Le Sénégal vient, à travers la recherche, de s’illustrer de fort belle manière. Un de ses chercheurs vient de décrocher le prix du Pharo, décerné par l’Institut de médecine tropicale du Service de santé des Armées de Marseille en France.
Le docteur Amy Gassama Sow vient de décrocher le prix de thèse de Sciences du Pharo, en France. Un prestigieux prix décerné par l’Institut de Médecine Tropicale du Service de Santé des Armées (IMSTSSA). L’Ecole du Pharo, créée en 1905 à Marseille (France), est le seul institut militaire en Europe, spécialisé dans le domaine de la médecine tropicale. Elle récompense chaque année, les thèses d’exercice de médecine ou de pharmacie qui traitent de sujets relatifs aux maladies infectieuses.
La thèse d’Amy Gassama porte sur le « rôle des intégrons dans la multirésistance aux antibiotiques des bactéries antéropathogènes isolées en Afrique subsaharienne. » Les intégrons informe la chercheuse sont de nouveaux éléments génétiques susceptibles d’acquérir ou de perdre des gènes de résistance aux antibiotiques. Ils (les intégrons) peuvent héberger des gènes de résistance insérés sous forme d’éléments mobiles, les cassettes ».
Quatre années de recherche
Cette distinction qui honore le docteur Amy Gassama Sow et, à travers elle, le Sénégal, est le fruit de quatre années de recherches. Quatre années au cours desquelles, la responsable du laboratoire de Bactériologie Expérimentale à l’Institut Pasteur de Dakar a démontré le mécanisme à travers lequel les bactéries, à l’origine de maladies épidémiogènes, disséminent la résistance aux antibiotiques au sein de plusieurs bactéries grâce à un système de capture et d’expression d’intégrons, porteurs de gènes de résistances.
Son travail a permis d’expliquer comment certaines épidémies fréquentes en Afrique telles que le choléra, deviennent résistantes aux traitements antibiotiques. C’est dire l’importance des conséquences cliniques de son étude et de cette découverte. Elle ouvre des pistes intéressantes de recherches pour une lutte efficace contre les maladies infectieuses d’origine bactérienne. La chercheuse avance qu’avec la découverte des antibiotiques « , « on a pu croire que la lutte contre les maladies infectieuses n’était qu’un problème de choix de la bonne molécule. Ce qui n’était selon elle qu’un mythe puisque les maladies ont fait aujourd’hui un retour en force.
Et elle a découvert lors de ses travaux que les intégrons détectés chez des bactéries ayant un génie épidémiologique certain, sont responsables d’épidémies comme le Vibrio cholerae la Salmonella, Shigella. Alors que ces mêmes souches épidémiogènes ont la capacité d’acquérir des résistances multiples aux antibiotiques. Ce qui constitue selon le docteur Amy Gassama Sow « un véritable problème de santé publique dont les conséquences se mesurent en terme de difficultés thérapeutiques accrues dans certaines situations cliniques ». En outre, elles ont une capacité de les disséminer au sein d’autres genres bactériens, favorisant ainsi une recrudescence de maladies infectieuses avec comme conséquences des difficultés thérapeutiques accrues dans certaines situations cliniques.
Amy Gassama Sow précise que cette résistance peut être naturelle ou acquise. Elle est naturelle lorsque la résistance est exprimée par toutes les souches d’espèce et son support génétique est le chromosome.
Résistance acquise
Quant à la résistance acquise, Mme Sow confie qu’elle n’est présente que chez certaines souches au sein d’une espèce donnée. « Cette résistance peut être due à des mutations affectant des gènes présents sur le chromosome ou à l’acquisition de gènes étrangers », avance-t-elle. Autrement dit, ces gènes peuvent provenir du chromosome d’espèces différentes ou être véhiculés par des éléments génétiques mobiles pouvant être transférés d’une bactérie à l’autre. Dans ce cas indique le docteur, « on parle de transmission horizontale car cela survient en dehors de tout mécanisme de reproduction ». Elle soutient que ce mode de transfert permet une diffusion rapide des gènes de résistance et peut parfois s’opérer entre des bactéries très éloignées sur le plan phylogénique, voire entre des bactéries à Gram négatif et des bactéries à Gram positif. « Le transfert horizontal est le principal mécanisme responsable de la dissémination des gènes de résistance au sein du monde bactérien et concerne 80 % des cas de résistances aux antibiotiques rencontrés en médecine humaine », affirme la chercheuse. « Le plus souvent, lors de ce transfert, affirme la chercheuse, les gènes véhiculés par des éléments génétiques mobiles appelés plasmides ou transposons. » Les plasmides sont des molécules d’ADN indépendantes du chromosome et capables d’autoréplication. Et selon elle, un plasmide peut porter plusieurs gènes de résistance aux antibiotiques conférant ainsi un bloc multirésistance. Alors que les transposons sont des séquences d’ADN capables de promouvoir leur propre transfert d’un réplicon à un autre. Au cours de son travail de thèse, elle a donc caractérisé certains intégrons déjà décrits chez des souches bactériennes isolées dans d’autres pays. Ce qui lui a permis de montrer que contrairement à ce qui a été écrit dans les premières publications sur le sujet, les intégrons sont beaucoup plus stables et transfèrent entre les bactéries via des plasmides ou des transposons. Elle souligne que la majorité des intégrons décrits dans ce travail sont portés par des plasmides conjugatifs.
Ce prix est d’autant plus mérité qu’elle est pour le moment la seule à ce jour à réaliser une étude permettant de connaître le rôle des intégrons dans la multirésistance aux antibiotiques sur des souches ouest africaines.
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