Pr SOULEYMENE BACHIR DIAGNE : « L’Afrique doit être au-devant de la promotion du dialogue islamo-chrétien »

« Senghor, une philosophie du dialogue des religions ». Tel est le thème de la conférence animée hier, par le professeur Souleymane Bachir Diagne à la Maison de la Culture Douta Seck. Il a parlé de la nécessité de l’éducation au dialogue des cultures fraternel des religions pour sauver le monde des dérives.

Comme il fallait s’y attendre, la conférence animée par Souleymane Bachir Diagne a fait courir du monde. Professeurs, élèves et étudiants, intellectuels de tous bords s’étaient donné hier rendez-vous à la Maison de la Culture Douta Seck. Ils ont écouté religieusement le conférencier durant toute sa communication .

Le Pr Diagne n’est pas opposé à ceux qui chantent Senghor, mais dans ce cadre précis, le philosophe a opté pour faire une lecture des œuvres de Senghor pour démonter en quoi sa pensée demeure aujourd’hui plus actuelle qu’hier. Et très tôt, à une période où le monde n’a pas connu ce « clash des civilisations », le conférencier a montré, toute l’importance accordée au dialogue des cultures par Senghor. En 1960, l’année qui a vu la majorité des pays africains accéder à la souveraineté, dit le conférencier, Senghor diffuse dans plusieurs journaux un texte appelant à la « coopération islamo-chrétienne ». « Cet article semble s’adresser, lorsqu’on le lit aujourd’hui, à notre temps d’effervescence religieuse.

C’est un témoignage de l’importance de la philosophie du dialogue de Léopold Sédar Senghor et un témoignage de sa capacité de vision prospective que cette insistance sur cet aspect du dialogue des civilisations, à une époque qui, pourtant, était plutôt celle de l’entreprise nationaliste et de la modernisation des Etats nouvellement indépendants », avance le philosophe.

Souleymane Bachir Diagne a soutenu que pour la théorisation de sa philosophie du dialogue, Senghor s’est beaucoup inspiré du père Pierre Teilhard de Chardin et du père Placide Temples. A partir de leurs écrits, il a théorisé sa civilisation de l’Universelle, qui est aux antipodes de la négation de la culture de l’autre. Ainsi, la rencontre des cultures est le carrefour de l’enrichissement et non la sépulture d’une culture ou des cultures.

Telle est la philosophie du dialogue qu’adopte Senghor, lorsqu’il trouve à l’asseoir, au sortir de la seconde Guerre mondiale et des années de captivité , explique le Professeur.

Dialogue islamo-chrétien

La convergence de toutes les cultures vers une civilisation de l’Universel ne se réalisera que lorsque toutes les cultures dans leur totalité seront prises en compte dans ce mouvement vers « le point oméga ». En s’attaquant, au sous-thème : « Le dialogue de la religion chrétienne et de la culture africaine », le philosophe a soulevé quelques interrogations. « Une religion qui se proclame universaliste (celles appelées abrahamiques) peut-elle dialoguer avec ce qui n’est pas elle ? Peut-elle prêter attention à ce qu’une culture étrangère a de vivant et digne ? »

C’est là que se situe tout le problème. Et dès le départ, nous dit M. Diagne, Senghor avait voulu une réception du message chrétien par les Africains dans leur africanité. Mais le plus important aujourd’hui, c’est la vulgarisation, l’éducation au dialogue des religions pour un monde paisible.

Le professeur montre à quel point, pour Senghor : « la guerre islamo-chrétienne » est en contradiction avec les religions abrahamiques ». « Le but de l’Islamisme et du Christianisme est de réaliser la volonté de Dieu. Car, pour réaliser cette volonté, en gagnant le Ciel, il faut réaliser, ici-bas, la fraternité entre les hommes par la justice pour tous les hommes », dit M. Diagne, en citant Senghor et son ouvrages « Liberté I ».

Selon le conférencier, pour la construction de cette théorie sur le dialogue islamo-chrétien, en plus de la philosophie teilhardienne, Senghor a été aussi attentif à la pensée d’auteurs musulmans comme le Cheik Mohamed Abdou, Mohamed Iqbal.

Souleymane Bachir Diagne a invité les Africains à se placer aux avant-postes dans la promotion du dialogue islamo-chrétien, car c’est en Afrique et pour la première fois dans la l’histoire du monde, que ces deux religions ont scellé le pacte de fraternité.

« Senghor voyait la nécessité de nouer un dialogue entre les deux religions abrahamiques qui ont scellé un pacte de fraternité pour la première fois sur la terre africaine », fait remarquer l’éminent conférencier. Souleymane Bachir Diagne est cité parmi les plus grands penseurs de l’époque contemporaine.