Abdoulaye Seydi, 23 ans, handicapé par une Infirmité motrice cérébrale (Imc), épate son monde par ses prouesses qu’il réussit avec ses orteils. Né diminué par la nature, il s’est rattrapé et s’est retrouvé à son avantage avec force volonté de labeur.
Dans le destin du môme, il y a toujours cette dialectique d’une constante et d’une variable. Cette variation entre deux extrêmes qui détonent et sur lesquels il s’emploie à jongler adroitement. Chez Abdoulaye Seydi, la constante est laconique et se résume en trois lettres dramatiques : Imc (infirmité motrice cérébrale). Cette malédiction a été lâchée au soir de sa naissance. Alseyni Ndiaye, sa maman, n’avait jusque-là pas réussi à percer le mystère du jargon des médecins. L’esprit encore engourdi par le bonheur de l’enfantement, elle n’avait même pas fini de goûter aux délices de la maternité, qu’on venait, d’un implacable diagnostique clinique lui briser son rêve : son fils ne marcherait jamais. Pourtant, la Providence, soudainement poussée par une infinie bonté, tentera tant bien que mal, comme une, suprême onction divine, d’adoucir l’irréparable. Au moins, la variable de son destin édulcore la constante de son handicap.
Abdoulaye Seydi, c’est l’inénarrable douleur d’une maman de 20 ans qui accouche d’un garçon physiquement diminué. Alseyni Ndiaye la jeune mère a dû faire jouer sa maturité pour accepter sans broncher ce poupon qui sera son seul et unique enfant. Elle disait à qui voulait l’entendre : «Il est un enfant comme tous les autres, un fils comme tous les autres. Il est né avec une maladie, mais cela procède de la volonté divine. Il est né étant prématuré et en même temps, il était malade. A sa naissance, nous avons dû l’envoyer à la crèche, puis on nous a confirmé qu’il était né avec un handicap. On a tout fait pour le soigner. Nous avons tapé à toutes les portes, nous ne sommes pas restés les bras croisés. Depuis sa naissance je me suis débrouillée pour qu’il guérisse.» Quand ses camarades babillent, criaillent, font montre en grandissant, d’un caractère doux ou acariâtre, marchent à quatre pattes puis tentent de se mettre debout sur leurs jambes doucement malhabiles, Abdoulaye Seydi lui ne s’y colle pas. Il sait qu’il est exclu d’office pour ces lentes et gaies évolutions. Il contemple d’un regard inexpressif ses jambes qui refusent d’obéir et s’interroge : «Pourquoi moi ?» Comme si sa maman avait saisi le fil de ses pensées, elle s’interroge : «Pourquoi mon fils ?» Philosophe, elle s’était retroussée les manches et ceinte les reins pour s’engager résolument à ne pas laisser tomber son fils. Depuis, elle lui a saisi la main et… ne l’a plus lâchée. Après avoir su que son fils ne marcherait pas elle avoue : «Sur l’instant, cela a été un coup dur. Je suis une femme avant tout et une maman aussi. Cela n’a pas été facile pour moi d’apprendre que mon fils ne marcherait pas. Même les médecins ne fondaient pas trop d’espoirs sur sa survie, mais nous avons quand même gardé l’espoir. Depuis lors, Abdoulaye est resté avec nous et il a acquis les capacités qu’on lui connaît aujourd’hui. Mais cela a été dur. Surtout de sa naissance jusqu’à ses dix ans. Il est allé à l’école quand il avait cinq ans comme ses amis qui souffraient des mêmes maux. Aujourd’hui, puisqu’il a des aptitudes et qu’on a découvert chez lui des capacités à travailler avec ses pieds, je rends grâce à Dieu pour cela.»
