mon apport là-dedans est décisif. Il parle français, hein ! Décisif signifie quelque chose. Cet apport décisif, je ne le jette pas. Le complément de suffrages dont j’ai besoin pour devenir président de la République, il n’est pas dans les 11% de Tanor Dieng, dans les 5% de Moustapha Niasse, dans le 1% de Bathily. Il est dans le stock de 50-55% du suffrage Pds. Et d’ailleurs, le Pds ne m’a jamais attaqué. Même quand Wade s’est fâché contre moi, il a eu recours à des acteurs externes, Mahmout Saleh, coup d’Etat rampant, debout, l’éphémère ministre des mares, des eaux (rires). Farba Senghor, je vous ai déjà dit que c’est un cas particulier. Je respecte son engagement, son militantisme. Il venait chez moi à pieds, prendre les journaux pour aller à l’Assemblée nationale à pieds, les photocopier dans le bureau de notre président du groupe parlementaire, pour les faxer à Versailles à Me Wade. Il faisait les courses de Mme Viviane Wade. Farba Senghor est un militant d’exception, mais cela ne lui donne pas les capacités d’exercer des responsabilités d’Etat. Et c’est pour cela que je me suis opposé, tout le temps que j’étais là, à lui en confier. A chaque fois que cela m’a été demandé, ce fut la même chose. Mais, j’ai dit que, lui, je lui ai pardonné ses fautes passées et futures. Pourquoi ? Parce qu’il est irresponsable de ses actes et de ses paroles. Il agit sous la dictée d’un maître. C’est à ce maître-là que je m’adresse, moi, pas à lui. En dehors de lui, qui vous avez entendu, parmi les grands patrons du Pds m’attaquer ? Personne d’entre eux ne l’a fait. Même Macky Sall qui l’avait fait, on s’en est expliqué ; il a retiré ce qu’il avait dit (…) C’est en dehors du Pds, en présentant ma candidature, le 4 avril 2006 en un jour solennel, j’ai dit : «La première force sur laquelle je compte m’appuyer est ma famille politique naturelle : le Pds.»
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