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MANQUE D’ENSEIGNANTS SPECIALISES, FAIBLE TAUX D’ACCES, PREJUGES... Ces défis à la scolarisation des enfants handicapés

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MANQUE D’ENSEIGNANTS SPECIALISES, FAIBLE TAUX D’ACCES, PREJUGES... Ces défis à la scolarisation des enfants handicapés

Les établissements pouvant offrir un enseignement adéquat aux enfants à besoins spéciaux sont déjà peu nombreux. Et il y a surtout le fait que les maîtres eux-mêmes doivent, dans la pédagogie, développer une approche particulière pour chacun d’eux. D’où la nécessité d’augmenter les effectifs des instituteurs spécialisés pour améliorer le niveau d’apprentissage de tels élèves.

Le Sénégal compte peu d’enseignants spécialisés pour l’éducation à besoins spéciaux. Jusqu’à une période récente, ce sont les instituteurs formés pour l’enseignement général qui sont parachutés dans ces centres comme à Talibou Dabo.

« Il faut en former. La prise en charge scolaire de cette catégorie d’enfants souffre de l’insuffisance des enseignants spécialement destinés à l’éducation des enfants handicapés. Nous devons profiter, sur ce plan, de la Coopération française pour avoir le maximum de Sénégalais », plaide Mamadou Mbengue, du centre Talibou Dabo et qui a subi une formation à l’Institut français de Paris.

Tout enseignant, avance-t-il, ne peut transmettre du savoir à ces enfants. L’acquisition d’une formation particulière dans les instituts spécialisés s’impose. Car, l’enseignant est tenu de prendre en compte l’état physique et mental de l’apprenant. Il va de soi que c’est une approche particulière qui sera développée pour se faire comprendre d’eux. Certains d’entre eux ont des troubles de la vision, d’autres des difficultés pour faire mouvoir leurs mains.

« Il y en a qui ont une dyspraxie visuelle. On perd son temps, si l’on se met, par exemple, à leur montrer un point sur le tableau. Pour cet exemple et pour d’autres, il faut des stratégies de contournement pour leur faire comprendre. Même pour tous ceux qui souffrent d’une même maladie, il faut une stratégie individuelle. Chaque enfant est un cas », renseigne Mamadou Mbengue.

L’introduction de l’informatique dans les enseignements en Europe a permis, selon lui, de lever plusieurs obstacles dans la transmission du savoir aux élèves malades. « Nous sommes au début de l’introduction de l’ordinateur dans notre dispositif pédagogique. Les enseignants sont en train de subir une formation. Il existe des logiciels d’apprentissage et des supplétifs. Par exemple, pour des élèves qui ont une mobilité fine, il y a des claviers et des souris adaptés qui leur permettent d’écrire. Il faut que l’Etat nous aide à acheter ces logiciels qui sont très chers », souligne, Mamadou Mbengue. Le centre utilise des supports pédagogiques particuliers pour ses pensionnaires.

Une bonne frange hors de l’école par la faute des parents

La scolarisation des enfants handicapés n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière au Sénégal. Seuls, 30 % des enfants sont inscrits à l’école. 70 % n’y ont pas accès. Plusieurs facteurs expliquent cet état de fait.

La scolarisation des enfants handicapés butte sur des écueils de tous ordres. Aujourd’hui, encore, les parents des enfants à besoins spéciaux et la communauté continuent d’entretenir des préjugés sur la capacité de ces malades à surmonter leur handicap et à faire tout le cycle scolaire.

« Les enfants à Besoins éducatifs spéciaux (Bes), particulièrement les enfants handicapés, fréquentent très peu l’école pour des raisons multiples ; parmi lesquelles on peut relever la persistance de croyances qui font du handicap une malédiction, ou une tare congénitale à cacher », fait remarquer le président du Conseil pour la réadaptation et l’intégration des personnes handicapées (Coriph), Santi Hagne, lors de la présentation d’une de leur études portant sur la scolarisation des enfants handicapés.

C’est l’une des causes n’incitant pas les parents à inscrire leurs enfants. Parce qu’ils ne croient pas à la chance et à la capacité de leur progéniture de percer dans un système éducatif qui accorde plus de privilèges aux enfants bien portants.

Pour dissiper ces idées fausses, le centre Talibou Dabo a pris la résolution de dérouler un programme de sensibilisation à l’endroit des parents pour leur éviter de développer le complexe d’avoir un enfant souffrant de déficience ou de troubles neuro-affectifs, de la vision, de la fonction cognitive, entre autre. Cependant, la démobilisation de la communauté n’incite pas les décideurs politiques et autres organisations à accorder un budget consistant pour l’éducation de cette couche vulnérable de la population.

Par ailleurs, l’inadaptation des tables-bancs et de l’architecture des classes est une entrave également à la scolarisation de tels enfants.

Tout cela a pour conséquence, l’exclusion d’une frange importante de la population du système éducatif. Cela hypothèque non seulement les objectifs de l’Education pour tous mais aussi la lutte contre la pauvreté. C’est parce que ces enfants handicapés risquent plus que les autres de verser dans la mendicité et ont peu de chance d’intégrer le marché du travail.

« Il y a beaucoup d’enfants handicapés à Dakar et dans la banlieue qui ne sont pas pris en charge sur le plan médical et scolaire. Cela compromet doublement leur avenir. Pour un pays qui aspire à l’Education pour tous et à être un pays émergent, nous n’avons pas le droit de laisser en rade ces enfants sur le plan de la prise en charge scolaire », argumente le directeur du Centre Talibou Dabo, Cheikh Guindo.

