Le témoignage involontaire de l’un des naufragés du navire fantôme, donne une idée de cette terrible traversée de l’Atlantique, que beaucoup prenaient pour la mer Méditerrannée. Sur une note trouvée sur le bateau, le jeune Diao Souncar Diémé, âgé de 29 ans, griffonne : «La situation dans le bateau est si pénible que je ne crois pas que je vais en sortir vivant. Je voudrais que ceux qui me trouveront transmettent à ma famille à Bassada cette somme d’argent. Adieu et pardonnez-moi. Ma vie finit ici, sur cette grande mer marocaine.» Tim Slinger, reporter au journal de Barbade, The Nation news, déclare que, cette note de Diao Diémé a permis de savoir que sur le bateau, au départ, avaient embarqué 52 personnes. De ce nombre, certains avaient changé d’avis peu après, tandis qu’une bonne partie a fini son aventure dans le ventre de l’Atlantique. Les habitants de la Barbade ont été choqués d’apprendre que ces jeunes Ouest-africains sont morts de faim et de soif.
Pour en revenir à Diao Souncar, l’une des choses les plus dramatiques est que, si l’on a retrouvé la note qu’il a rédigée, ses parents n’ont pas pu reconnaître son corps parmi les onze cadavres. Son frère, Ibrahima Diémé, qui a spécialement appelé d’Europe où il se trouve, à l’annonce de la découverte du bateau, était assez désespéré : «Notre famille aimerait retrouver le corps pour les funérailles, mais nous ne savons vraiment pas.» C’est lui qui a envoyé la photo de son parent aux autorités barbarismes, pour faciliter la reconnaissance de son corps. En vain, hélas. Pour les médecins légistes, il aurait fallu faire un examen d’Adn pour déterminer de façon exacte l’identité de chacun des naufragés. Cependant, certains proches de ces naufragés s’étaient pendant longtemps entretenus avec eux peu de temps avant leur embarquement, et aussi bien qu’au cours de leur voyage. Cela a permis de comprendre les péripéties de leur mortelle odyssée.
Un certain Omar Badji a ainsi informé la police et les journaux de l’Ile de la Caraïbe que, parmi les naufragés, se trouvaient entre autres, ses proches, «Seiny Dabo, de Guinée-Bissau, Bouba Cissé, de la Gambie, Wakha Kaba, Moro Faty, ainsi qu’un certain Dimbadiou, du Sénégal». Abdou Karim Cissé, qui vit au Portugal, s’est présenté au téléphone comme le cousin de Bouba Cissé. Il s’est désolé que son cousin se soit lancé dans ce voyage à cette période, alors qu’il lui avait demandé d’attendre qu’il lui envoie l’argent que ce dernier venait de lui demander. Bouba, comme Diao Souncar Diémé et d’autres jeunes gens du Sénégal et d’Afrique de l’Ouest, s’était établi au Cap-Vert environ deux mois auparavant, en vue de préparer son voyage vers le pays de Cocagne, qui allait s’avérer fatal pour lui.
La volonté de fuir la misère devait être tellement forte que ces jeunes gens ne se sont même pas préoccupés de savoir si cette petite embarcation de 6 m de long allait pouvoir emmener la cinquantaine de personnes qui avaient pris place à bord, à bon port et sans encombre. Obnubilés par le changement qualitatif que leur existence allait connaître, ils n’ont pas eu le temps de penser à leurs conditions de voyage. Jusqu’à ce que les avaries, la soif et la faim les ramènent à la réalité.
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