PASTEUR BENJAMIN DE L'EGLISE PENTECOTISTE DE PIKINE : « Nous ne sommes pas des francs-maçons»

Les églises évangéliques pentecôtistes n'ont rien à voir avec les pratiques maçonniques dont bon nombre des Sénégalais les accusent. Le pasteur Benjamin, qui parle ainsi, considèrent ces accusations de «préjugés sans aucun fondement». Deux semaines après les violentes manifestations perpétrées contre l'église pentecôtistes de Pikine Tally Bou Bess, le Nigérian a accepté de revenir sur les évènements. Dans cet entretien accordé à Walf Grand-Place, le pasteur Benjamin s'est prêté à toutes nos questions.

Walf Grand-Place: Quelques jours après les attaques contre votre église, que ressentez-vous ?

Pasteur Benjamin : Pourquoi dire que notre prière les dérange ? Nous prions dans la joie, la ferveur en claquant les doigts, en tapant les pieds. Et les autres qui dansent dans la boîte de nuit à côté, eux, ils ne dérangent pas ? Pourquoi les populations ne parlent-elles pas de la boîte de nuit où des gens viennent danser et boire jusqu'au petit matin ? Eux, ils ne dérangent pas ? S'il devait y avoir des complaintes, je crois que les fidèles de la mosquée sont les mieux placés pour cela. Heureusement que ce n'est pas le cas. Car, jusque-là personne n'est venu vers nous se plaindre prétextant que nous dérangeons. Ni les populations qui nous attaquent ni les musulmans de la mosquée qui sont nos voisins les plus proches. D'ailleurs, le muezzin est un ami. Pour dire que nous n'avons aucun problème.

Pour revenir à votre question, je rappelle qu'on a été attaqué en pleine prière par des jets de pierres. Depuis lors, j'avoue que c'est la psychose. La peur de se faire attaquer, surtout ma famille, qui occupe mon esprit à tout moment. Mais, c'est au bon Dieu que je confie ma protection. Je suis vraiment touché par cette réaction négative de ces gens, mais à cause de ma croyance, je resterai calme.

Installé au Sénégal avec ma famille depuis septembre 2009, je pense que le choix du pays de la Téranga n'est pas fortuit. Car, c'est Dieu qui a guidé mes pas, et éclairé mon chemin pour que je me retrouve au Sénégal.

Si vous avez peur, pourquoi continuer à rester à Pikine ?

Je suis tenaillé par la peur et le souci de protéger mon épouse et mon fils. C'est la raison pour laquelle, j'ai accepté l'invitation d'un ami qui habite aux Parcelles Assainies où on s'est réfugié jusqu'à hier (Ndlr : mardi 22 juin, veille de notre visité). C'est pourquoi, nous sommes revenus deux jours après. Il fallait partir jusqu'à ce que les choses se calment. Je reste parce que Dieu l'a décidé. D'ailleurs, je ne peux partir que lorsque la décision viendra de notre autorité supérieure, en l'occurrence l'Association des églises évangéliques pentecôtistes (Aeep). S'y ajoute que j'entretiens de bonnes relations avec quelques personnes dans le quartier, qui n'hésitent pas à me solliciter en cas de besoin. C'est aussi le cas des talibés et des Baye Fall à qui je remets de l'argent et de la nourriture tous les jours.

D'après vous, quelles sont les raisons qui ont poussé les populations à se révolter contre votre église ?

Je vous l'ai dit. Aucune raison n'est évoquée. Les seules informations que j'ai eues me viennent du commissaire de police de Pikine. Il m'a convoqué dans son bureau avant les manifestations du dimanche pour faire part de la pétition des populations.

Justement les populations vous accusent de pratiques maçonniques et d'activités louches ?

(Le visage du pasteur Benjamin devient sévère). Nous n'avons rien à voir avec la franc-maçonnerie. Nous ne sommes pas des francs maçons. C'est pourquoi d'ailleurs quand on prie pour quelqu'un et qu'il voit les résultats, ce dernier pleure de joie. Dans cette église, nous ne buvons pas, ne fumons pas. Tout ce que nous faisons, c'est prier Dieu.

Et concernant les activités louches dont parlent les riverains, il n'en est rien. Nous prêchons contre le mal, pourquoi accepter qu'on y fasse des choses malsaines, c'est contradictoire.

Pouvez-vous revenir sur cette pétition ? Quel est son contenu ?

Peu avant l'attaque de l'église, une pétition signée par les riverains qui, d'après mes informations, trouvent agaçante la prière a été déposée à la police. C'était pour demander la fermeture de cette église. Le commissaire m'a dit que les gens, qui ont signé la pétition, estiment que nous sommes insignifiants. Autrement dit, nous ne faisons rien d'important, sinon troubler la quiétude des citoyens. Les manifestants nous qualifient d'être un groupe de personnes sans aucune préoccupation, qui ne fait que déranger les gens avec les tapages. Et ils disent que nous ne croyons en rien. Ce qui est faux, car nous ne faisons que prier et rendre grâce à Dieu. Mais, le commissaire m'a suggéré d'aller voir le sous-préfet.

Je tiens à préciser que tout cela ne m'ébranle nullement. Et pour preuve j'irai prier, car je ne sais pas ce qui dérange vraiment les gens dans ce nous faisons. Le fait de taper les mains peut-il déranger, car pour nous cela relève de la puissance de Dieu qui nous met dans cet état de ferveur, de joie et de gaieté.

Est-ce que vous avez rencontré le sous-préfet ?

Non. Au contraire, j'ai été mal accueilli à la sous-préfecture. En fait, tout a commencé et s'est arrêté au secrétariat de la sous-préfecture. La secrétaire a été la première à être désagréable avec moi, sous prétexte que je dérange et que nous devons quitter la maison qui sert de lieu de prière. Elle m'a attaqué sans me connaitre. Le sous-préfet ne m'a pas reçu, car lui aussi était influencé par les gens. Ça s'est passé le mardi et le dimanche, ils sont venus nous attaquer.

Pourtant, mon église reçoit environ quatre cents personnes, toutes religions confondues, et chacun y vient avec son problème. Il y a des musulmans, des catholiques et c'est ce qui explique le fait que la salle soit pleine.

Certains affirment que vous en profiter pour détourner des musulmans ?

C'est faux. Les gens viennent parce qu'ils espèrent trouver la paix et la solution à leurs problèmes et pas autre chose. S'il arrive maintenant que certains musulmans éprouvent le besoin de nous rejoindre, nous ne pouvons pas les en empêcher.

D'où tirez-vous l'argent avec lequel vous financez vos activités, le paiement de la location de votre siège par exemple ?

Je précise que nous sommes des évangélistes et non des protestants. Nous dépendons de Dieu et des fidèles. C'est Dieu qui touche le cœur des gens pour qu'ils amènent de l'argent et c'est avec ça que j'aide les pauvres qui me sollicitent. Pour la location, elle est aussi financée par Dieu et les apports personnels des bonnes volontés qui peuvent être des étrangers, mais aussi des Sénégalais.