L’enquête sur le blanchiment d’argent confiée à Sûreté urbaine : Les raisons d’un choix

Au début, nombre de Sénégalais s’attendaient à la convocation de Macky Sall par la Division des investigations criminelles (Dic). Mais au finish, le « dossier » a été confié à la Sûreté urbaine. Ce n’est pas un hasard, il y a bien des raisons.

L’enquête sur l’affaire de complicité de blanchiment d’argent qui impliquerait l’ancien Premier ministre, Macky Sall, n’est pas diligentée par la Division des investigations criminelles (Dic). La Sûreté urbaine (Su) du Commissariat central de Dakar a été préférée pour mener l’enquête, sur la saisine de la Direction de la sécurité publique qui coiffe tous les commissariats. Il y a bien des explications à cela.

La (Dic) est devenue familière aux Sénégalais grâce aux enquêtes politico-judiciaires qui lui sont confiées. La récurrence des convocations à ce service de la Police avait fini par porter un sacré coup à sa réputation. Connue par son efficacité et son prestige, la Dic est tombée dans les travers d’une traque injustifiée jusqu’à signer son acte de banalisation. Cela s’est passé sous le commissaire Assane Ndoye, qui a géré l’affaire Idrissa Seck avant se voir propulsé Directeur général. Le même Assane Ndoye qui se retrouvera Directeur général de la Sûreté nationale. Ephémère passage à la tête de la Police qui aura duré juste six mois. Le désaveu de la Dic profite à la Su. Et parmi les raisons qui ont présidé au choix de la Su, il y a la montée en puissance de cette entité policière pilotée par le Commissaire Modou Diagne. Ce dernier et ses hommes se sont illustrés, ces derniers temps, par des résultats d’enquête très concluants et par une rapidité inhabituelle dans certains cas. Il faut dire que cette réputation a été assise avec le passage à cette division de bons fouineurs à l’image des commissaires Pape Massar Ndiaye, l’actuel Directeur de la sécurité publique (Dsp), de Fadel Diop (devenu conseiller de Wade), de l’actuelle Directrice de la Police de l’Air et des frontières, de Josephine Sarr, qui fut après commissaire central, de Seydou Bocar Yague, présentement aux Enquêtes douanières. Ces derniers qui ont piloté cette division lui ont imprimé de bonnes marques en termes d’investigation. A noter aussi que si la Section judiciaire de la Sûreté urbaine est bien mise en avant, les Sections Mœurs (Brigade des Mœurs) et administrative abattent un travail colossal.

Efficacité et expérience

Mais l’on retient surtout dans le lot des dossiers traités de main de maître par les éléments de la Su, l’affaire du saccage des locaux de l’As et de 24 heures Chrono. Il a suffi moins d’une semaine aux hommes du commissaire Diagne pour mettre la main sur les malfaiteurs et établir le lien entre les coupables et leur présumé commanditaire, l’ancien ministre Farba Senghor. Auparavant, l’efficacité et la discrétion des hommes de la Su avaient ému les services de Police dans l’affaire des deux cambistes tués et cachés dans une malle de voiture à la Sicap Liberté 6. Partis de maigres indices, les limiers ont pu, de fil en aiguille, remonter jusqu’aux auteurs.

Ces succès, en dépit de sa compétence régionale, ont pesé dans la balance et convaincu sans doute les autorités à confier le dossier Macky Sall à ce service d’enquête judiciaire de la Police pour attendre de lui les mêmes résultats. D’autre part, la Su regorge d’hommes de terrain réputés pour «la finesse et la pugnacité» dans les enquêtes. Ces enquêteurs sont toujours prompts à exploiter le plus petit indice pour aller de l’avant. Ce à quoi s’ajoutent «l’expérience, l’indépendance et la rigueur de son chef», le commissaire Modou Diagne.

Indices et tuyau

Après avoir fait ses preuves dans des Commissariats comme les Parcelles assainies et Mbour, M. Diagne est à la tête de la Su depuis environ deux ans. Un temps qu’il a mis à profit pour se mettre en valeur et positionner le service. Cette réputation de la Su est un des éléments d’appréciation à partir desquels le dossier de Macky Sall lui a été confié. D’ailleurs, l’on lie cette démarche des autorités à «l’existence d’indices sur le dossier. Lesquels peuvent permettre de confirmer les faits pour lesquels le leader d’Apr/Yaakaar et quelques-uns de ses proches sont convoqués devant les limiers». Même si l’on refuse d’affirmer l’implication directe ou indirecte de M. Sall dans l’affaire de blanchiment d’argent, il reste que des coïncidences troublent les enquêteurs. Les convocations tous azimuts de ses proches procèdent d’une volonté des éléments de la Su de trouver l’issue d’un tuyau en exploration. Outre ces considérations objectives, des critères plutôt subjectifs ont présidé au choix porté sur la Sûreté urbaine. Les autorités ont voulu, d’après les analyses d’interlocuteurs au fait de l’évolution du dossier, écarter toute connotation politique à cette affaire. Cette crédibilité prêtée à la Su est aujourd’hui suspendue à sa manière de diligenter l’affaire Macky Sall.