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UN POLICIER POUR 20.000 HABITANTS, DES MAISONS DE PASSE A GOGO, EN MOYENNE UN BAR TOUS LES 20 METRES… POURQUOI LA TERREUR REGNE A GRAND- YOFF

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UN POLICIER POUR 20.000 HABITANTS, DES MAISONS DE PASSE A GOGO, EN MOYENNE UN BAR TOUS LES 20 METRES… POURQUOI LA TERREUR REGNE A GRAND- YOFF
ZOOM SUR GRAND YOFF: Les mille et une facettes d’un quartier chaud

Ce n’est ni Lagos, ni Abidjan, encore moins Harlem ou La Rose des vents à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), mais force est de dire que la côte d’alerte est, aujourd’hui, atteinte. Une des 19 communes d'arrondissement de la ville de Dakar, Grand Yoff est un quartier populaire situé au cœur de la capitale. Avec un nombre croissant de «bars» - Environ une quarantaine de débits de boissons alcoolisées sur une superficie de 8000 mètres carrés. Soit en moyenne 1 bar tous les 20 mètres. Ce qui sous entend un réseau souterrain de prostitution et un terreau fertile pour la violence - c’est donc le plus normalement du monde que ce «Sénégal en miniature» s’est mué, par la force des choses, en un véritable repaire de malfrats. Et là, bonjour les crimes odieux et une certaine impuissance des forces de sécurité à circonscrire ce mal dans des limites acceptables. Comment peut-il d’ailleurs en être autrement si l’on sait que le ratio de sécurité est d’1 policier pour 20.000 habitants ?

Pour vous donner une idée de l’ampleur du malaise que vivent les populations de ce quartier «bidonville aux contours de ville nouvelle», l’Obs y a passé deux journées. Suivez son fil conducteur.

PHOTOGRAPHIE D’UN QUARTIER COSMOPOLITE : Grand-Yoff, coté jardin !

Estimée actuellement à près de 350 000 habitants, pour un taux de croissance annuelle de 2,75%, la population de Grand- Yoff est essentiellement composée de : wolofs (32,7%), Maures (01,3%), Pulaar (23,3%), Manjacks (00,7%), Sérère (14%), Diolas (08%) et autres (20%). L’Obs vous entraîne dans les dédales de cette commune d’arrondissement qui ne renvoie pas toujours une image positive au commun des Dakarois.

L’agglomération de Grand-Yoff a vu le jour vers les années 1965. Le peuplement s’est effectué, à la manière des villages traditionnels, par vagues successives, sans aménagement préalable et sans viabilisation même primaire en voiries et réseaux divers. Cette occupation spontanée s’est poursuivie après l’implantation des cités Hlm Patte d’Oie, Liberté VI et l’implantation du Cices qui viendra s’ajouter au Camp de la Gendarmerie, au Camp pénal, au Camp Leclerc, le Camp Sékou Mballo et l’ex-Cto ( Hôpital Général de Grand-Yoff). Ces équipements vont beaucoup contribuer à la structuration spatiale de Grand-Yoff, comme nouveau pôle de concentration du trop plein du centre ville de Dakar. A la faveur de l’implantation de ces équipements structurants, l’accroissement et la concentration de la population dans ce secteur non loin du centre ville entraîne un étalement spatial de la localité. Ainsi, en 1996 avec l’avènement de la loi sur la décentralisation, cet ensemble très vieux de quartiers a été érigé en Collectivité décentralisée, devenant aujourd’hui la Commune d’Arrondissement de Grand Yoff.