Môme fragile, carapace d’adulte
A Niary Tally leur quartier, les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Le quotidien de la petite famille épouse le niveau de vie des populations. Certaines fois, Alseyni est contrainte avec son fils par une gêne très étroite qui les oblige à faire maigre chère. Elle en convient : «C’était difficile d’être une femme, mère de famille et avoir un enfant handicapé. Déjà j’étais seule, démunie, je courais dans tous les sens pour m’en sortir. Dans le même temps, je tenais à ce qu’il ne ressente pas les contrecoups de tout cela ou qu’il se sente isolé par son handicap. Alors, je faisais la tournée des hôpitaux et travaillais pour lui assurer le minimum nécessaire. Je devais aussi penser à sa scolarité. Toutes ces charges reposaient sur mon épaule. Mais au moins je rends grâce à Dieu parce qu’il n’a pas eu besoin d’aller dans les rues pour mendier sa provende.» Sous ses dehors de môme fragile survit en filigrane une carapace d’adulte avant l’âge qui sait comprendre les sacrifices de sa maman et s’employer à ne pas en rajouter. Candidement mais résolument, il combat la faim pendant les longues heures de classe pour ne pas obliger sa maman à venir le chercher aux heures de repas. Alseyni l’avait compris et confesse : «Le matin quand il y a classe, il va à l’école et descend à cinq heures. Il peut passer la journée sans manger, cela ne le gêne pas. Il sait supporter la faim. C’est quand il en était à sa première année que j’ai eu la chance d’avoir des contacts à l’étranger qui lui ont donné l’ordinateur portable qu’il a. Dans le même temps aussi je me débrouillais parce qu’il ne fallait surtout pas rester les bras croisés. Je concentrais toutes mes énergies pour lui. Je voulais qu’il ne manque de rien. C’est là que je me suis débrouillée pour lui trouver un ordinateur fixe pour qu’il puisse faire ses exercices d’application à la maison.» Pour sa cousine Abibatou Dia, Abdoulaye Seydi est un confesseur inné : toujours à l’écoute et jamais rapporteur. Elle dit de lui : «Je le considère comme un frère et un proche compagnon. On s’entend bien parce qu’on est de la même génération. Il me taquine souvent et je le lui rends bien. Il connaît tous mes secrets. Quand il m’arrive quelque chose, il lui suffit de me regarder pour le deviner et là on se met à chuchoter nos secrets.»
Génie de Niary Tally
Abdoulaye Seydi est un éclectique comme on n’en fait pas souvent. Une tête bien faite, des orteils habiles, une volonté d’acier et une carapace en métal trempé. Son accueil est avenant : sourire banane, yeux rieurs. Très souvent, un spasme impromptu meut ses membres et l’oblige à faire un mouvement brusque. La résurgence de ces gestes disgracieux ne peut l’émouvoir. Lui s’est fait sa religion sur cela et accepte son état. Son salut volubile est une sorte de baragouinage confus pour les autres, mais toujours facilement décrypté par sa maman qui s’improvise interprète. Puis, il présente son curriculum vitae qu’il a lui-même confectionné.
Ici transparaissent ses acquis et capacités. Le garçon qui a fait ses humanités à l’école primaire de Dieupeul, puis au centre Estel pendant trois ans, s’est imprégné de l’infographie à Taggat, une école des arts visuels. Initié aux arts plastiques (graphisme, couleur, design, modelage), il excelle avec Windows, Office, Adobe et Photoshop. Son emploi du temps est quasi immuable. Il y a toujours cette fadasse routine qu’il est obligé de meubler. Dès le saut du lit, il se marie avec sa machine et procède au rituel de la lecture de ses messages. Tout y passe : téléchargements de pages, exercices d’application, tchatche… Sa maman confie : «Il reste scotché à sa machine jusqu’à très tard dans la nuit. Je suis alors obligée de lui demander d’aller se coucher.»
Abdoulaye repousse toujours ses limites. Rien ne le rebute. Ni son siège orthopédique. Ni ses jambes flageolantes. Ses limites sont son imagination qui, chaque matin va battre campagne. Dans le monde virtuel de son ordi, il soumet le 3D, l’infographie n’a pas de secret pour lui et l’Internet lui sourit. Assis sur sa chaise roulante, il voit loin. Même si ses jambes ne lui permettent pas de franches remontées balle au pied ou des dribbles chaloupés ou de s’émouvoir du bonheur extatique après avoir poussé la balle au fond des filets après une action individuelle de haute voltige, lui s’en carre proprement. Peu importe que ses jambes ne lui permettent pas d’être un avaleur d’espace dans les aires de jeux. Son bonheur il le tâte à sa façon. Le génie de Niary Tally trouve ses dérivatifs dans les soutiens inconditionnels aux footballeurs. Sa mère raconte : «Il raffole de football. Le basket aussi comme les handicapés en font. Il ne sait pas y jouer à cause de ses mains, mais quand la saison débute, il lui arrive d’aller jusqu’à Thiès ou Rufisque pour supporter son équipe.» Certains clichés de son album photos le montrent en compagnie de El Hadji Diouf, Didier Drogba. Sur d’autres, il improvise virtuellement un shoot avec une star du cinéma.
