Jadis, les relations sentimentales étaient teintées d'une touche de solennité. De nos jours, la vie sentimentale semble épouser des contours moins romantiques mais tout de même originaux s'apparentant avec l'ère du temps. Nous nous sommes intéressés à la drague chez la jeune génération. Qui drague qui entre les garçons et les filles d'aujourd'hui ? Question qui peut paraître banale mais à y voir de très près, est très complexe.
Demandez à une fille, qui prend l'initiative de la drague entre les deux sexes, la réponse fuse nette pour Mlle Ndèye Sakho, une collégienne : “C'est incontestablement les garçons qui sont à l'origine de la drague. Ce sont eux qui doivent faire des déclarations devant nous. En tout cas, moi je perçois cela comme ainsi. Jamais, je ne ferai savoir de vive voix mon amour en premier lieu devant un garçon”. Mais reconnaît-elle : “Je fais tout pour me faire remarquer devant celui pour qui j'éprouve un amour profond. S'il arrive à décrypter le message, tant mieux, sinon, je maintiens le statut quo”. Ce sentiment semble partagé par Ndèye Astou Fall qui affirme avec force sa conviction : “La déclaration de l'amour est le domaine réservé des hommes.
Moi, je ne vais pas voir les hommes. Ce sont eux qui viennent me rendre visite. Celui qui éprouve quelque sentiment n'a qu'à se manifester. S'il se trouve que je suis tombé sur son charme, je le suis mais d'une manière très raisonnable”. À la question de savoir s'il lui arrivait de tomber amoureux d'un “gentleman”, Mlle Fall laisse entendre : “J'arbore des tenues sexy comme ces “jumbax out” ; les “body” ou les jupes ras de fesses ” pour le charmer. Sûr que celui-ci ne résistera pas à ma forme généreuse”. Mlle jette un coup d'œil furtif sur sa belle silhouette qui pourrait même faire abjurer un “mollah”. Et notre interlocutrice de nous édifier sur son cahier de charge. “L'homme qui peut me faire “tomber" ne doit pas être un “lexé” (comprenez un timide). Il faut aussi qu'il soit un grand sapeur”.
De l'audace pour courtiser les filles
La plupart des jeunes filles versent dans les mises très sexy mettant en valeur leur forme généreuse. Ce qui fait l'affaire des garçons qui en ont pour le plaisir des yeux. Bouba Diakhaw, un coiffeur ne dit pas autre chose : “Grand, xaleyi ñoley agressé” (Grand, ce sont les filles qui nous provoquent). Elles ont une manière assez particulière de “faire la cour”. Elles en font sans avoir l'air”. Et ajoute-t-il : “affaire bi, after de fit” (ceci est une affaire de guerriers). Les filles aiment les “guerriers””, réajustant sa casquette.
Son langage anti-conformiste dénote d’une certaine approche chez les jeunes d'aujourd'hui. Leur rhétorique envers les filles est caractéristique d'un certain état d'esprit. Pour exprimer aux filles leur flamme, ils balancent tout de go : “Je te veux, je veux te gérer”. Pour sa part, Moussa un étudiant est convaincu qu'il est rare de voir une fille faire les premiers pas en matière de drague. Selon lui : “En ce qui me concerne, ce sont les garçons qui abordent les filles. Dans notre société, la balle de la drague est du côté des hommes. Mais il arrive et cela a été mon cas, une fille m'a avoué sans sourciller “Grand da ma get sa feeling” (J'ai un sentiment pour toi). Cela m'est tombé du ciel. Je n'en croyais pas”. Et notre interlocuteur de tirer à boulets rouges sur la génération appelée les soixante huitards : “Les adolescents des années 60 mettaient trop de sérieux dans leur manière de draguer.
Leur tenue et leur façon d'exprimer leur amour. Tout cela obéissait à un penchant d'un grand duc”. Et lâche-t-il crûment “Grand yi ay seer lañn won. A mu ñu fit” (Ils n'étaient pas branchés et manquaient d'audace”. Ce que semble confirmer cet adulte du nom de Mamadou Bâ, qui reconnaît avoir connu les coins chauds de Dakar : “Je suis impressionné par la facilité déconcertante avec laquelle les garçons attaquent les filles. La galanterie avec laquelle nous posions les jalons d'une cour tranche net avec les démarches des garçons d'aujourd'hui. Nous étions très sérieux avec les filles auxquelles nous vouons un respect sincère”. Ce qui ferait rire beaucoup de “teen-agers”. Que ça soit le garçon ou la fille qui dévoile ses sentiments, certaines filles n'en ont que cure. Astou Seck en fait partie.