Le suivi médical, gage de réussite

Le maintien des enfants souffrant d’un handicap à l’école et le succès dans les études. C’est l’analyse livrée par le Dr Cheikh Guindo du centre Talibou Dabo.

La scolarisation des enfants handicapés ne peut pas être dissociée du suivi médical. Cet aspect conditionne l’acquisition des connaissances chez ces sujets.

« Il est sûr que la prise en charge structurée des enfants que nous avons au centre permet d’améliorer des acquis sur le plan pédagogique », révèle le Dr Cheikh Guindo. Une comparaison de l’équipe médicale établit une nette amélioration du niveau pédagogique des pensionnaires de l’établissement ayant fait le Ci et ceux qui sont admis sans passer par la maternelle du Centre Talibou Dabo.

« Les enfants pris en charge très tôt sur le plan médical avaient beaucoup plus d’aptitudes d’apprentissage, du point de vue de l’apprentissage pédagogique, que ceux qui arrivent à Talibou Dabo de manière inopinée. Ceux qui ont bénéficié d’un suivi médical ont une capacité de progression nettement supérieure à celle des autres », témoigne le Dr Guindo.

L’assistance médicale rapprochée est nécessaire pour le maintien de ces sujets présentant des troubles psychoaffectifs, une dyspraxie, des troubles cognitifs, entre autres. « Je dis souvent aux parents qu’il est important d’inscrire son enfant, mais qu’il est beaucoup plus important de respecter leur suivi médical. C’est ce qui permettra à l’enfant de devenir autonome et de favoriser ses acquisitions au niveau scolaire. Le suivi médical est une condition d’apprentissage », soutient encore le Dr Cheikh Guindo. D’ailleurs, c’est en fonction de la nature et du degré du handicap que sera structuré le suivi médical. Les instituteurs sont tenus aussi de prendre en compte cet aspect, au sujet des pensionnaires du centre qui reçoivent des soins en kinésithérapie, en ergothérapie et, bientôt, en balnéothérapie.

Des activités médico-sportives y sont pratiquées pour stimuler le niveau d’acquisition pédagogique.

La consolidation des acquis sur le plan scolaire dépend en grande partie du respect des conseils des agents de Santé. Cela n’est pas possible sans l’implication des parents. « Beaucoup d’enfants ne bénéficient d’aucune stimulation durant les vacances. Les élèves nous reviennent des vacances sans automatisme. Il y en a qui perdent des acquisitions. Les parents doivent être nos relais à la maison, s’ils ne peuvent amener régulièrement leurs enfants au centre pour le suivi médical », indique le Dr Guindo. La prise en charge, dit-il, doit être globale et permanente.

INSERTION PROFESSIONNELLE : Comment Djibril Faye a franchi les obstacles

Le handicap n’est pas un obstacle à la scolarisation. Ainsi, Pape Djibril Faye a fait un intéressant parcours scolaire avant d’entrer dans le monde du travail. Aujourd’hui, il demande que l’on pense, dans la construction des salles de classe, aux enfants défavorisés sur le plan physique et psychoaffectif.

Il est assis devant sa machine. Tel un pianiste, Pape Djibril Faye manipule la souris et glisse ses doigts sur les touches du clavier. C’est le responsable administratif du réseau informatique du centre Talibou Dabo. Le chemin parcouru pour occuper ce poste a été long et jonché d’écueils. Pape fait partie de la première promotion des élèves handicapés de ce centre. C’est ici qu’il a fait l’école maternelle et le cours primaire. Après l’entrée en 6e, il entre au Cem de Grand-Yoff où il décroche son Bfem en 1995.

Ce diplôme en poche, Pape est orienté en série S2 au lycée Blaise Diagne. Il y reste jusqu’en classe de Terminale avant d’arrêter pour diverses raisons. « Pour me rendre à Blaise Diagne, il fallait que je me réveille très tôt et, à l’époque, les bus de la Sotrac (la défunte Société des transports du Cap-Vert) venaient d’interrompre les liaisons. En plus, nos cours avaient lieu au 2e étage du bâtiment 9E. Il y avait un réel problème d’accessibilité », explique Pape Djibril. Depuis sa tendre enfance, originaire de Grand-Yoff s’est mis une idée dans sa tête : « Je me disais que je pouvais réussir comme les autres. J’ai combattu mon handicape dans la tête. Cela m’a beaucoup aidé à persévérer dans les études », confie le bonhomme. Jamais l’idée de se mettre à mendier ne lui a traversé l’esprit. C’est cette philosophie qui anime en lui ce feu sacré qui l’incite à se battre pour gagner à tout prix et dignement sa vie.

Il s’inscrit alors dans une école, pour subir d’abord une formation de technicien supérieur en Informatique, puis en maintenance informatique, ensuite d’administrateur de réseau et enfin en Infographie.

Ces qualifications lui ouvrent la porte du marché de travail. Il collabore avec plusieurs Ong avant que l’actuel directeur du Centre Talibou Dabo le fasse venir pour lui confier le réseau informatique du centre qui l’a a formé. Une belle manière de payer sa dette envers l’établissement. Malgré leur état physique et psychologique, les élèves handicapés réussissent à percer dans les études. Mais ils ont toutes les peines du monde à trouver du travail. Ils sont victimes d’une discrimination. C’est triste pour ces jeunes Sénégalais qui se sont tant battus pour acquérir des connaissances et une formation qualifiante.

« Nous, les élèves handicapés, nous avons de réels problèmes d’insertion, malgré notre compétence. Nous voulons que la part des 15 % de recrutement réservée aux handicapés nous soit effectivement affectée », souligne Djibril Faye. Lui, il n’attend rien de l’Etat. Toutefois, il faut reconnaître que l’Etat a pris des mesures encourageant l’insertion des personnes handicapées.



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