DROGUE, PROSTITUTION, PRATIQUES OCCULTES... La face cachée de Nord- Foire

La face cachée d’une cité d’apparence paisible

Trafic de drogue et de faux billets, Eglises suspectes d’étrangers, sacrifices d’animaux, insécurité, occupation anarchique de la voie publique…C’est la face cachée de Nord-Foire, quartier huppé et d’apparence paisible de la banlieue de Dakar. 

Quartier récent, Nord-Foire est limité à l’Est par les Parcelles Assainies et la Cité Damel, à l’Ouest par le village traditionnel « lébou » de Yoff, au Nord par le cimetière musulman de Dakar et la Cité Diamalaye, au Sud par le Centre international pour le commerce extérieur du Sénégal (Cices). La Cité habitée en majorité par des fonctionnaires de l’Etat compte également plusieurs villas luxueuses construites par des émigrés sénégalais et d’autres nationalités. Beaucoup de ces habitations de standing sont données en location, principalement à des étrangers. Mais, ce quartier en apparence paisible est fréquemment perturbé par des descentes policières des actes délictuels ou criminels.

Insécurité et prostitution

Les parkings de vente de voitures de seconde main, le garage de taxi « clando » et les barrières du complexe Yengoulène attirent l’attention du visiteur qui aborde le quartier Nord-Foire par le côté Est. Des sites qu’ils occupent contre l’agrément des riverains. Mais, les gérants détiennent des permis d’occupation dûment signés par la mairie de Yoff ou par le gouverneur de Dakar. Du côté du complexe Yengoulène, l’épouse du propriétaire (Cheikh Niane, absent du territoire) renseigne que ce dernier « détient un permis d’occuper délivré par la mairie ».

Même son de cloche chez les vendeurs de voiture qui brandissent tous des documents signés par la commune. « Nous avions mis à la disposition de Cheikh Niane un terrain nu juxtaposé avec sa boîte pour qu’il y dépose ses matériels. Ce, pour ne pas qu’il utilise la voie publique comme dépôt. Ce qu’il avait accepté au début. Mais, avec l’agrandissement de son complexe, il a finalement transformé la voie publique en dépôt, ce qui bloque l’accès. Maintenant, nous ne pouvons pas traverser cet espace avec nos voitures. Nous sommes obligés de faire demi-tour une fois arrivé au complexe Yengoulène », se plaignent des riverains. Déviation également obligatoire pour la nouvelle mairesse des lieux, Oumou Khaïry Guèye Seck qui habite à l’autre bout du quartier.

Les cantines qui servent de restaurants aux chauffeurs de taxi « clando » le jour sont aussi indexées. Car, révèlent certains habitants, «la nuit, elles servent de baisodrome pour les prostitués. On allume des bougies dans les cantines et j’ai vu, récemment, un couple entrer dans les lieux à une heure très avancée dans la nuit », témoigne un riverain. D’ailleurs, des sources immobilières contactées sur place renseignent « qu’une auberge verra bientôt le jour dans la Cité avec bar, restaurant et discothèque ».

Toilettes en plein air 

Les vendeurs de voitures d’occasion constituent également un handicap pour l’environnement et la sécurité de la Cité Nord Foire. C’est du moins ce que soulignent les populations de la localité. « L’accès dans la Cité est bloqué par les vendeurs de voitures et ils polluent même l’environnement. Pour preuve, ils ont tous construit des toilettes sur la voie publique pour se soulager. Ce qui veut dire qu’ils vont bientôt faire des clôtures », accuse un habitant. Il soupçonne que « les dépôts de matériels servent de refuges pour les agresseurs. Ils peuvent semer leurs victimes en se cachant dans ces dépôts ». Lui et bien d’autres de ses voisins souhaitent que la nouvelle équipe communale pilotée par le ministre Oumy Khaïry Guèye Seck « retirent tous les permis d’occupation détenus par les occupants des lieux ». Un habitant révèle aussi « qu’un serpent occupe un trou dans une maison inachevée ». « Il y a un serpent dans cette maison. Plusieurs habitants qui longent cette route à des heures matinales le croisent souvent. Ce qui est lourd de danger pour la population. Si l’on sait que la zone n’est pas éclairée et qu’il peut mordre quelqu’un à n’importe quelle heure ».

