Mines d'or de Kédougou : Les orpailleurs exposés à l’intoxication au mercure

Pour des raisons de survie, la gravité de l’usage du mercure dans l’exploitation de l’or laisse indifférents les orpailleurs. Des Américains s’activent pour minimiser le danger.

Il est utilisé par les orpailleurs pour récupérer le plus d’or possible, histoire de ne rien perdre. Mais le mercure, un métal liquide à température et pression ambiante, ne fait pas de cadeau aux exploitants traditionnels d’or du Sénégal oriental. L’utilisation de ce produit toxique accessible (10 g à 1 250 francs Cfa) peut avoir en effet des conséquences néfastes sur l’environnement et surtout la santé physique et mentale des 10 000 orpailleurs du pays. Le Dr Aminata Touré du Centre anti-poison a attiré hier l’attention du public sur les conséquences d’une intoxication liée à l’usage du mercure lors de l’atelier d’information organisé par l’Agence américaine pour la protection de l’environnement (Epa) au Centre de suivi écologique de Dakar.

Ainsi, selon la présentatrice, les exploitants de mines d’or peuvent s’attendre à des troubles neurologiques, une vision floue, des tremblements, des pertes de mémoire, fatigue chronique, vomissements, problèmes de coordination des mouvements, des bronchites et des problèmes de reins. Ce n’est pas tout. Devant les représentants du gouvernement, du secteur privé, de la société civile, des Ong, des producteurs, des partenaires au développement, Aminata Touré a parlé aussi d’attaque du système nerveux et du cerveau, d’engourdissement des jambes, de paralysie, de graves atteintes neurologiques chez le fœtus, de convulsions et même de mort.

Le danger est donc là. Les orpailleurs en ont conscience. Mais face aux impératifs de survie, la santé et l’environnement sont relégués au second plan et laissent indifférentes les populations. C’est l’avis du sociologue Kaly Niang qui a présenté à l’assistance une étude de cas sur les aspects socio-économiques de l’orpaillage dans la région de Kédougou. ‘Il faut dire que l’orpaillage est avant tout lié à la pauvreté dans son caractère le plus extrême ou absolu. Rares sont les orpailleurs qui cherchent ou peuvent réellement investir leurs revenus dans des secteurs ou activités lucratives ou rentables’, a-t-il souligné. Selon lui, l’orpailleur ordinaire inscrit son activité dans une logique de survie qui risque de faire de lui un éternel orpailleur exposant sa vie à tout un ensemble de risques et de dangers et faisant par son action subir à l’environnement de réels et divers types de dégradation. ‘Les sommes qu’il tire de son travail ne lui servent généralement qu’à satisfaire des besoins primaires. Devant la faillite de l’agriculture qui est revenue à sa fonction initiale de culture vivrière, l’or ne reste que la seule richesse marchande et l’orpaillage, la seule activité véritablement génératrice de revenus’, a-t-il avancé. Selon M. Niang, l’orpailleur aura ainsi toujours tendance à vouloir augmenter sa productivité pour s’assurer davantage de meilleures conditions de vie. ‘Ainsi, ignorant ou même connaissant les risques de l’usage du mercure sur sa santé et sur son milieu naturel, l’orpailleur aura tendance à minimiser une telle considération et cherchera à justifier cette pratique par le fait qu’il lui permet de récupérer le maximum d’or possible et donc de pouvoir satisfaire pour le plus ses besoins humains’, a-t-il soutenu. ‘Il peut même aller jusqu’à trouver des vertus au produit chimique qu’est le mercure. Il n’est en réalité préoccupé que par son or et par ce que celui-ci peut lui apporter en termes de revenus’, a-t-il ajouté.

De ce fait, la sensibilisation jadis utilisée pour minimiser les risques ne suffit plus. La formation s’avère aux yeux des Américains comme la voie alternative à cette gravité de la situation. C’est tout le sens qu’il faut donner au projet de l’Epa qui forme les mineurs dans l’utilisation d’une cornue manuelle simple et peu coûteuse pour capter et réutiliser le mercure au moment de l’étape de brûlage. Les objectifs ultimes de ce projet étant, selon M. Waly Seck, consultant du projet américain, de réduire la dépendance des approvisionnements de mercure, de réduire les émissions de mercure dans l’air, la consommation de mercure et l’exposition des mineurs, les propriétaires d’atelier d’or tant en zones rurales que les habitants des villes de la mine et le raffinage de l’or en Afrique de l’Ouest. Avec comme perspective, de former 8 000 mineurs.