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[ Dossier Famille ] SOULEYMANE GOMIS, SOCIOLOGUE « Allier les nouveaux outils et les valeurs traditionnelles »

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[ Dossier Famille ] SOULEYMANE GOMIS, SOCIOLOGUE « Allier les nouveaux outils et les valeurs traditionnelles »

Sociologue spécialisé dans le domaine de l’éducation, Souleymane Gomis rejette les propos selon lesquels les parents ont démissionné dans l’éducation de leurs enfants. Maître-assistant à l’Université Cheikh Anta Diop, il admet l’influence de technologies de l’information et de la communication. C’est pourquoi il prône une alliance entre les nouveaux outils et les valeurs traditionnelles.

Face à l’émergence des nouveaux outils d’éducation comme les technologies de l’information et de la communication, les parents ont-ils démissionné dans l’éducation de leurs enfants ?

Les instances fondamentales de l’éducation des enfants, ce sont d’abord la famille et l’école. La famille, c’est d’abord les parents biologiques et les parents sociaux, c’est-à-dire toute la famille élargie et l’environnement dans lequel il évolue. L’autre instance déterminante, c’est l’école qui est caractérisée par plusieurs facteurs. Il s’agit des enseignants qui sont les principaux acteurs de l’école. Il y a aussi les élèves eux-mêmes, ensuite les parents d’élèves par le canal de l’association des parents d’élèves et le personnel administratif et technique. Quelles que soient les nouvelles instances éducatives, les nouveaux acteurs d’éducation, la famille reste l’instance déterminante de l’éducation de l’enfant. Personne ne peut enlever aux parents leurs droits d’éducation de leurs enfants. Souvent, j’entends des journalistes parler de démission des parents envers leurs enfants. Je pense que c’est se tromper lourdement. Il n’est pas dit que les parents sont restés tels qu’ils étaient, il y a de cela 50 ans, mais il y a des évolutions que l’on note dans les sociétés. Les sociétés ne sont pas figées. Ce sont des sociétés qui évoluent et intègrent de nouveaux outils d’éducation dans leur processus d’éducation. Aucun parent ne peut démissionner. Avant d’être enseignant, on est avant tout un parent d’élève. Vous dites que les parents n’ont pas démissionné.

Pourtant les enfants s’ouvrent de plus en plus aux nouveaux outils d’éducation…

Tant mieux que les enfants s’ouvrent à d’autres instances d’éducation. Qu’ils utilisent de nouveaux outils pour s’auto-éduquer. Je m’intéresse au champ de l’apprentissage de la formation de l’individu et de sa socialisation. Il
n’est pas dit que l’instance familiale recouvre à elle seule tous les outils d’éducation, tout ce qui est nécessaire pour qu’un homme soit utile, pleinement formé. Que les enfants ou d’autres acteurs orientent les enfants vers ces instances en utilisant de nouveaux outils pour les former, je dirai tant mieux. Cela ne fait que participer à une très bonne évolution des sociétés. Il y a de cela 30 ans, un étudiant pour taper son mémoire est obligé de se rabattre sur des secrétaires qui avaient des machines à taper. Parce qu’il ne savait pas utiliser ni une machine à taper encore moins un ordinateur. Aujourd’hui, sur 50 étudiants, je peux dire que 49 utilisent un ordinateur pour taper eux-mêmes leur mémoire. Est-ce qu’on doit leur dire : vous êtes étudiant, vous ne devez pas toucher à l’ordinateur. En utilisant l’ordinateur, vous allez accéder à des sites interdits ? Non. Je crois qu’il faut allier les nouvelles technologies aux formes éthiques d’éducation : les valeurs qui font que notre société reste ce qu’elle est. Une société très respectueuse des valeurs traditionnelles. Une société très respectueuse de l’homme et qui est également respectée. Nous avons des comportements très pudiques qui font que les gens nous respectent et nous respectons les autres.

Que faire pour réussir l’ouverture et l’enracinement aux valeurs traditionnelles ?

En alliant l’éducation éthique des valeurs traditionnelles et les nouvelles technologies. Il faut instruire nos enfants à faire un bon usage des nouvelles technologies. Même dans les pays occidentaux, il y a des verrouillages qui sont faits dans les familles pour que les enfants n’accèdent pas à des sites pornographiques. Ça se fait. Demander à un informaticien de verrouiller tous les sites qui peuvent détruire la conscience de votre enfant ou le détourner à d’autres fins, c’est simple. Il faut pousser l’enfant à utiliser l’ordinateur dès le bas âge. Cela faciliterait beaucoup de choses chez l’enfant. Ça faciliterait une curiosité chez l’enfant.

Cela nécessite que le parent soit lui aussi imprégné de l’importance des Tic…

Le parent est un adulte. Le bon parent, c’est celui qui sait discerner ce qui est bien et ce qui est mauvais. Savoir transmettre ce qui est bien à son enfant et lui apprendre ce qui est interdit. Une société sans interdit n’existe pas. Nous avons une société où les interdits sont bien des interdits. Il faut maintenant leur enseigner ce qui peut être favorable à leur développement intellectuel. Si le parent n’a pas cette culture, il y a d’autres personnes dans la société qui ont cette culture et qui ont pour devoir de former des citoyens. Je pense aux enseignants, aux ingénieurs, aux informaticiens.

A côté des nouvelles technologies, il y a également la télévision, souvent utilisée par les enfants. Que doit-on faire ?

