À la sixième semaine du temps de carême, les Chrétiens poursuivent leur marche vers Pâque à travers le jeûne et la pénitence. Dans l’entretien qui suit, l’abbé Jean Marie Ndour, vicaire épiscopale chargé de la pastorale à l’archidiocèse de Dakar, salue les comportements positifs adoptés par les Chrétiens durant ce temps de carême qui est l’une des possibilités données à l’homme pour s’élever et se convertir.
On doit respecter plusieurs principes pour bien vivre son carême, pouvez-vous nous les rappeler ?
Le mois de carême est un temps de pénitence et de conversion. Cela signifie le changement de la personnalité d’un fidèle, soit au niveau de son jugement, de sa mentalité, de son cœur, de ses pratiques, de ses intentions, de son comportement et de ses attitudes. Quand on n’est mis en face de la Parole de Dieu, on comprend aisément qu’il y a une très grande distance entre ce que nous recommande le Seigneur et ce que nous vivons au jour le jour. La volonté de Dieu veut que chaque année, l’Eglise nous propose un temps durant lequel nous faisons davantage d’efforts pour correspondre à ce que nous soyons, c’est-à-dire des Chrétiens. C’est d’ailleurs, l’objectif fondamental du mois de carême. Pour respecter ces principes, il y a les pratiques mises en place dans l’Eglise et qui sont efficaces pour amener les Chrétiens à la conversion. Il s’agit d’une pédagogie que l’on propose aux Chrétiens parce que chacun n’est pas laissé à lui-même. L’église a une pédagogie pour accompagner une conversion. Il s’agit du jeûne qui est humainement prouvé parce que quand une personne s’abstient de se nourrir ou éprouve la faim, son esprit est libéré et ses intentions sont plus portées vers les choses spirituelles. Cela est une pédagogie qui correspond à un passage de l’Ecriture ou Dieu a fait que son peuple a éprouvé la soif dans le désert et Moïse en a profité pour lui enseigner que l’homme ne vit pas seulement du pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Or, si nous sommes laissés à nous-mêmes, cela signifie que la vie se résume à la consommation. En suivant cette logique nous arrivons plus à nous détacher de ce qui constituerait notre bien être et notre plaisir alors que l’homme a plus que de cela. L’homme est un être spirituel, il n’est pas que matériel. Le temps de carême est une possibilité donnée à l’homme pour s’élever. L’autre type de pédagogie, ce sont les différents actes de cultes qui sont faits pendant le temps de carême car, à côté, il y a des célébrations comme des chemins de croix. Quand quelqu’un s’efforce de fréquenter tous les chemins de croix durant le temps de carême, c’est parce que son esprit est porté sur la personne de Jésus et sur ses souffrances. Le fidèle est capable, lui aussi, d’accepter certaines peines. Toutes ces souffrances, nous arrivons à leur donner un sens au niveau de l’église. Il y a aussi des souffrances que nous éprouvons dans la maladie. Cela aussi est une autre pédagogie qui est proposée pendant le carême. Autre chose, ce sont les enseignements de Jésus-Christ. Chaque dimanche, les paroisses, les groupes de prières et les associations chrétiennes organisent ce que nous appelons une récollection qui constitue un moment, une journée ou un week-end où l’on sort de sa maison pour un endroit que l’on pourrait appeler le désert où nous nous mettons à la disposition de Dieu qui nous parle. Ceci pour revivre cette expérience que j’ai évoquée tout à l’heure car c’est Dieu qui a conduit son peuple pour l’éduquer et lui parler. La communauté chrétienne refait ce geste en sortant de chez elle pour aller dans les lieux indiqués afin de laisser Dieu parler à travers des grands moments de prières.
Quel rapport l’Eglise fait-elle entre les quarante jours de carême et les quarante jours de pénitence de Jésus-Christ dans le désert ?
