La Coupe du monde, une évanescente Dame pourchassée par d’impénitents dragueurs

Dakar, 9 juin (APS) – ’’Ndaam ndaam li ndaam ndamm li lanu len laac’’ (la coupe rien que la coupe, c’est ce que nous vous demandons). Ce refrain d’une des chansons à succès de Youssou Ndour a maintes fois été lancé aux Lions du football à l’approche de la CAN et du Mondial asiatique de 2002, histoire de les pousser au dépassement afin qu’ils nous ramènent enfin les couronnes d’Afrique et du monde.

A l’arrivée des courses il n’en a rien été, mais l’espoir suscité par la virtuosité d’El Hadj Diouf et compagnie ainsi que la voix d’or de Youssou Ndour, capable d’envoûter une biche jusqu’à ce qu’il osa se mesurer à un lion, ont longtemps entretenu le rêve chez la plupart des Sénégalais que l’Afrique et le monde étaient à nos pieds. Et qu’il fallait juste tendre la main pour voir s’y déposer ‘’ndam li’’ (la coupe).

A coup sûr, les supporters dont les équipes s’apprêtent pour un mois durant à disputer en Afrique du Sud la 19-ème édition de la Coupe du monde de football espèrent comme nous autres Sénégalais d’il y a huit ans voir leurs idoles soulever le trophée mondial.

Ils n’ont certes pas tous un Youssou Ndour (elle ne court pas les rues, notre star !) pour provoquer et entretenir le rêve, mais cela va sans dire qu’il s’est créé chez les 32 pays qualifiés de puissants leviers aptes à faire croire que décrocher le jackpot est possible au soir du 11 juillet, sur la belle pelouse du Soccer city de Johannesburg, en plein Soweto.

Las ! En dépit de l’intensité du rêve et des moyens déployés pour le réaliser, 31 pays feront à l’instar des Lions du Sénégal chou blanc, pendant que le 32-ème jubilera en soulevant la coupe. Quelle capricieuse !

On dirait à la lecture de l’histoire de cette Dame âgée de 80 ans qu’elle prend un malin plaisir à faire continuellement les yeux doux à ses éternels amants pour mieux leur fausser compagnie.

Une seule fois, elle s’est fait piéger par le Brésil qui est parvenue à la garder, après une cour assidue de 40 ans. Intenable, elle est réapparue sous une autre forme pour faire valoir son charme irrésistible et lancer de plus belle ses amants à sa poursuite. Voilà 40 ans que dure ce nouveau chassé-croisé.

Appelée ‘’Victoire’’ en 1930, année où elle s’expose pour la première fois, la Coupe du monde est rebaptisée 16 ans plus tard Jules Rimet, du nom de son parrain, et en capricieuse change presque tous les quatre ans de conjoint. Pour rendre endiablée la sarabande, elle signifie qu’elle n’appartiendra qu’à celui qui la ramènera trois fois dans son lit.

Il y a de quoi postuler, car elle est belle à ravir la Dame conçue par l’architecte français Albert Lafleur : or massif sur un socle de pierre fines, elle apparaît sous les traits d’une déesse tenant au-dessus de sa tête un calice octogonal.

Aussi belle qu’elle soit tout le monde ne lui veut pas que du bien et quand pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-45) les Nazis cherchent à s’en emparer, elle trouve refuge sous le lit de l’Italien Ottorino Barassi, bien au chaud dans une boîte à chaussures.

Le temps que les hommes retrouvent la raison et cessent de se tirer dessus aux quatre coins du monde, ’’ndam li’’ ressurgit et la folie de s’emparer de ses impénitents amants.

En 1966, elle se rend en Angleterre pour une opération de charme, mais c’est une fois de plus la catastrophe : au moment où ses amants se la disputent elle est enlevée ! Par qui ? Mystère et boule de gomme.

Toujours est-il que Scotland Yard se lance à ses trousses et un chien fouineur la retrouve dans la décharge d’un jardin public, emballée dans un papier journal. Quel manque de respect !

En gentlemen précautionneux, les officiels anglais planquent ‘’ndam li’’ la vraie et lui créent un sosie qui est présenté partout où on demande sa présence. Qu’à cela ne tienne, le succès est tel que quand on la met aux enchères on se l’arrache pour la rondelette somme de 254.000 livres.

Une fortune, à l’époque. Elle fait malheureusement naître la forte rumeur selon laquelle c’est la vraie coupe du monde qui a été vendue. Pour couper court aux spéculations, la Fédération anglaise de football expose la Dame au National football museum de Preston pour que le public se rende compte que l’authentique ‘’ndam li’’ se porte comme un charme.

Possessif, le Brésil la gagne pour la troisième fois en 1970 et se marie avec elle pour l’éternité. L’histoire est pourtant loin d’être terminée, car elle délègue sa petite sœur auprès de ses insatiables amants et, pendant que ces derniers reprennent leurs rivalités, elle quitte dix ans après le domicile conjugal. Comme en Angleterre, elle est volée par un inconnu lors d’une exposition à Rio de Janeiro.

Quatre hommes seront jugés et condamnés par contumace, mais ‘’ndam li’’ ne sera pas retrouvée, d’aucuns pensant alors qu’elle a été fondue pour son métal précieux. Comme les Anglais, les Brésiliens se font fabriquer une réplique pesant 1,8 kg d’or et, faute de mieux, s’en contentent jusqu’ici.

Pendant ce temps, la frangine —conçue par un Milanais sous forme de deux athlètes soulevant la terre, elle mesure 36,5 cm, pèse 6,175 kg et est constituée pour 75% de 18 carats d’or pur— vole d’amants en amants.

Avec comme prochaine étape le pays de Mandela.