Le Baccalauréat ? Ça sert, sans doute, toujours à quelque chose. Mais qui aurait pu croire que le premier diplôme de l'enseignement supérieur au Sénégal soit dévalorisé au point de servir d'emballage d'un morceau de pain dans une gargote ? Personne, notamment les candidats actuels au Bac, ne peut succomber à la tentation de soupçonner cela. Jusqu’à hier, seulement. Car, au détour d'une promenade matinale sur l'Avenue Cheikh Anta Diop, l'idée nous est venue de faire un crochet chez Dicko. L'homme tient sa gargote juste aux abords de la librairie Clairafrique, à l'entrée du ‘Couloir de la mort’, une rue qui conduit droit, entre autres, au Centre d'études des sciences et des techniques de l'information (Cesti). Il est 7 h 15 mn.
A cette heure, il y avait deux hommes qui raclaient les derniers morceaux de viande grillée placés, devant eux, sur un morceau de papier. Coup de théâtre ! Car, quelle ne fut notre surprise de constater que le ‘morceau’ de pain qui nous était servi, était emballé dans une copie légalisée du Bac. Un document frappé du logo de l'Université Cheikh Anta Diop avec les ornements qui encadrent le diplôme. Le titulaire, M. D. est, selon le ‘papier’ né en 1972 à Fatick. Il a décroché le Bac A à Pikine en 1996 avec la mention passable. La copie est, certes légèrement tachetée, les rebords sont rognés par endroits. Mais, elle reste intacte et peut, normalement, ‘servir et valoir ce que de droit’. ‘Je l'ai achetée dans une boutique’, lance Dicko. Il répondait, ainsi, à notre curiosité de savoir comment le ‘papier’ a pu lui tomber entre les mains. Il y a plusieurs hypothèses. La plus plausible est que la copie provient des services administratifs des facultés, débordées, sans doute, par la paperasse des milliers d'étudiants de l'Ucad. Le débarras est donc légitime. Cependant, la méthode est répréhensible. Car, on aurait pu, simplement, calciner ces milliers de papiers ‘inutiles’.
Le Bac, un mythe en papier… d’emballage
A coup sûr, M. D., propriétaire du diplôme, n'est plus étudiant. Cela fait 12 ans qu'il a obtenu son Bac. Qu'est-il devenu, lui dont la copie du Bac sert d'emballage dans un ‘Maïga’ ? L’équation est à mille inconnues, mais une chose est sûre, il ne doit pas être fier de voir une copie de son diplôme, arraché, vraisemblablement, au prix de multiples nuits blanches, dans une gargote. Le choc aurait été plus dur si le document était tombé entre les mains d’un candidat attendant encore ses résultats au Bac. Un candidat auquel les parents ont promis monts et merveilles. Peut-être que ce candidat-là finirait par en rire jaune. Il ne comprendrait pas que ses parents, son entourage, la société, ses profs en arrivent à pousser la comédie à ce point : élever au rang de mythe, un papier d’emballage. Sa ’tension’ baisserait. Et son dépit pour le Bac, voire les études, en naîtrait pour ne jamais mourir. Le Bac, c’est sûr, ça sert à quelque. Mais aussi, hélas, à emballer du pain dans nos gargotes.
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