L’affaire opposant les responsables du groupe de presse Sud Com à l’Etat du Sénégal a eu une issue heureuse. Et comme il fallait s’y attendre, des personnalités du monde politique et de la presse ont tenu à être présentes pour apporter leur soutien à nos confrères du cinquième étage de l’immeuble Fahd. Ils étaient poursuivis pour le délit de complicité d’atteinte à l’intégrité du territoire pour avoir diffusé et publié les propos du chef rebelle Salif Sadio du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc). Et pour les juger, le chef du Parquet, le procureur de la République Lansana Diabé et le président du tribunal régional de Dakar, Demba Kandji, ont revêtu leur toge.
Il fallait s’y attendre, Salif Sadio, l’auteur principal du délit d’atteinte à l’intégrité du territoire national, a plané sur ce procès de nos confrères de Sud. Son absence à la barre n’a surpris personne, car l’homme est introuvable et s’entoure d’un mystère qui a fait planer le doute, à un moment, sur sa vie. Et Babacar Touré, le Président du conseil d’administration de la boîte, dira, sur le ton de l’ironie, que « nous-mêmes à Sud, nous l’avons tué plusieurs fois ». Est-ce ce mystère que voulait percer Ibrahima Gassama, chef de la station régionale de Ziguinchor de Sud Fm, en « ressuscitant » le chef rebelle ? « J’inscris cette interview dans le cadre du travail que j’effectue. J’ai eu à rencontrer les autres chefs de guerre du Mfdc, je ne sors pas Salif Sadio de ce lot. Mon rôle, c’est de donner la parole à tout le monde », s’est défendu M. Gassama.
Et c’est après s’être entouré de toutes les précautions sécuritaires qu’il a réalisé l’interview. Et le lundi 17 octobre, les Sénégalais écoutaient sur Sud la voix de Salif Sadio menacer de chasser le Sénégal de la Casamance et discréditer les négociations de Banjul I et de Foundiougne. Dans un contexte de recherche de la paix, l’Etat du Sénégal a aussitôt réagi. Les policiers débarquent dans les locaux du groupe, interpellent tout le monde, interrompent les émissions et, dans les régions, les stations sont aussi interdites de diffusion. Les exemplaires de Sud quotidien du jour ont été retirés du marché pour avoir repris la même interview. Le ministre de l’Information met en garde toute radio ou quotidien qui s’aventurerait de reprendre l’interview. Le soir, tous les employés de Sud sont libérés.
C’est ainsi que Ibrahima Gassama, Babacar Touré, Oumar Diouf Fall, directeur de la radio, Abdoulaye Ndiaga Sylla, directeur de publication de Sud quotidien, Ndèye Fatou Sy, rédactrice en chef du de la radio, Madior Fall le coordonnateur du quotidien, se sont retrouvés hier matin devant le juge pour répondre du délit de complicité d’atteinte à l’intégrité du territoire national. L
es prévenus, embouchant la même trompette, ont tous refusé de donner aux propos du chef rebelle un contenu séditieux. « Mon intention était de faire mon travail, d’apporter la lumière sur Salif Sadio, pour savoir s’il est vivant ou mort », a répondu M. Gassama. L’interview a été réalisée en coordination étroite avec la rédaction centrale et avec l’aval de l’abbé Diamacoune, président du Mfdc, ajoutera le chef de station qui a également filmé M. Sadio en territoire bissau-guinéenne après un voyage risqué.
Il n’y a rien de nouveau dans l’interview, estime Oumar Diouf Fall, « le discours de Salif Sadio n’a jamais changé. Je n’ai trouvé rien de séditieux. Salif Sadio est un citoyen sénégalais qui a droit à la parole », ajoute-t-il. Et le choix du titre du quotidien ? « Il n’y a rien d’anormal », rassure Abdoulaye Ndiaga Sylla. Madior Fall ajoute : « j’ai choisi le titre pour montrer que Salif Sadio voulait rentrer chez lui ». C’est ainsi que les prévenus ont fait bloc en servant presque les mêmes déclarations. Et même si les propos du prévenu principal portent atteinte à l’intégrité du territoire, il a été difficile pour le Parquet d’asseoir l’élément moral.
Elément moral
Le procureur de la République, Lansana Diabé, n’en a pas moins estimé que la voix de Salif Sadio a été portée sur la place publique grâce à la médiatisation. Il n’a pas hésité à requérir la relaxe des confrères et la détention de Salif Sadio dans les liens de la prévention. Dès lors, la tâche devenait plus aisée pour la défense composée de Mes Sady Ndiaye, Papa Leyti Ndiaye, Papa Ndiaye, Abdou Dialy Kane, Soulèye Mbaye et Moustapha Diop. Et Me Leyti Ndiaye n’a pas hésité à dire « merci » au Parquet. Cette affaire, estime la défense, est une tentative de museler la presse. Les avocats ont aussi sollicité la relaxe pure et simple de leurs clients. Et le tribunal a donné une suite favorable à leur demande en relaxant Ibrahima Gassama, Abdoulaye Ndiaga Sylla, Ndèye Fatou Sy, Oumar Diouf Fall, Madior Fall et Babacar Touré. Salif Sadio a été condamné, par défaut, à cinq ans de prison et à un million de francs Cfa d’amende. Un mandat d’arrêt international a été décerné contre lui.
0 Commentaires
Participer à la Discussion