La télévision, c’est d’abord un outil d’information et de culture. Il y a maintenant des programmes qui ne sont pas achetés. Ils ont été étudiés par des gens qui ont une certaine maturité dans le domaine de la communication et
de l’information. Je pense par exemple aux journalistes qui proposent ces émissions. Ce ne sont pas des enfants, mais des adultes qui ont une certaine capacité de discernement. Ils doivent pouvoir choisir ce qui est bon pour les
enfants de leur peuple. Je ne me fais pas de doute qu’ils doivent être capables de le faire. Autrement ils n’ont pas une place là où ils sont.

D’une manière générale, ne pensez-vous pas qu’il faudrait apprendre les enfants à décrypter les messages télévisuels ?

C’est ignorer la capacité de l’enfant quand on parle comme ça. L’enfant sait déchiffrer les messages à travers les images. Ce n’est pas pour rien qu’ils s’accrochent quand ils voient les émissions qui passent après 17 heures. Regarder les télévisions après 17 heures. Partout, ce sont des émissions pour enfant qui sont diffusées. Les enfants sont très accrochés à ces émissions. Je ne minimise pas la capacité de l’enfant à déchiffrer, à comprendre les messages télévisuels. Je me dis tout simplement, pour ceux qui proposent des messages télévisuels, d’associer d’autres spécialistes de la question pour examiner ensemble les impacts que les émissions peuvent avoir sur l’enfant. D’essayer de comprendre comment l’enfant lui-même cerne ce message. Comment il le vit ? Comment il le transmet en termes d’action dans la société ? Je suis persuadé que les enfants ont une capacité très développée de perception de lecture de messages plus avancée que certains adultes dans la société.

Cela ne nécessite-t-il pas une collaboration entre les différents acteurs ?

Une collaboration entre les gens qui approchent les enfants est nécessaire. Le monde de l’enfant est un monde d’émotion de jouissance qu’il faut réorienter. L’enfant est construit en permanence comme l’adulte. J’avoue que nous avons une société très équilibrée qu’il faut bien orienter encore. Au passage, il faut féliciter nos parents et nos arrières grands-parents qui ont réussi à transmettre à côté des valeurs un savoir faire technique que nous apprenons par le biais de l’école que nous avons héritée de la colonisation. Grâce à eux, nous sommes restés nous-mêmes.

Est-ce que les parents d’élève et les enseignants ne doivent pas aussi renforcer leur collaboration ?

Les parents et les enseignants ont toujours collaboré. Voilà deux entités qu’on n’a jamais séparées. Les gens pensent souvent qu’entre parents et enseignants la collaboration est toujours difficile. D’aucuns pensent qu’il y a rupture. C’est faux. Parents et enseignants ont toujours coopéré, mais dans des circonstances très difficiles. Bien avant l’introduction de l’école française, les parents et les maîtres coraniques avaient des échanges, alors on sait le pouvoir dont disposent les maîtres coraniques. Dans les écoles françaises, parents et enseignants coopèrent. Les parents amènent leurs enfants quand ils ont l’âge de s’inscrire, ils continuent à les suivre quand ils rentrent à la maison le soir, selon leurs moyens et leur capacité intellectuelle. Les enseignants ont toujours bien reçu ces enfants. Ceux-ci rentrent à la maison avec des exercices que les parents contrôlent. Maintenant, s’il s’agit des échanges verbaux matin et soir, personne n’a le temps. Les parents sont des travailleurs qui sont dans d’autres secteurs. Un médecin chirurgien qui est en train d’opérer dans les hôpitaux ne peut pas être dans l’établissement de son enfant matin et après-midi. Ce n’est pas possible. Chacun, dans la société, a son domaine de compétence. Ce qui est valable pour le médecin l’est pour les commerçants, les paysans.

Même si les parents et les enseignants jouent leur rôle, ne pensez-vous pas que la rue peut aussi influencer les enfants ?

La rue est une autre instance d’éducation de l’enfant. On retrouve souvent les enfants qui ne partent pas en colonie de vacances en train de jouer. Pendant l’année scolaire, après les cours, avant de se mettre à table pour les exercices, ils sont dans la rue. A côté de la rue, il y a les associations qui participent. Il y a aussi les écoles coraniques. On n’a pas besoin de formaliser ces instances. La rue constitue l’instance meilleure d’education. C’est presque une sorte de jungle où les lois sont dictées par ceux qui pensent qu’ils ont des capacités
intellectuelles ou physiques qu’ils peuvent imposer aux autres. Chacun arrive avec les moyens dont il dispose pour proposer sa loi. S’agissant des écoles coraniques, ils reprennent le relais de l’école aussitôt, les mercredis après-midi ou pendant les vacances. Si vous allez dans les quartiers, il y a actuellement beaucoup de moniteurs coraniques.

Mais les parents ont de plus en plus peur à cause des viols sur les enfants perpétrés par des maîtres coraniques…

L’affaire du marabout Thierno de Ziguinchor doit nous donner une bonne leçon dans le pays. Estce que nos maîtres coraniques sont vraiment des personnes aptes à faire ce travail ? Autrement dit, est-ce qu’ils recouvrent les qualités éthiques d’un individu qui a un savoir spirituel et qui est là au nom de Dieu ? Estce que ces personnes sont intellectuellement aptes à enseigner le livre saint. Il ne s’agit pas de maîtriser quelques versets coraniques. Il doit y avoir des structures de contrôle de compétence, mais aussi des structures de contrôle d’individus vertueux, qui ont vraiment la vertu d’enseigner le Coran.



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