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Politique

SORTIES - Après les déclarations du ministre de la Justice et la riposte de Omar Sarr : La phobie des révélations

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SORTIES - Après les déclarations du ministre de la Justice et la riposte de Omar Sarr : La phobie des révélations

Lors de sa dernière sortie, face à la presse, le Garde des Sceaux, Cheikh Tidiane Sy, a laissé entendre que Idrissa Seck n’a pas encore échappé à la Justice, car le dossier des chantiers de Thiès n’est pas clos. Aussitôt après cette déclaration, la riposte est venue du camp de Idrissa Seck, portée par son porte-parole Omar Sarr, qui a invité le ministre à regarder plutôt du côté de Chypre et d’Israël. Des membres de la société civile, faisant la lecture de ces deux sorties, s’indignent de l’immixtion du ministre de la Justice dans un dossier judiciaire et de ses intimidations, s’offusquent que Omar Sarr n’éclaire pas davantage les citoyens, que le procureur ne s’auto-saisisse pas de l’affaire, mais aussi que le gouvernement ne prenne pas l’initiative de faire la lumière sur cette affaire de Chypre et d’Israël, comme s’il craignait les révélations.

A la dernière sortie de Cheikh Tidiane Sy, ministre d’Etat, ministre de la Justice, Garde des Sceaux, pour asséner que le dossier judiciaire concernant Idrissa Seck n’est pas clos, a répondu, comme un couperet de guillotine, celle de Omar Sarr, porte-parole des partisans de l’ex-Premier ministre. Une riposte dans laquelle ce dernier déclare que le Garde des Sceaux aurait mieux fait d’aller regarder du côté de Nicosie, en Chypre, et d’Israël. Sans plus, car ajoute M. Sarr, «ils savent que nous savons».

Parmi nos interlocuteurs, certains jugent que deux attitudes devaient découler de cette révélation : ou bien Omar Sarr, lui-même, se charge d’apporter des éclairages pour aider la Justice à faire la lumière ou bien le procureur fait une auto-saisine pour l’entendre à cet effet. Pour moins que cela, des citoyens ont été convoqués et entendus à la Dic. «On ne comprend pas, affirme une de nos sources, que les autorités, promptes à convoquer les hommes politiques pour leur déclaration, fassent le profil bas face aux insinuations graves du porte-parole de Idrissa Seck.» Et de citer les cas de Abdourahim Agne du Parti de la réforme, de Ibrahima Sène du Pit, de Jean-Paul Dias et fils.

Cette position semble rejoindre celle de Alioune Tine, secrétaire exécutif de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (Raddho), qui juge que l’«on aurait pu engager des poursuites sur les révélations qui ont été faites par Omar Sarr et livrer ainsi la vérité sur ce qui se passe réellement sur les chantiers de Thiès». Et M. Tine de s’interroger : «Cela fait combien de temps que l’on nous parle des chantiers de Thiès ? Combien de gens ont géré ce dossier ? Combien de gens sont impliqués dans toutes ces affaires et dans d’autres ?»

Sur un registre presque similaire, Mohamadou Mbodj, coordonnateur du Forum civil, juge qu’«Omar Sarr peut lui-même aller témoigner, s’il veut éclairer la lanterne des Séné-galais». Mais, à ses yeux, «il n’est pas tolérable, s’il veut en faire un moyen de négociation ou de pression». Tout comme M. Mbodj trouve inadmissible «bien que la Justice se soit partiellement prononcée sur ce dossier, que des gens continuent d’accuser Idrissa Seck sur des termes que la Justice a récusés». Pour lui, ce dernier «pourrait lui-même se retourner contre ces personnes».