Géographie et localisation

La commune d’arrondissement de Grand-Yoff a été créée par la loi 96/10 du 22-03-1996 qui fixe ses limites ainsi qu’il suit : au nord par l’autoroute menant à l’aéroport Léopold S.Senghor (CA de Patte d’Oie) ; au sud par la route du Front de Terre - Liberté VI (CA de Dieuppeul Derklé et Sicap Liberté) ; à l’Est par l’autoroute Patte d’oie – échangeur de Hann (la CA de Hann Bel Air) et à l’Ouest par la Voie de dégagement nord (Vdn) (la CA de Yoff). Cette commune est rattachée à la Ville de Dakar. Constitué de 56 conseillers, le Conseil municipal dispose d’un Président communément appelé Maire à la tête du bureau municipal. Ce bureau compte 5 adjoints au Maire ainsi que des Présidents de commission. La commune d’arrondissement de Grand Yoff est située dans la partie nord de la ville de Dakar. Ses limites territoriales sont fixées par la loi 96/10 du 22-03-1996 susmentionné. Elle couvre une superficie de 8 km2. Sa population est estimée à 200 000 habitants en 2005. Elle s’étend sur les sols Dior et dans une cuvette par rapport aux communes voisines. Cette situation géographique et son relief lui confèrent naturellement un rôle assez particulier et pathétique, celui d’abriter la zone de captage des eaux pluviales de Dakar et leur infiltration en vue de l’alimentation de la nappe phréatique.

Cadre administratif local

Dans le cadre de l’administration locale, la commune d’arrondissement travaille avec 58 délégués de quartiers identifiés et reconnus de fait par les autorités municipales comme tels, sans décision de nomination par le Maire de la commune, comme prévu par les textes. D’ailleurs, il n’y a aucune délimitation officielle des quartiers. Les délimitations qui existent sont instituées de manière consensuelle par les délégués eux-mêmes. Néanmoins, on peut répartir la commune d’arrondissement en quatre grands ensembles de quartiers : le village traditionnel de Grand Yoff constituant le noyau ; le quartier de Cité Millionnaire, Arafat (1, 2, et 3) ; le quartier de Khar Yalla qui comprend Bagdad, Cité Bastos, Darou Salam (1, 2, et 3), Cité Marine, Diaglé et Taïba (1, 2,3 et 4) ; le quartier des Cités modernes ayant fait l’objet d’une planification préalable qui comprend : Hlm Grand-Yoff, Cité Keur Khadim, Scat Urbam, Sipres, Front de Terre, Sonatel, Conachap, Hamo Grand-Yoff, Liberté VI Extension, Cité Cse, Cité Cpi, Cité Shelter, Cité Xour Kéré kour.

Où travaillent les résidents ?

La population active est répartie entre le secteur informel et celui structuré. Dans l’ensemble, le secteur informel occupe le plus grand nombre avec 53,3 % de la population. Cette tendance générale cache des disparités frappantes entre les quartiers originels et les habitations planifiées. En effet, dans les quartiers traditionnels, prédomine le secteur non formel. Le quartier de Khar Yalla, ayant fait l’objet de lotissement, révèle que 50% de la population est occupée par le secteur informel, et à Arafat, quartier traditionnel non lotis, ce pourcentage est de 78%. Quant au secteur formel il prédomine dans les cités modernes avec un taux de 62,0% de la population. Cette inversion de tendance dans les cités modernes, contrairement à la tendance générale dans la commune d’arrondissement se comprend car il s’agit là, de population ayant un niveau de vie relativement plus élevé que ceux des deux premières unités d’observation. Ces cités modernes sont toutes issues de programmes d’habitation de l’Etat ou de sociétés privées visant une catégorie sociale d’un certain niveau de revenu. Concernant la prédominance du secteur informel en général, l’explication se trouve dans le fait que, Grand -Yoff qui, jadis a joué le rôle de cité dortoir est en passe de se transformer en cité d’affaires avec ses deux grands marchés, le Cices et le phénomène d’installation de cantines le long des grandes artères. Il faut aussi noter que beaucoup de femmes de ménages, pileuses de mil ou s’activant dans la lingerie habitent la cité Grand Yoff.

Equipements et infrastructures

La commune de Grand Yoff est assez pourvue en infrastructures et équipements de base, même si cela donne l’impression d’être insuffisant, compte tenu de la forte poussée démographique. Les équipements sociaux de base occupent une place dans ce dispositif de même que les infrastructures routières et les réseaux divers. Cependant ils souffrent de leur insuffisance. Du point de vue de l’occupation spatiale, les infrastructures militaires et para militaires prédominent avec les Camps militaires de Leclerc et de la Gendarmerie Nationale, la police et la Maison d’Arrêt des femmes ; ensuite suivent les infrastructures commerciales (Cices, Marchés), sanitaires avec l’Hôpital général de Grand Yoff (Hoggy), les Postes de santé et Maternités ; enfin celles liées à l’éducation et à la jeunesse.