Harassée d’avoir tant lutté pour son fils, Alseyni n’abdique pas. Même au plus fort de la tourmente, elle reste campée sur ses membres engourdis pas la lutte. Et quand elle mesure le chemin, elle reste persuadée que le bout du tunnel ne saurait être loin. Son optimisme lui dicte : «Je veux qu’il réussisse à exploiter toutes les formations et tous les enseignements qu’il a reçus. C’est mon vœu aujourd’hui. Je prie chaque jour en ce sens. Je souhaiterais qu’il soit engagé d’abord comme stagiaire pour qu’il puisse exprimer son talent. S’il y a des gens qui ont un projet pour lui, je leur prie de l’aider. Pour ceux qui liront cet article, je leur dis que ce garçon a besoin d’être aidé. Cela a été dur, mais aujourd’hui je rends grâce à Dieu.» Abdoulaye lui sait que la balle est dans son camp. Il en fera bon usage. Il est … «Handi…capable».
Témoignage Mame Alseyni Ndiaye, maman de Abdoulaye Seydi : «Abdoulaye manipule le téléphone avec ses pieds»
Le logis, sis au quartier populeux de Niary Tally (littéralement Les deux rues), est modeste. Les deux chambres qui le composent, malgré leur rusticité, couvent un feu humain ardent. Quand Alseyni Ndiaye pose son regard attendri sur son fils Abdoulaye Seydi, qui pianote délicatement avec ses orteils sur le clavier de sa machine, il y a les réminiscences des deux décennies qu’ils ont partagées qui peuplent l’atmosphère. Plus de 22 ans d’histoire commune, faite de joie mesurée, de chagrin contenu et de rêves entretenus de lendemains plus souriants. Et quand Alseyni Ndiaye évoque pour Le Quotidien ce passé ardent, ses larmes longtemps refoulées ponctuent un récit bouleversant.
«Cela a été très dur, mais quand on y met de la volonté tout se passe bien. J’aurais pu le laisser mendier sa provende dans les rues parce que des fois quand nous sortons tous les deux, il arrive qu’une personne lui remette une pièce de 25 francs en guise d’obole. Lui n’y goûte pas du tout et le montre souvent ouvertement. Je rends grâce à ceux entre les mains de qui il est passé. Ces gens-là avaient une association qui regroupait les enfants qui avaient un handicap. Cette association s’appelait d’abord Garance d’Afrique avant de porter le nom de Yaakaar (espoir). Et moi j’avais de l’espoir en eux et aujourd’hui je peux dire que cet espoir n’a pas été déçu. Donc, ils encadraient ces enfants avec l’aide de gens qui sont spécialisés dans ce domaine.
Il devait avoir entre cinq et sept ans. C’est à ce moment là qu’il a intégré l’association. C’est là qu’on lui a découvert cette faculté de travailler avec ses pieds. Quand les autres utilisaient leurs mains pour écrire, lui se servait de ses pieds. Ses encadreurs se sont rendu compte que si Abdoulaye exploitait à fond ses aptitudes, il parviendrait à utiliser ses pieds de la même façon que ses camarades savaient le faire de leurs mains.
Au début, cela m’étonnait beaucoup parce que je n’y comprenais rien. Pourtant quand je suis chez moi, il arrivait que des gens me donnent leur numéro de portable et que Abdoulaye lui-même se charge de l’enregistrer dans le mien avec ses pieds. Je me suis dit qu’il pouvait prospérer dans cette voie si on l’y aidait un peu. Ils m’ont alors conseillé de tout faire pour qu’il progresse dans la peinture. Mais dans le même temps, il était doué en informatique et manipulait aisément les ordinateurs. Il a alors fait une formation en infographie pendant une durée de trois ans. Dès le saut du lit, il est devant sa machine. C’est quand il est devant sa machine qu’il commence à intégrer son monde à lui. Il a lié connaissance avec beaucoup de ses amis grâce à sa machine.
Il est fan des réseaux sociaux comme Facebook, Skype. Il a de grandes ambitions. J’ai des contacts pour lui ouvrir des opportunités.»