Les 40 jours de carême représentent le symbole de l’épreuve. J’ai évoqué tout à l’heure l’histoire du peuple de Dieu qui est une histoire figurative parce que c’est un récit du peuple de Moïse. Dieu les a fait passé quarante ans dans le désert, ce qui constitue pour eux un temps d’épreuve. Par ce temps suffisant de souffrance, Dieu veut nous faire découvrir la connaissance et l’adhésion à Dieu. Le Christ, Lui aussi, après son baptême, s’en va au désert parce qu’acceptant d’être éprouvé par de multiples tentations qu’un homme peut connaître. Ces tentations qui pouvaient avoir cet effet de faire renoncer à Jésus-Christ sa mission à causes des tentations de pouvoirs. Le pouvoir aujourd’hui comme hier est un besoin humain des dominés. La soif du pouvoir provoque aujourd’hui des conséquences au niveau des nations et des collectivités. Jésus a aussi été tenté et sera tenté toute sa vie durant parce que les populations de l’époque voulaient faire de lui leur roi. Lors de cette tentation, le démon, à l’entame de sa mission, est allé dire à Jésus, vous avez la capacité de régner, renonce à ce que tu veux faire. Mais comme Jésus n’est pas venu pour être à la tête d’un pouvoir quelconque, il n’a pas accepté ce pouvoir. Le désire de posséder et d’accumuler se produit dans l’humanité jusqu’à ces pratiques de détournements ou même de sacrifier autrui pour simplement réussir dans la vie. Cette façon de faire est innée à l’homme et Jésus aussi a été tenté de faire comme ces palestiniens, c’est-à-dire d’aller vers un chemin qui pouvait lui procurer la prospérité. Il y a la tentation de la satisfaction personnelle, disons se faire plaisir. Aujourd’hui comme hier, tout le monde éprouve ce désir de se faire plaisir qui est de manger bien, bénéficier des loisirs ce qui a poussé le démon à demander à Jésus Christ « si tu es fils de Dieu change ces pierres en pain ». Toutes ces tentions seront continuelles durant tout le mystère de Jésus car le fils de Dieu sera tenté toujours de revenir à la case départ de l’humain et du profane c’est-à-dire de dominer et de posséder des richesses. L’Eglise essaye d’appliquer cette même symbolique de quarante jours à la façon de Jésus en se préparant à la grande fête Pascale.
Au début du temps de carême, les Chrétiens sont souvent invités par leurs pasteurs à suivre et à imiter Jésus-Christ. Est-ce que vous avez senti ces efforts de conversion des fidèles durant ce temps ?
Le carême Chrétien est un temps de grâces parce que l’appel à la conversion est attendu. Cela signifie que les Chrétiens prennent conscience de ce moment. L’effort fait dans les églises constitue un indicateur du désir de spiritualité de ces fidèles. Le grand indicateur annoncé est le sacrement de la pénitence que la plupart des chrétiens qui font le jeûne associe à la confession, surtout pendant les dernières semaines qui précédent Pâques où les églises sont pleines.
Quels exercices spirituels peut-t-on recommander aux Chrétiens pendant le carême ?
La méditation. Il est vrai que les conditions familiales dans les villes comme Dakar ne permettent pas de disposer des moments de méditations. Mais la méditation est une bonne pratique pour un fidèle car c’est un face à face entre Dieu et le croyant. Quant on parle de la méditation, c’est la lecture pieuse de la parole de Dieu, c’est-à-dire être capable d’entendre un texte de l’évangile et de le méditer dans la prière. C’est une pratique qui est demandée durant le carême parce que c’est un temps de silence qui se fait dans une église. Saint Jean Marie Vianney proposait que le Chrétiens se donnent au moins quinze minutes de prières en silence dans l’église avant la messe. C’est une possibilité pour le Chrétien de bien se préparer avant la messe. Les célébrations de chemins de croix sont donc des actions collectives et communautaires. Mais la recommandation de l’Eglise est que le carême soit personnalisé.
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