Structures sanitaires

La CA de Grand Yoff abrite les équipements sanitaires ci- après : un hôpital de dimension nationale autrement dit l’Hôpital Général de Grand Yoff (Hoggy), un centre Samu construit par la ville de Dakar, un centre de santé en cours de réalisation, cinq (05) postes de santé fonctionnels, une maternité, neuf (09) pharmacies, un centre d’appareillage pour handicapés, un centre national de formation pour la santé et un centre de planification familiale.

Commerce, éducation et culture

Pour ce qui concerne le commerce, c’est une activité généralement caractérisée par le commerce de gros et de demi-gros des denrées et produits divers. Il faut cependant noter la présence remarquée des commerçants marocains le long des grandes artères de la commune d’arrondissement. Les services ne sont pas en reste avec le développement des cyber-cafés et autres types de service. En plus du Cices qui a une dimension internationale, la Commune d’arrondissement de Grand Yoff dispose de deux marchés, celui de Arafat et celui de Grand Yoff. On peut aussi noter le développement de commerces le long des principales voies de circulation de la Commune d’Arrondissement. Côté éducation, la Commune dispose : pour le pré scolaire (2 établissements publics et 13 établissements privés), pour l’élémentaire (09 établissements publics et 25 écoles privées), pour l’enseignement moyen et secondaire ( 02 Cem et 11 collèges privés), aucun lycée, 02 écoles privées pour la formation professionnelle, d’une galerie d’art, d’une bibliothèque municipale et d’un centre social construit par la ville de Dakar. Le lycée construit à proximité dans le périmètre de la Commune de Patte d’Oie, faisant face à Grand Yoff, viendra en appoint aux populations de cette commune qui parcouraient de longues distances pour les besoins de l’enseignement secondaire.

Tourisme, sports, loisirs, artisanat et services

Grand Yoff abrite le Cices qui a aussi une dimension touristique ; une bibliothèque municipale ; un centre social ; un foyer des jeunes ; des terrains de football : 07 publics dont 2 stades clôturés et 05 privés, deux terrains de basket et de deux salles de cinéma. Il faut préciser que pour ce qui est des terrains de sport, deux sont clôturés. Les quinze associations sportives et culturelles de la Commune d’Arrondissement se succèdent à tour de rôle sur les sept terrains de sport pour leur pratique sportive. Cependant, il faut déplorer l’absence de village artisanal aménagé. Néanmoins, le secteur est assez développé. On retrouve dans le périmètre communal toutes les catégories d’artisans installés soit dans les terrains non encore construits, soit sur les emprises de la voie publique. Certains artisans louent des magasins pour y exercer leur profession. Pour les services, Il s’agit essentiellement des cadres ci-dessous : une banque, quatre mutuelles d’épargne et de crédit, une gare routière (au niveau de l’échangeur), quatre stations à essence, huit boulangeries, deux petites et moyennes industries, un bureau de poste, une station radio Fm, un poste de police, une brigade de gendarmerie et une unité de police municipale.

Voirie, réseaux divers, assainissement et transport

Le réseau viaire comporte 8 km de routes départementales et 5 km de routes communales soit un total de 13 km, dont l’état est peu satisfaisant. Au chapitre «Eau-téléphone-électricité», il faut dire que les réseaux sont entièrement installés dans la commune d’arrondissement, à prés de 87%. Pour l’assainissement et l’évacuation des eaux de pluie, il faut noter l’existence d’un réseau à l’égout dans certains sous quartiers tels que les cités modernes et le début d’extension du réseau d’égout dans les quartiers traditionnels. La Commune d’Arrondissement est assez desservie en matière de transport en commun public et privé. Pour le transport en commun privé, la desserte est assurée par les cars rapides, les ‘’Ndiaga Ndiaye’’, ou Mercedes 35 places auxquels s’ajoutent les Mini bus (Tata) ainsi que les taxi et autres ‘’clandos’’. Quant au transport public, il est assuré par les bus de la société Dakar Dem Dikk. En outre, les réseaux de téléphone (fixe et mobile), d’électricité et d’eau potable sont assez bien fournis.