28 Commentaires
Usa
En Juillet, 2013 (15:48 PM)Ramata Lo
En Juillet, 2013 (15:48 PM)Jqasida
En Juillet, 2013 (16:00 PM)Un nouveau didacticiel est à votre disposition totalement gratuit en ce mois béni du Ramadan pour tous ceux qui souhaitent s'initier aux khassaides de Sérigne Touba.
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Sindiegne
En Juillet, 2013 (16:04 PM).....
En Juillet, 2013 (16:06 PM)Sindiegne
En Juillet, 2013 (16:17 PM)mais yaw nitt nga khana dodjiguene, mais c'est une femme comme toi qui l'a mis au monde, qui peut t'assurer que t'aura même un enfant? parce que je présume que tu n'en a pas encore, arrête de te moquer tu pourrais avoir pire et c'est un exemple à montrer pour que tous les handicapés sachent que leur dessein ne doit pas etre de mendier
Hane
En Juillet, 2013 (16:24 PM)a 18 ans je vais m opérez au hanche pour pouvoir remarche Normalement après mon operation je rêve de devenir un joueurde foot si dieu me le permet Incha allah
Amsss
En Juillet, 2013 (16:39 PM)Lilaa
En Juillet, 2013 (17:33 PM)QUE le Bon DIEU CONTINUE DE LES AIDER AMINE
Famille
En Juillet, 2013 (18:39 PM)Sonko165
En Juillet, 2013 (18:49 PM)Oj
En Juillet, 2013 (19:06 PM)Touré
En Juillet, 2013 (20:05 PM)Fa
En Juillet, 2013 (20:12 PM)Moleul 67
En Juillet, 2013 (20:20 PM)Usa
En Juillet, 2013 (20:30 PM)Leboom
En Juillet, 2013 (20:44 PM)@usa
En Juillet, 2013 (20:45 PM)Seydikounda
En Juillet, 2013 (21:44 PM)Diop
En Juillet, 2013 (23:45 PM)D
En Juillet, 2013 (00:37 AM)Yanki
En Juillet, 2013 (00:58 AM)mais il y a toujours l'exceptions. il y a des personnes de bonne fois qui respectent les handicapés. ils savent que nous tous sommes des handicapés.
@usa
En Juillet, 2013 (01:54 AM)Attention
En Juillet, 2013 (02:29 AM)Maman D'enfant Imc
En Juillet, 2013 (12:00 PM)Alors que Abdoulaye était encore très jeune, nous nous retrouvions au CNAO de l'hôpital de Fann quasi-quotidiennement. Et j'ai été touchée par la Volonté et la dignité de cette jeune mere, son abnégation et sa pugnacité à assister son jeune enfant totalement dépendant : imaginez pour qui connait l'endroit, descendre d'un car-rapide ( oh Mon Dieu avec tous ces regards!!) au bureau de poste de fann, mettre Abdoulaye devant elle et adossé à elle pour essayer d'avancer jusqu'au CNAO quelque soit le temps, et ce pendant des années!!!
Je l"ai toujours citée en exemple autour de moi, et à son insu, comme maman courageuse, et toujours à son insu elle m' insuflait du courage , de la persévérance dans cette bataille quotidienne
A maman-Abdoulaye que Dieu t'assiste et te permette de gouter auxf ruits de tes efforts ainsi qu'à toutes les mères..Amine
A nous mamans d'enfants différents, accrochons-nous d'avantage et battons-nous pour eux car ils y ont droit et acceptons la volonté Divine car Lui Seul sait pourquoi Il les a fait comme ça et qu'Il nous en a confié la garde
Enfin à Abdoulaye, mon fils, que j'appele " Président" depuis une certaine fête à Sorano, je dis accroches-toi et que le Tout-Puissant te fasse Président un jour!!! YES WE CAN
Usa
En Juillet, 2013 (15:42 PM).
Felicitations
En Juillet, 2013 (17:15 PM)Courage Abdoulaye! ALLAH est Misericordieux!
Cet article est formidable car Abdoulaye Seydi est un garcon formidable et sa maman est d'un courage exceptionnel.
On aimerait bien avoir des informations reguliere sur Abdoulaye Seydi.
mg
Ryfa
En Décembre, 2013 (09:15 AM)Participer à la Discussion