Cambriolages et faux billets

Pour ne pas arranger les choses, des séries de cambriolages sont signalées dans le quartier. Récemment, une maison a été cambriolée en plein jour par des malfaiteurs. « L’individualisme se paye cash dans notre Cité. Pour preuve, cette maison (juxtaposée à son lieu de travail, NDLR) a été cambriolée récemment en plein jour et personne n’est allée s’enquérir de la situation », fait savoir un habitant. Ce dernier de révéler « qu’un médecin victime d’un cambriolage a finalement boudé le quartier ». Ibrahima Diallo, boutiquier, raconte « qu’il a été victime d’un vol de portable dans son magasin. Le jour de Pâques, un client, qui était à bord d’un scooter, a emporté mon portable destiné à la vente de crédit « seddo » avec une charge de 15 000 francs Cfa. Il m’a dit qu’il voulait un paquet de coton. Dès que je lui ai tourné le dos, il a chipé le téléphone avant de disparaître. Je viens de passer une semaine dans le quartier, mais c’est le seul vol dont j’ai été victime pour l’instant. Et je n’ai pas encore reçu de faux billets ».

En revanche, un grossiste témoigne avoir reçu, à maintes reprises, des coupures de faux billets dont il accuse des étrangers d’en être les détenteurs. « Ils peuvent acheter 30 000 francs Cfa avec de vrai billet, aujourd’hui. Le lendemain ou une semaine après, s’il revient, tu peux croire qu’il est un client sérieux, mais vigilance. J’ai interpellé plusieurs fois des étrangers qui voulaient me remettre des faux billets », avance le commerçant. Il souligne que « les étrangers sont nombreux à la Cité Nord Foire, et la plupart ne fréquentent que les cybercafés». Pour d’autres habitants, ces étrangers « aiment le quartier, parce qu’il est calme et c’est chacun pour soi Dieu pour tous. Il s’y ajoute que dès 20 heures, tu ne croises personne dans les rues ».

Ibrahima Seck, chef du sous-quartier Dakar-Marine, pensnt que si étrangers ont choisi la Cité, c’est parce qu’elle n’est pas éclairée, « ce qui est propice à leurs activités délictuelles. M. Seck souhaite « qu’ils quittent, car ils y font des pratiques interdites par notre religion. Ils se livrent à la prostitution et ils ne travaillent jamais le jour. Il s’y ajoute qu’ils font beaucoup de dégâts dans la Cité. Parfois, ils sont ivres et se livrent à des bagarres. Récemment, dans mon quartier à la Cité Dakar-Marine, ils ont été chassés d’une maison, car, ils ne cessaient de perturber la quiétude leurs voisins ».  Le chef de quartier dit craindre que les enfants les imitent. 

Loyer cher

Le loyer à Nord Foire est cher. Et, selon des courtiers rencontrés sur place, la responsabilité incombe aux propriétaires des maisons. « Les étrangers ne sont pas à l’origine de la hausse des locations, mais plutôt les propriétaires. Pour preuve, certaines maisons restent sans acquéreur à cause du prix de location élevé. Mieux, certains propriétaires nous disent qu’ils ne veulent pas avoir des étrangers comme locataire à cause des descentes répétées de la police sur les lieux », expliquent des courtiers. Cependant, à en croire d’autres courtiers, « certains habitants préfèrent les étrangers, car ils ont de l’argent et peuvent donner une avance d’une année ou de six mois à raison de 200 000 francs Cfa le mois ». « Ce qui est grave, tu ne peux pas savoir le travail que font les étrangers anglophones dans notre quartier. Si tu vas en Côte d’Ivoire, tu peux constater que les sénégalais sont dans le commerce ou le transport. Mais là, les anglophones ne fréquentent que les cybercafés. Il s’y ajoute qu’ils peuvent casquer 100 000 francs Cfa sur une chambre de 40 000 », dit Alioune Goumala, habitant la Cité Marine. 

Eglises suspectes 

« Je pense que les Eglises sont des lieux de culte comme le sont les Mosquées. Le Sénégal étant un pays laïc, nous devons tolérer cela, mais il y a lieu de voir ce qui se passe dans ces Eglises hermétiquement fermées et ouvertes qu’à une seule communauté », susurre un habitant. Surtout que, souligne-t-il, « tous les étrangers qui entrent dans ces églises traînent toute la journée dans le quartier, alors qu’ils payent des locations avoisinant 500 000 francs Cfa le mois ». « En tant que Sénégalais, tu ne peux pas savoir les activités qu’ils mènent dans le quartier. Ce qui nous faire croire qu’il y a une part de vérité sur les activités criminelles ou délictuelles qui leurs sont reprochés par les habitants, à savoir les trafics de drogue et de faux billets ».

Dans une des Eglises visitée, le responsable des lieux soutient « qu’il s’agit d’un lieu de prière chrétienne ». Le responsable du temple ajoute qu’il y a « des Sénégalais qui fréquentent l’église ». Prudent, il nous a demandé au début : « Qui est-ce qui vous a dit de venir ici ? » « L’Eglise est ouverte à tout le monde trois fois dans la semaine », informe notre interlocuteur avant de demander si nous voudrions des prières. « L’Etat doit fouiller ce qu’ils font dans leur soi-disant églises. Car, un lieu de culte doit être transparent et ouvert à tout le monde. Mais, tu constates qu’ils ont élevé leur mur de clôture pour que personne ne puisse apercevoir les pratiques auxquelles ils se livrent et elle n’est ouverte qu’à leur communauté. Tu ne peux même pas savoir qui est le pasteur ou l’évêque », s’inquiète Alioune Goumala.  