Source : Agenda 21 Local de la Commune d’arrondissement de Grand Yoff élaboré par le Département «Aménagement du territoire, environnement et gestion urbaine» de l’Ecole nationale d’économie appliquée (Enea)

AUX ORIGINES, UN TERROIR D’ANCIENS BAGNARDS

Jadis, la zone de Grand-Yoff était un terroir d'exploitation agricole et de pâturage du village traditionnel des lébous de Yoff. Mais, elle est très vite devenue un lieu d’implantation d’anciens détenus. Sa proximité avec le Camp pénal de Liberté VI (qui a la particularité d’abriter les détenus qui purgent de longues peines) a très tôt fait de Grand-Yoff un lieu de prédilection de ces détenus libérés qui, du fait de leur longue durée de détention, ont rompu les amarres avec leurs familles. Implantés dans ce terroir agricole, ils se sont adonnés au maraîchage pour survivre et ont fondé petit à petit des familles. Les habitations ont commencé à pousser comme des champignons et un quartier est né. Grand-Yoff. Quartier qui est, petit à petit, devenu l’un des plus populaires de Dakar. En effet, ces «anciens bagnards» seront rejoints dans les «années 60» par les premières familles déguerpies du centre-ville. Des populations issues de l’exode rural viendront grossir les rangs. Sa position géographique qui le situe entre le centre-ville et la grande banlieue, fait de Grand-Yoff un des quartiers les plus accessibles en termes de transport. De «quartier pauvre» qui le caractérisait à ses débuts, Grand-Yoff est passé rapidement à celui d'un «quartier moyen» avec des constructions modernes qui contrastent d’avec les labyrinthes, baraques et autres maisonnées malfamées du Grand-Yoff originel. Des quartiers modernes comme Scat-Urbam, Cité millionnaire, Hlm Grand-Yoff, Cité Keur Khadim, Cité Bastos… ont alors vu le jour. On y trouve toutes les couches sociales et catégories socio-professionnelles ainsi que toutes les ethnies que compte le Sénégal. Chrétiens et Musulmans y cohabitent sans problèmes. Églises et Mosquées se font face.

7 grandes mosquées, 2 églises, ….plus de 40 bars et clandos

Le fait le plus notable, c’est que Grand-Yoff compte plus de bars et clandos que de mosquées et églises faisant ainsi de ce quartier, l’un des plus malfamés de Dakar. On y dénombre 7 grandes mosquées, 32 petites mosquées, 2 églises contre une quarantaine de bars et clandos. Il y a quelque temps, «Bignona», un bar réputé, était l’antre des «disciples de Bacchus», amateurs de la viande de porc, belles de nuits et hommes à la recherche de sensations fortes. Toutefois, «Bignona» étant rasé, son «petit-frère», le bar «La frontière», a repris le flambeau. L’alcool y coule à flot. Des prostituées y monnayent leur chair au plus offrant. On y picole et on y racole. De jour comme de nuit. Les plus «timides» s’attachent les services des employés de bar qui leur démarchent des partenaires moyennant une contrepartie financière. Au bar «chez Henriette» à la cité millionnaire ou à «Kambu Branaï» qui avait été saccagé, il y a plus d’un an, après qu’un de ses clients avait poignardé à mort un jeune homme et s’y est réfugié, c’est le même décor. Mais les choses les plus sataniques se passent non pas dans ces bars «réguliers», mais dans les clandos et autres maisons de passe de fortune. Au quartier Arafat, par exemple, une vieille dame réputée, septuagénaire, ancienne prostituée, tient une maison close et un débit de boisson clandestin. Sa maison est très connue par les amateurs de sensations fortes. Elle est prise d’assaut dès que les chats commencent à être gris, au premier appel du muezzin pour la prière du crépuscule. Des maisons comme celle de cette dame, il en existe à la pelle à Grand-Yoff. Résultat : dans ce quartier, les gens circulent jusqu’au petit matin. Une aubaine pour les agresseurs qui, une fois rentrés bredouilles dans les autres quartiers, se replient à Grand-Yoff pour leur baroud d’honneur.

1 policier pour 20.000 habitants. En moyenne 1 bar tous les 20 m.