Un de nos interlocuteurs, qui a préféré garder l’anonymat, compte tenu de son implication dans le dossier, décrypte la sortie du Garde des Sceaux, Cheikh Tidiane Sy, comme une réaction politique face aux actes posés par Idrissa Seck et qui sont de nature à «démoraliser le camp du Pds». Aussi perçoit-il la déclaration du ministre comme une volonté d’«intimider les gens, comme pour dire aux libéraux tentés de rejoindre Idrissa Seck qu’ils seront de grands perdants en choisissant de partir avec un gars qui va retourner en prison». Notre interlocuteur, au fait du dossier de l’ex-Pm, soutient que «l’audition des entrepreneurs n’intéresse pas Idrissa Seck qui n’avait pas de rapport avec eux». Et qui plus est, «toutes les auditions que l’on a effectuées n’ont fait que renforcer le fait que Idrissa Seck soit blanchi». Pour cet homme qui a eu à connaître ce dossier, quand des gens comme Abdou Fall font des déclarations sur cette affaire, «ce qu’ils disent, ce n’est pas par rapport à ce qu’ils savent, mais par réaction à ce qu’ils ne savent pas ; le seul intérêt étant pour eux de décourager ceux qui veulent émigrer du Pds vers le camp de Idy». Donc, pour notre interlocuteur, la déclaration de Cheikh Tidiane Sy est destinée à son propre camp, parce que, «aussi bien le ministre que Idrissa Seck connaissent ce dossier». D’ailleurs, relève-t-il, «quand le ministre parle de liberté provisoire, il faut que les gens relisent les actes de la commission d’instruction. La commission a dit non-lieu partiel, mise en liberté d’office». Par contre, précise-t-il, «sur l’autre partie du dossier, parce qu’on n’a rien vu, on a donné l’enquête à des commissions rogatoires depuis plus d’un an». Evoquant la «dimension politique» de l’évocation de Chypre par Omar Sarr, notre interlocuteur s’est contenté de s’interroger sur «l’histoire des six milliards que le président avait dit avoir offert au gouvernement, en Conseil des ministres». Pour lui donc, tout est actuellement dans «une bataille entre la mobilisation et la démobilisation», même s’il trouve que «le Président, sur ce plan, est plus avancé que ses proches, puisque lui envisage plus la confrontation électorale».

DOSSIER JUDICIAIRE

En tout cas, pour Mohammadou Mbodj du Forum civil, «dès l’instant que le juge est saisi, même le ministre de la Justice ne devrait plus en parler». D’ailleurs, il considère que «pour les aspects pour lesquels Idrissa Seck est poursuivi encore, comme l’affaire est pendante devant la Justice, tout le monde devrait se garder d’en parler, car les voix des autorités, aujourd’hui, sur ce dossier, peuvent être perçues comme des moyens de pression subtiles». Evoquant notre devoir à tous de nous «tremper dans des positions républicaines», M. Mbodj ajoute que «pour les affaires sur lesquelles la Justice a connu et ne le poursuit plus, nous en prenons acte». Cependant, «pour celles qui sont pendantes devant la justice, chacun devrait se garder de se prononcer là-dessus».

Maintenant, à propos des «gesticulations sur des pays», le coordonnateur du Forum civil y voit «une approche énigmatique de la gestion qui renvoie à une culture d’opacité». Sa lecture de l’affaire est que «si une autorité a des informations sur ce dossier, pour aider à faire avancer la Justice, elle devrait les produire, quel que soit le camp politique dans lequel il est». En effet, «un citoyen qui détient des informations ou qui les suggère par des évocations de certains dispositifs dans certains pays devrait venir aider à faire progresser la procédure judiciaire à ce niveau-là, à défaut d’être entendu par le juge». S’il en est ainsi, pour M. Mbodj, c’est qu’«il ne faudrait pas se jouer de la République», car «ceux qui veulent diriger le Sénégal doivent respecter les citoyens en évitant de vouloir tronquer aujourd’hui cette affaire comme uniquement mode de règlement d’un différend politique». La religion de Moham-madou Mbodj est que Idrissa Seck «a tous les droits, tant que la Justice n’a pas pris une décision de lui faire perdre ses droits civiques et politiques». Au demeurant, notre interlocuteur dit comprendre que «dans notre pays, généralement les citoyens soient fondés à avoir des doutes très sérieux sur la Justice au regard des derniers dossiers que l’on a connus, le traitement du scandale de corruption dans la Justice».