Elle se laisse aller à des confidences : “Avec mon goût avéré de l'habillement et les chaussures de luxe et l'argent, quand je flashe pour un “thiof”, je vais vers lui tout en employant un arsenal d'instruments de séduction. Cela marche très souvent par la “mbaraan cat” (la collectionneuse d'amants) que je suis”, les garçons apprécieront. Dans tous les cas, la question de la drague reste entière. Qui drague qui entre garçons et filles ? Soda Marème est restée perplexe. Elle se souvient de son histoire :" J'étais partie danser avec mes copines. Un garçon à la chevelure fine m'invite à danser avec lui. Ainsi, toute la soirée, nous avons sympathisé. On est rentré main dans la main comme si la nuit nous avait unis pour toujours".
explique-elle avant d'emboucher la trompette du coup de foudre : " J'ai commencé à l'appeler sur son portable et vice-versa. Dans la semaine, on s'est vue et l’on s'est embrassée. Je me demande qui d'entre nous a dragué l'autre". Cette question de Soda Marème ne semble pas préoccuper outre mesure Mame Binta, une résidente du populeux quartier de Grand-Yoff. Cette fille ne s'embarrasse pas de scrupule pour faire un témoignage. Selon elle :" quand on a ce don de Dieu qu'on appelle la beauté, on peut se permettre d'aller à l'offensive d'une manière subtile vers les hommes aisés" Dans le microcosme des relations sentimentales, les filles qui auraient voulu avoir la beauté de Mame Binta sont légion.
Melle en est consciente et opte pour tourner la tête aux garçons. Sa philosophie frise avec le "je m'en foutisme". Elle nous confie :" Liebe ist nicht kein wort" comme disent les Allemands entendez : l'amour n'est qu'un mot, expression qui veut dire qu'il ne faut donner aucun sens à l’amour. Binette a remisé son cœur dans le frigo familial. Pourtant une frange importante de la génération actuelle vit intensément leur idylle. Leurs relations sont teintées du sceau de l'amour, ce sentiment qui fait envoler les cœurs tendres vers le paradis. Et quand survient la rupture, garçons et filles vivent mal cela.
Cruelles séparations
Alassane n'arrive pas jusqu'à présent à être lui-même depuis que sa dulcinée Marie-Claude est partie étudier en France. Il dévoile à la face du monde sa peine :" nous étions inséparables jour et nuit. On ne pouvait pas apercevoir l'un sans l'autre. Son père l'a persécutée pour qu'il se débarrasse de moi. Mais rien n'y fit. Je suis malade d'elle". lance Alassane sur un ton pathétique. Jusqu'à présent, cet élève de la classe de Terminale refuse de se rendre à l'évidence:" trop dur d'être sans elle".ne cesse-t-il de répéter. Le cas de Alassane diffère de celui de Modou. Lui, sa douce moitié l'a plaqué pour un autre. Modou était tombé sous le charme d'une de ces sirènes qui peuplent aujourd'hui la ville et dont les déhanchements avaient fait suppléer Ulysse d'avoir les yeux crevés. Notre interlocuteur est formel :" Aïsha a flashé pour un jeune cadre qui loge non loin de leur domicile familial.
Ce jeune homme s'est fait une réputation de Don Juan". laisse-il entendre. En mauvais perdant, il rue sur les brancards:" elle regrettera avec tout ce que j'ai fait pour elle"déclare-t-il. Ce n'est pas seulement la gent masculine qui subit les affres de la rupture. Les femmes ont aussi leur part. Ndèye Lissa évoque un de ses souvenirs :" être sans Ablaye constitue un véritable calvaire pour moi. J'enrage mais chaque jour que Dieu fait, je l'aime davantage. j'aimerais le revoir incessamment et me blottir dans ses tendres bras". Son homme à elle est parti aux Etats-Unis chercher fortune. Il fait désormais partie de la race des" Modou-Modou". Contre mauvaise fortune, elle fait bon cœur :" seul l'amour résiste à l'érosion du temps. Il arrivera un moment où il sera pour moi seul". Certainement, elle continuera de prier pour que son rêve se réalise.
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