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CHANTS RELIGIEUX NOCTURNES : Dévotion pour certains, nuisance pour d’autres

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CHANTS RELIGIEUX NOCTURNES : Dévotion pour certains, nuisance pour d’autres

Les chants et diverses manifestations organisées la nuit par les associations religieuses dans les quartiers semblent épouser différents contours. Les adeptes de ces mouvements religieux, même s’ils sont tolérés par certains riverains, dérangent d’autres qui ne supportent pas le bruit occasionné par ces cérémonies qui se déroulent parfois jusque tard dans la nuit.

Comme tous les jeudis à 21 heures précises, Moustapha quitte précipitamment son domicile, juste après le dîner. Vêtu d’un caftan blanc, de sandales, le jeune homme rend à l’autre bout de la rue, non loin du domicile familial, dans le quartier Santhiaba de Rufisque. Là-bas, des hommes et des femmes d’âges différents sont assis sur des nattes et commencent déjà à chantonner des poèmes religieux. Le jeune homme se joint rapidement à eux et gonfle le cercle de ces jeunes disciples munis de leurs livrets écrits en arabe. Ils entament des chants religieux. « Nous nous rassemblons ici tous les jeudis soirs pour chanter et discuter des recommandations de notre guide », nous explique le jeune homme de 22 ans. Moustapha et son cercle d’amis se donnent rendez-vous à la même place, tous les jeudis soirs, pour leur traditionnelle cérémonie de « goudi adiouma » (nuit du jeudi à vendredi, jour de grande prière chez les musulmans) pour renouveler leur foi en Dieu et leur engagement à leur guide religieux. Et comme dans tous les rassemblements de disciples, l’ambiance est toujours agrémentée de tasses de café distribuées gracieusement. Ces fidèles chantent à tue-tête jusqu’à en perdre la voix.

A quelques mètres de là, d’autres chants font échos aux leurs. Les notes sonores et très perçantes d’un autre groupe de disciples d’une autre confrérie résonnent dans tout le quartier. Les deux échos semblent s’entrechoquer. « Finalement, on ne sait plus quel chant écouter », finit par lâcher Assane qui n’en peut plus de subir deux chants religieux différents. Et comme si cela ne suffit pas, quelques minutes plus tard, une autre chanson accompagnée de tambours et de percussions lui parvient aux oreilles.

Simple pratique cultuelle, désir d’exhiber sa foi devant tout le monde ou démonstration de force ? Toujours est-il que ces chanteurs du jeudi soir se livrent, dans la plus grande insouciance, à leur jeu favori qui est vécu comme un dérangement par certains riverains et, surtout, ceux qui doivent se lever tôt le lendemain pour vaquer à leurs occupations quotidiennes. De nombreuses personnes, même si elles n’osent pas le dire ouvertement, ne semblent guère partager ces pratiques. « Bien que cela gêne tout le monde ici, personne n’ose lever le plus petit doigt pour le dénoncer. Tout le monde laisse faire et, chaque jour aussi, des associations religieuses occupent la rue pour se livrer au même rituel », déplore Assane, un musulman âgé d’une cinquantaine d’années. « On n’a pas le droit de déranger tout le monde, surtout la nuit. Ces gens-là ne s’en rendent peut-être pas compte, ou bien ils se croient tout permis », dénonce-t-il. Selon lui, on a l’impression qu’il y a une sorte de concurrence entre ces associations, ce qui ne devrait pas être le cas, car ce n’est pas ce que recommande la religion musulmane.

Cette ambiance causée par les chants religieux du jeudi soir n’est pas l’apanage du quartier de Santhiaba de Rufisque. Il existe de plus en plus d’associations confessionnelles au sein desquelles les disciples semblent trouver un cadre d’expression de leur foi. Au quartier des Champs des courses de Rufisque, Mbaye Touré souligne que des perturbations sont souvent notées par les habitants à cause des chants organisés la nuit. « Certains organisateurs de ces cérémonies ne se donnent aucune limite. Ils utilisent même, parfois, des sifflets et des percussions, oubliant que la nuit est faite pour le repos », dénonce-t-il. Cet avis n’est pas partagé par Baba Seck, un jeune commerçant, qui soutient que c’est une manière pour les disciples de rendre grâces à Dieu et à leurs guides religieux. Quant à Baba Seck, il souligne que la prolifération des associations religieuses est un avantage pour les pratiquants qui ont le loisir de se rapprocher de celle à laquelle ils s’identifient le plus. « Nous, musulmans, devons cultiver la tolérance. C’est pourquoi je ne blâme personne, mais je pense qu’on doit tenir compte des autres et éviter de les déranger », nuance le jeune commerçant. Pour Mbaye Touré, les animateurs des associations religieuses ne se soucient guère des torts qu’ils causent aux citoyens qui, le soir, aspirent à un repos bien mérité après une dure journée de labeur. « Ils s’arrogent le droit de déranger ceux qui doivent se lever tôt le lendemain pour aller au travail. Il y a aussi le fait que des personnes malades habitent le quartier et peuvent souffrir de ces nuisances sonores. Ils ne tiennent pas compte de tout ça et je ne pense pas que l’Islam autorise cela », souligne Mbaye Touré.

En sa qualité de chef religieux et d’animateur de plusieurs associations religieuses, Abdoul Aziz Ndoye reconnaît que les chants religieux peuvent occasionner des perturbations dans le voisinage. « C’est vrai que, parfois, avec toutes les cérémonies organisées la nuit un peu partout dans les quartiers, cela ressemble à une cacophonie, mais évitons de jeter le discrédit sur ces gens-là qui ne sont motivés que par le bien », argumente-t-il. Prenant la défense de ces groupements de personnes, il pense que ces disciples sont à encourager puisqu’ils participent à la lutte contre l’insécurité dans les quartiers. « Quand un voleur a l’intention de commettre un forfait et qu’il tombe sur ces gens, il va immédiatement rebrousser chemin. C’est également une bonne chose, car ces jeunes auraient pu s’adonner au banditisme plutôt que de pratiquer leur religion », explique Abdoul Aziz Ndoye. Par ailleurs, il estime que ces manifestations religieuses sont plus saines que les soirées dansantes, meetings politiques, cérémonies familiales durant lesquels on gaspille beaucoup d’argent et qui se passent également dans les quartiers. « Pourtant, cela ne semble offusquer personne.

A mon avis, se consacrer à l’adoration et à l’exaltation de Dieu est mieux que s’adonner à ces futilités », assène le jeune chef religieux. Ce n’est pas le jeune Moustapha et ses amis qui diront le contraire. Pour eux, le « gouddi adiouma » ou nuit du jeudi à vendredi, est sacré et ils ne rateront leur cérémonie religieuse pour rien au monde.



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