Les agressions sont ainsi devenus le lot quotidien des habitants ou visiteurs de Grand-Yoff. Il ne se passe pas un jour sans qu’une agression ne soit signalée. Si une bagarre n’éclate pas dans un bar ou clando entre deux «ivrognes» se disputant les faveurs d’une prostituée, c’est un pauvre citoyen qui a la malchance de tomber sur une bande de malfrats. Et souvent, le sang gicle. Et mort d’homme s’ensuit. C’est que Grand-yoff est poreuse. Un agresseur peut s’échapper facilement après un forfait, Grand-Yoff étant, en effet, encadré à l'Est par l'autoroute (entre l'échangeur de Hann et le rond-point de la Patte d’Oie); à l'Ouest par la Voie de Dégagement Nord (Vdn) jusqu'à son intersection avec la route du Front de Terre; au Nord par la route de l'aéroport (le rond-point de la Patte d'oie et l'échangeur de la Foire) et au Sud par la route du Front de Terre. Aussi les agresseurs ont beaucoup de poches de repli comme la zone de captage se trouvant à un jet de pierre du rond-point de la Patte d’oie, la Foire ou même le pont de Hann. En outre, Grand-Yoff n’est «protégé» que par un poste de police avec un effectif de 17 éléments dont le chef de poste, deux inspecteurs et 3 éléments de la brigade de recherches. Maigre pour venir à bout de ce banditisme ambiant de Grand-Yoff. Facile alors pour un agresseur rompu à la tache d’opérer et de prendre la clé des champs sans se faire choper. Ce qui a fait dire à une autorité policière qui a requis l’anonymat que «tout milite en faveur de l’érection du poste de police de Grand-Yoff en commissariat avec un effectif et des moyens conséquents. Il y a un projet pour cela et je pense que cela ne va pas tarder». «Franchement le Grand-Yoff actuel me rappelle Khourou Mbouki de Thiaroye des années 80. Le facteur démographique et criminogène doit pousser les autorités à implanter le plus rapidement possible un commissariat à Grand Yoff», ajoute-t-il.

ALÉ KHOUDIA DIAW, SOCIOLOGUE : «Il y a un tout global qui favorise l’insécurité »

D’après le sociologue Alé Khoudia Diaw, le problème fondamental réside d’abord dans « les conditions matérielles d’existence qui font le lit de la précarité ambiante qui sévit dans cette zone la territorialisation du grand banditisme dans la zone de Dakar dessine un territoire qui couvre un périmètre fortement criminogène allant de grand Yoff aux Parcelles assainies en passant par Pikine, Thiaroye, Yeumbeul, etc… » Pour lui, Grand Yoff précisément présente des caractéristiques, à l’instar d’autres quartiers, relatives à l’habitat, à la forte concentration humaine, au taux élevé du chômage, à l’histoire de son peuplement et finalement à la massification de la pauvreté des ménages. Il est évident que « si vous mettez une famille dans un espace de 150m2, au bout de 10 ans la famille s’agrandit et les activités se dérouleront dans la rue, ce qui fait qu’à terme vous créez un bidonville. » Il faut aussi considérer le fait que la vie dans le centre et les quartiers environnants étant de plus en plus chère, Grand Yoff était devenu une zone de repli pour les populations poussées par l’exode rural et dont les coûts de locations étaient moins chers. Selon le sociologue, « c’est ce qui explique cette forte concentration de population sur une zone réduite, et l’observation à Grand Yoff montre des identités remarquables dans ce melting pot et qui constitue les Joolas, les Manjacks et les Sérères et des Wolofs. Cela n’a rien à voir avec une quelconque raillerie de ces ethnies, mais tous le monde connaît le célèbre « Njaago bar » dans le quartier Bignona. L’insécurité vient précisément de ce cocktail explosif fait de la promiscuité des bars à putes, des bars clandos, des gargotes et dibiteries au porc, du vin de palme et du « soum- soum » bon marché qui a fini de transformer la zone en un lieu extrêmement dangereux.» Le week-end à Grand Yoff enregistre des taux-record d’agressions, de vols à main armée, de meurtres « parce que le milieu rend les choses possibles et propices car à partir d’une certaine heure, c’est une zone de non-droits. »