INTIMIDATIONS

Dans la même veine, Alioune Tine de la Raddho estime que «quand on appartient à l’exécutif, face à des affaires judiciaires en cours, surtout quand on est ministre, on doit se garder d’en parler, d’autant plus que le juge d’instruction qui a le dossier en main est le seul habilité à dire s’il y a poursuite ou non». Pour M. Tine, «il faut que l’exécutif cesse de s’immiscer dans les histoires judiciaires en cours, sous forme de menaces, d’intimidation en cette période électorale». D’ailleurs, rappelle-t-il, «ce n’est pas la première fois. On a sorti l’histoire des passeports diplomatiques de Niasse, le dossier de la pêche avec Tanor Dieng. Cette fois-ci, ce sont les chantiers de Thiès». Pour le secrétaire exécutif de la Raddho, «on est à quelques pas des élections et il ne faut pas qu’on essaie d’instrumentaliser la Justice pour écarter les candidats potentiels de ces élections». Sa grande crainte, aujourd’hui, avec la prochaine campagne électorale, «c’est qu’on va nous empoisonner l’existence avec des histoires de corruption, d’argent». Et pour lui, «cela veut dire tout simplement que nos mécanismes pour combattre véritablement la corruption sont excessivement faibles ; il faut absolument les renforcer, puisque la Justice qui a en charge d’enquêter cette question n’en a ni les moyens financiers, ni les moyens en termes d’infrastructures, ni même les réelles compétences». Notre Commission nationale de lutte contre la corruption n’a même pas la possibilité d’auto-saisine, souligne Alioune Tine. Pour ce dernier, il y a des questions plus essentielles, plus préoccupantes comme les coupures de courant fréquentes qui bloquent le travail, la vie familiale. D’ailleurs, pense-t-il, «le directeur de la Senelec doit expliquer comment il se fait que les gens n’ont pas de courant et le paient plus cher». Autre question préoccupante, c’est celle de l’émigration des jeunes qui «ont été vendus» avec la signature de «tous ces accords bidons». Après avoir précisé que «le Président Wade a plus de pouvoir que la reine d’Angleterre, le roi de Belgique et le président de l’Allemagne fédérale», M. Tine souligne que «l’indépendance de notre système judiciaire, aujourd’hui, est problématique». En tout état de cause, pour Alioune Tine, «la classe politique devrait discuter de ces questions et aller vers des élections libres, transparentes et démocratiques pour de bon», au lieu «d’empoisonner le climat politique par des accusations, des contre-accusations».

Babacar Justin Ndiaye, journaliste et politologue, relève tout le paradoxe lié à la posture d’un gouvernement qui accuse quelqu’un d’avoir distrait 17 milliards et qui lui fait bénéficier d’un non-lieu partiel. Pour M. Ndiaye, «c’est l’argument le moins bon. L’argument que le camp présidentiel utilise contre Idrissa Seck, c’est celui du serpent qui mord sa propre queue». Et de préciser encore sa pensée : «Dans un Etat de droit, déclarer que Monsieur X a volé 17 milliards tout en lui collant un non-lieu partiel, c’est la meilleure façon de faire du gouvernement le complice de ce voleur.»

Avec son sens de la formule, Babacar Justin Ndiaye soutient que «Idrissa Seck, qui a été le directeur de campagne de Abdoulaye Wade en 2000, sera le détracteur de campagne de Wade en 2007». C’est cela qui fait la singularité de Idrissa Seck par rapport aux autres hommes politiques, défend le politologue. «Avocat du programme de Wade en 2000, il sera le procureur du programme de celui-ci en 2007», affirme-il. Par ailleurs, Justin Ndiaye, décryptant l’argument d’Omar Sarr, considère qu’il «est un signal fort en direction du pouvoir. Ou bien ce pouvoir engage le duel sur le terrain judiciaire avec toutes les conséquences qui découleront des révélations cachées par cette menace, ou bien le gouvernement capitule et bonjour le dégel entre le camp présidentiel et les partisans de Idrissa Seck».

M. Ndiaye parle d’une «croisée des chemins dans l’affrontement Wade/Idy». Selon sa grille d’analyse, «la sortie du ministre peut découler d’une guerre psychologique pour démotiver d’éventuels soutiens à Idrissa Seck, mais aussi de la détermination des faucons d’aller jusqu’au bout de leur logique». Ce sont là «deux lectures complémentaires, qui ne sont pas contradictoires».

Au-delà de tout, il revient au gouvernement qui, dans la chaîne des responsabilités et des irresponsabilités, est plus comptable devant les dix millions de Sénégalais, de ra-mener la lumière de Chypre et d’Israël. A moins qu’il ne soit tétanisé par la phobie des révélations à même de l’éclabousser.

 



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