Sénégal. La capitale ne parvient pas à faire face aux inondations, incessantes depuis quatre ans, et les sinistrés se sentent délaissés.
Voilà quatre ans que le quartier de Guinaw Rail, un arrondissement de la grande banlieue de Dakar, vit les pieds dans l’eau. Cette année, la situation a empiré à cause des fortes pluies de l’hivernage, au mois d’août. Aujourd’hui encore, les pompiers pompent l’eau dans les rues.
Les mares nauséabondes persistent dans bien des maisons, sans aucun programme pour changer la donne, se plaignent les habitants. «Dans notre quartier, la nappe phréatique remonte, explique Lamine Diop, chef de projet au sein d’une petite radio communautaire, Rail-Bi FM. Vous pouvez écluser l’eau par seaux entiers aujourd’hui, elle sera encore là demain.»
Les étendues d’eau stagnante font planer le risque du choléra et aggravent le paludisme, à cause des moustiques. Des nuées de crapauds s’ébattent dans les fossés, et des larves se développent par plaques dans certaines cours inondées.
Chez elle, Renée-Marie, femme au foyer, avait en septembre de l’eau jusqu’à la taille. Elle a démonté ses portes, construit des piliers en empilant des coques de batteries de voiture, pour dormir avec ses enfants sur ces lits de fortune. Dans la cour, ses moutons sont morts, et avec eux la perspective d’un petit gain lors de la Tabaski, la fête du mouton. La seule aide qu’elle ait reçue se résume à un flacon d’eau de javel et un petit seau bleu, pour éviter le choléra. «La nuit, on ne dort pas, à cause des moustiques», dit-elle. Elle n’a pas entendu parler des 3 000 maisons du projet présidentiel dénommé Jaxaay.
Ces demeures à bas prix, prises en charge à 60% par l’Etat et 40% par leurs locataires, ont été construites à partir de 2006 à Keur Massar, dans la banlieue de Dakar, pour reloger les sinistrés. «Jaxaay, l’aigle en wolof, veut dire que nous ne sommes pas polarisés sur Dakar, précise à Libération Abdoulaye Wade, le président du Sénégal. Nous voyons la misère partout où elle se trouve.» Les logements ne sont que pour moitié achevés. Ils ont permis de reloger 15 000 personnes mais le programme n’a pas été poursuivi en 2008 «à cause de la crise», explique le chef de l’Etat. Ni en 2009, malgré les pluies diluviennes, qui ont fait 264 000 sinistrés dans le pays.
Le Sénégal, pays d’Afrique de l’Ouest le plus touché par les inondations, n’a pas demandé l’aide d’urgence pourtant disponible auprès des Nations unies. A Guinaw Rail, un collectif d’associations sénégalaises a distribué des moustiquaires aux familles hébergeant des enfants de moins de 5 ans, les plus vulnérables au paludisme. «Depuis mars, nous avons livré 4 000 moustiquaires, raconte Lamine Diop. Ce n’est pas assez.» Un nouveau dispensaire a été construit dans le quartier en 2007, mais il trône, inutile, au milieu d’un terrain vague : il n’a jamais été achevé. Certains se disent victimes d’un «problème de politiciens» et s’estiment délaissés par le pouvoir depuis que la mairie de Thiaroye, dont dépend Guinaw Rail, est passée en mars aux mains de l’opposition.
Salimata Diouf, une habitante de l’arrondissement, vit dans ce qui ressemble désormais à une rue fantôme. La plupart de ses voisins ont quitté leurs maisons, inondées, pour se reloger chez des parents, en banlieue de Dakar. Elle aimerait partir, elle aussi, mais lève les mains au ciel : «Nous n’avons nulle part où aller.»
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