Toujours selon le sociologue, « Il y a un tout global et ce que j’appelle des facteurs favorisant la montée en flèche de l’insécurité dans cette zone. Il faut quand même remarquer que les conditions d’existence des populations se dégradent de plus en plus avec la conjoncture mondiale. En sociologie nous travaillons sur les mécanismes de basculement et de maintien dans la pauvreté qui font que les jeunes touchés par la récession économique, ne parviennent plus à voir le bout du tunnel. La conséquence est que d’office, ils s’excluent de la chaîne d’adaptation et d’intégration à cette société existante et pensent trouver le salut dans le banditisme parce que considérant que désormais, ils n’ont plus rien à perdre. » Et « quand des individus vont jusqu’à dire qu’ils n’ont plus rien à perdre, c’est qu’en réalité ils ont tout perdu. Donc fondamentalement le quartier a une densité fortement criminogène car les facteurs favorisants sont non seulement décelables, mais à côté de cela, il y a aussi le chômage, la passiveté, le manque d’instruction, les données physiques et la configuration de l’espace qui entraînent l’émergence et la constitution de bande de voyou que même la police de Grand Yoff, avec ses maigres moyens ne peut canaliser. »

MAMOUR GUÈYE, MAIRE DE GRAND-YOFF : « Il est temps que Grand-Yoff ait un commissariat de police»

Le maire de Grand-Yoff, Mamour Guèye revient dans cet entretien sur l’insécurité qui prévaut ces derniers temps dans sa commune. Pour l’édile de la commune d’arrondissement de Grand-Yoff, un simple poste de police ne peut pas assurer la sécurité de 350.000 personnes. Il est temps que Grand-Yoff ait un commissariat de police.

M. le maire, on a noté ces derniers temps une recrudescence de la violence qui a installé une insécurité totale à Grand-Yoff. Que pensez-vous de cela ?

Grand-Yoff est la commune d’arrondissement la plus peuplée du département de Dakar. Elle a une population de 350 000 habitants. C’est le Sénégal en miniature. Toutes les ethnies du Sénégal et tous les ressortissants de la sous-région s’y trouvent. Il y règne une sécurité. Il y a également beaucoup de bars et clandos. Pour ce qui est du meurtre de vendredi dernier, c’est une dispute entre copains qui a dégénéré. Ce qui est un problème à part. Mais ce qui accentue la situation de la violence et de l’insécurité, c’est avec une population de 350 000 habitants, Grand-Yoff ne dispose que d’un seul poste de police. Un seul poste de police ne peut pas assurer la sécurité d’autant de monde. Nous avons demandé à ce que le poste de police soit transformé en commissariat de police. Parce que vu la taille de la population de Grand-Yoff, un poste de police ne fait pas l’affaire. Nous avions adressé une demande à Me Ousmane Ngom, ancien ministre de l’Intérieur. Mais jusqu’à présent, nous n’avons pas reçu de suite favorable à notre requête. La sécurité ne fait pas partie des compétences transférées de la commune d’arrondissement. Mais la mairie a convié tous les délégués de quartier pour mettre sur pied des comités de vigilance pour veiller sur la sécurité des quartiers. La commune met à leur disposition du matériel de surveillance : lampe torche, chaussure, matraques…Il y a certains qui ont suivi, mais d’autres n’ont pas suivi…Encore une fois, pour ce qui est des cas des meurtres, ce n’est pas le fait de Grand-Yoffois. Ce sont des étrangers établis à Grand-Yoff qui commettent de tels actes. Par contre, il y a des cas d’agressions qui se passent dans les quartiers du fait de jeunes qui habitent dans la localité. Les populations les connaissent mais, elles ne les dénoncent pas.

Vous êtes pour qu’on les dénonce ?

Je veux dire qu’il faut que les populations comprennent qu’en protégeant ces agresseurs, elles ne font qu’aggraver leur situation.

On remarque également qu’à Grand-Yoff, il y a un problème d’éclairage qui se pose ?

Parmi les 19 communes d’arrondissement de Dakar, Grand-Yoff est la plus éclairées. Ce qui se passe, c’est que depuis trois jours, la société qui est chargée de fournir des ampoules, la Sls, était en rupture de stock. Mais maintenant tout est entré dans l’ordre. Il faut aussi préciser que dans certains quartiers, ce sont les gosses qui cassent les ampoules. Chaque soir, l’agent chargé de l’éclairage public sillonne tout Grand-Yoff pour voir les poteaux qui sont allumés et ceux qui ne le sont pas.