Sidi Bara Fall, Chef du quartier Nord-Foire : « Que l’Etat prenne ses responsabilités »

Sidi Bara Fall accuse particulièrement les étrangers vivant dans son quartier de troubler la quiétude des habitants.

Pouvez-vous nous décrire brièvement la géographie de votre Cité ?

Le quartier Nord-Foire existe depuis les années 1990. Il est composé de 20 Cités. Il y a un président dans chaque cité. Elles ont été morcelées en 7 quartiers puis en une seule fédération dont je suis le président.

Pourquoi la Cité Nord-Foire reste le lieu privilégié des étrangers et, plus particulièrement, des anglophones, Nigérian et Ghanéens ?

Il y a beaucoup d’étrangers dans la Cité du fait des villas luxueuses. Car, la moitié des propriétaires des maisons sont à l’étranger et les mettent en location. Mais, comme les locations ne sont pas à la portée de toutes les bourses, les étrangers sont les clients privilégiés par les propriétaires des maisons. Ils sont capables de donner des avances de quatre à six mois pour la location en raison de 200 000 francs Cfa le mois. Ce qui n’est pas à la portée de tout le monde. Mais, ils font dans le quartier des pratiques qui ne sont pas recommandées par notre religion et nos coutumes. Par exemple, ils ont implanté dans notre Cité des Eglises dans lesquelles ils font des pratiques qui sont méconnues des trois religions révélées (Islam, Christianisme, Judaïsme). Il y a presque trois Eglises dans le quartier. Pis, ils tympanisent les habitants. Les week-ends, ils font des louanges pour on ne sait quel Dieu en passant tout leur temps à danser et chanter.

Votre Citée est considérée comme un lieu de trafic de drogue dure, qu’en est-il exactement ?

Parfois, nous lisons dans les journaux que des vendeurs de drogue ont été arrêtés par la police à la Cité Nord-Foire. Il y a de cela deux ou trois ans, un enfant porté disparu a été retrouvé mort et l’autopsie avait révélé qu’il lui manquait quelques organes. Cette affaire a été mise sur le dos des étrangers, car nous ne connaissons pas ces pratiques-là. D’ailleurs, ils prennent, parfois, une brebis vivante qu’ils brûlent en plein air dans le quartier. Plusieurs habitants m’ont rapportés ces informations. Certains soutiennent même les avoir surpris en train d’enterrer des bêtes vivantes. Personnellement, je n’ai jamais vu ces pratiques, car ils les font dans des endroits cachés, mais ils sont toujours vus par certains. En tant que civil, nous ne pouvons pas dire facilement qu’une personne est un trafiquant de drogue. Mais, on suppose que les étrangers qui vivent dans ce quartier se livrent au trafic. Pour preuve, on ne peut pas louer une maison à 300 000 francs Cfa le mois tout en passant tout son temps dans les cybercafés. Ils font même la queue pour se connecter. Ceux qui ont des boîtes email reçoivent parfois des courriers les informant qu’ils ont gagné des millions de francs Cfa au Loto. Parfois, ils te balancent des informations, à savoir qu’ils sont les enfants de tel président d’un pays et qu’ils ont de l’argent à transférer. Alors que ce sont des gens qui sont au Sénégal, ils passent pour des gens vivants en Angleterre. Comment quelqu’un qui ne mène pas une activité lucrative peut payer des locations de 300 000 francs Cfa ? Mais là, c’est l’Etat qui doit prendre ses responsabilités.

Ne craignez-vous pas une révolte des habitants face cette situation ?

Lorsque l’enfant a été retrouvé mort avec des organes manquants, les populations ont voulu se révolter. Les gens voulaient les chasser du quartier, mais nous nous y sommes opposés. Surtout qu’il y a des sénégalais qui vivent au Nigeria, au Ghana, etc. Nous sommes dans un Etat de droit, donc nous ne pouvons pas faire certaines choses. Depuis lors, nous n’avons plus entendu de mort de cette nature ; nous les avons avertis que si jamais de pareilles choses se répètent et si l’Etat ne prend pas des mesures, nous allons réagir.

Est-ce que ces étrangers ne sont pas de connivence avec les propriétaires des maisons ?

Nous ne connaissons pas les propriétaires des maisons qui servent d’Eglises aux étrangers. D’ailleurs, certaines personnes m’ont informé qu’ils sont les propriétaires des maisons abritant les Eglises. Ce dont je ne suis pas sûr. A part les Eglises, il y a le cimetière qui constitue aussi une menace pour la sécurité du quartier, car une bonne partie du mur de clôture est tombée.