On remarque qu’à Grand-Yoff, il y a un bar dans chaque coin de rues ?

Pour ce qui est des bars, ce n’est pas la mairie qui délivre des licences. C’est le ministre de l’Intérieur qui donne des licences. Dès on ouvre des bars sans nous informer. Il y aussi des clandos qui ne sont pas répertoriés. La mairie n’est ni informée, ni associée à la délivrance des licences pour les bars. Pour gérer tout cela, il faut des forces de l’ordre. Des agents de sécurité suffisants. Un poste de police ne pas gérer toutes ces choses-là. Ils sont nombreux, les jeunes qui traînent dans les rues jusqu’à des heures tardives, est-ce qu’il y a une politique de jeunesse à la mairie ? La mairie n’a pas vocation à créer des emplois. Mais on a demandé aux jeunes et aux femmes de se constituer en Gie pour qu’on leur trouve des financements au niveau du Fnpj et du crédit municipal de Dakar.

Dernier mot ?

Encore une fois, nous réitérons notre demande au ministre de l’Intérieur pour que Grand-Yoff ait un commissariat de police. C’est le seul moyen d’atténuer les agressions et l’insécurité de façon générale à Grand-Yoff.

FATOU NDOYE, CHARGÉE DE PROGRAMME A ENDA-GRAF : « Une centaine de femmes de Grand-Yoff devenues chefs d'entreprises grâce a Enda Graf»

Elles sont une centaine de femmes au début vendeuses de couscous dans les rues de Grand-Yoff à être encadrées et suivies par Enda Graf.A en croire, Fatou Ndoye, Enda Graf accompagne ces femmes qui sont parties de rien pour être aujourd’hui de véritables chefs d'entreprises.

Enda Graf accompagne les femmes de Grand-Yoff, surtout celles qui sont en situation difficile des financements pour développer des activités génératrices de revenues. Selon Fatou Ndoye, la chargée de programme a Enda Graf « On accompagne l’émergence de micro et petites entreprises de femmes au niveau de Grand-Yoff. On des Gie de femmes dans la transformation des fruits et légumes et de céréales. Depuis plus de dix ans, nous sommes dans la filière agro-alimentaire. On accompagne des femmes vendeuses de rue, des femmes qui vendaient du couscous en terme organisationnel, en les regroupant en Gie et en créant des micro-entreprises pour transformer leur produit en quantité importante>>.Avec la mutuelle d'épargne et de crédit qui existe depuis 20 ans, les femmes bénéficient de financements pour mener leurs activités. Cette mutuelle, explique-t-elle a servi d expérience a beaucoup d autres structures au Sénégal et dans la sous région.

Profil des femmes

Ce ne sont pas toutes les femmes qui bénéficient de ces financements.Fatou Ndoye brosse le portrait de ces femmes en ces termes : << Le plus souvent, ce sont des femmes qui sont dans des situations difficiles qui constituent la majorité de ces femmes. Et des femmes dont le mari est au chômage ou des femme-veuves, qui sont des chefs de famille. Les financements peuvent aller de 500 000 à 2 millions de francs Cfa. On les accompagne dans les techniques de commercialisation pour valoriser les produits. Il y a une centaine de femmes accompagnées>> . Ces Gie , précise la chargée de programme, contribuent au développement local. Mais, ils sont en train de voir comment les collectivités peuvent soutenir ces femmes. Parce qu'elles ont besoin d’espace pour développer leurs activités.Elles louent des maisons, paient l'électricité et l’eau. Elles font beaucoup en termes de création d emplois. Il arrive quelles obtiennent des marches en dehors du Sénégal.Parfois, elles envoient des conteneurs vers l'Italie, vers l'Espagne. Elles ont besoin de jeunes pour les appuyer.Cela atténue un peu le désœuvrement et l'insécurité. Parce que ces jeunes qui ont une occupation ne pensent pas aller autre chose.

Par D. Mine, Papa S. Kandji, H. Fall, B. Nd. Faye et A. Dou



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