[Entretien] Laurent Viguié : « Notre objectif n’est pas d’accueillir des étudiants qui vont échouer en France »
Du 3 au 4 octobre 2025, Campus France Sénégal a organisé ses traditionnelles Journées Portes Ouvertes, permettant aux élèves et étudiants de s’informer sur les études en France. À cette occasion, Laurent Viguié, conseiller de coopération et d’action culturelle à l’ambassade de France, directeur de l’Institut français du Sénégal et superviseur de Campus France Sénégal, s’est entretenu avec Seneweb. Il détaille les objectifs de l’événement, les critères d’admission, les défis des visas et les perspectives de coopération universitaire.
Journaliste : Quel est l’objectif principal des Journées Portes Ouvertes de Campus France cette année ?
Laurent Viguié : L’objectif est de fournir un maximum d’informations aux candidats aux études en France, qu’ils soient lycéens ou étudiants, ainsi qu’à leur entourage, leurs familles et leurs proviseurs. Nous avons réuni les proviseurs hier à Dakar et ouvert l’événement au grand public pour annoncer que la campagne annuelle d’études en France est lancée. Ces journées visent à expliquer les conditions, les critères et les modalités de la procédure, tout en initiant un travail d’information qui se prolonge toute l’année, avec ces journées comme point de départ.
Journaliste : Comment ces journées aident-elles les élèves et étudiants à mieux choisir leur orientation ?
Laurent Viguié : Elles offrent une aide très pratique en fournissant des informations sur la procédure, le calendrier, les documents à remplir et à rassembler pour déposer un dossier. Des ateliers de remplissage de dossiers garantissent leur bonne préparation sur la plateforme électronique. Des séances de conseils, individuels ou collectifs, aident aussi à explorer les options d’études en France et à orienter les choix.
Journaliste : Pourquoi avoir organisé ces rencontres aussi à Saint-Louis, Kaolack et Ziguinchor ?
Laurent Viguié : Les candidats aux études en France sont présents dans tout le Sénégal. Nous avons la chance d’avoir des espaces Campus France à l’Institut français de Saint-Louis, à l’Alliance française de Kaolack et à la Chambre de commerce de Ziguinchor, en plus de celui de Dakar-Medina près de l’UCAD. Ces lieux organisent les mêmes journées avec le même dispositif sur deux jours. Pour élargir encore notre portée, nous proposons des activités en ligne, comme un Facebook Live hier matin depuis l’Institut français de Dakar, accessible en replay avec plusieurs milliers de vues, montrant une forte demande à distance.
Journaliste : Quels sont les critères importants pour être admis dans une université ou une école en France ?
Laurent Viguié : Le critère clé est d’avoir un projet d’études cohérent avec le parcours préalable – une bonne réussite dans les matières choisies au lycée – ou avec une licence obtenue au Sénégal, et avec une projection professionnelle. Nous évaluons la cohérence du projet avec la trajectoire de l’étudiant, ses capacités (niveau au bac, qualité du parcours, éventuelles redoublances) et son potentiel de réussite. Notre objectif n’est pas d’accueillir et d’accompagner des étudiants qui ensuite vont aller échouer en France. Nous préférons qu’ils réussissent au Sénégal plutôt que d’échouer en France, évitant ainsi des situations personnelles difficiles.
Journaliste : Beaucoup d’étudiants éprouvent des difficultés à obtenir leurs visas, certains parlent même de « parcours du combattant ». Quelles sont aujourd’hui les étapes à suivre pour obtenir un visa étudiant ?
Laurent Vigué : Ce ne devrait pas être un parcours du combattant, et cette image relève parfois d’un mythe, surtout pour les visas étudiants. Le Consulat Général de France à Dakar consacre une saison spécifique à traiter exclusivement ces dossiers, avec des ressources dédiées. Le succès dépend des étudiants eux-mêmes. La campagne s’ouvre en juin avec des rendez-vous via VFS, l’opérateur des visas, mais beaucoup attendent la dernière minute, notamment en août avant la rentrée de septembre. L’anticipation est essentielle : déposer tôt, présenter un dossier complet avec des documents clairs, et éviter de « bricoler » les pièces manquantes. Un dialogue avec les administrations et une démarche soignée sont nécessaires. Le taux de délivrance des visas étudiants est élevé, car le processus Campus France a déjà filtré les dossiers.
Journaliste : La France accueille déjà plus de 17 000 étudiants sénégalais. Comment comptez-vous renforcer cette coopération universitaire ?
Laurent Viguié : Le renforcement ne passe pas forcément par augmenter ce nombre. Avec les deux gouvernements, nous visons 4 500 à 5 000 étudiants par an, un chiffre jugé équilibré pour la France et bénéfique pour le Sénégal. L’objectif est que ces études soient utiles à l’économie sénégalaise, offrant des débouchés professionnels en France ou au Sénégal. Nous encourageons aussi la venue d’étudiants français au Sénégal via des accords universitaires et soutenons l’implantation d’universités françaises au Sénégal, en partenariat avec des universités locales. Cela permet des cursus partagés – une partie au Sénégal, une partie en France – réduisant les coûts pour les étudiants sénégalais tout en enrichissant les parcours. Avec la démographie croissante, nous diversifions les options et les débouchés.
Journaliste : Existe-t-il des programmes de bourses ? Si oui, qui peut en bénéficier et quelles sont les priorités ?
Laurent Viguié : Oui, il y a le programme « Bourse France-Sénégal », détaillé sur bourse-france-senegal.sn. Il cible les masters (bourses annuelles) et les doctorats (séjours de recherche). Ouvert à toutes les spécialités, il privilégie les meilleurs projets et parcours, sans restriction de sujet, avec un appel général annuel ouvrant bientôt jusqu’au début de l’année prochaine. Nous sélectionnons les candidatures les plus prometteuses.
Journaliste : Avec l’évolution des formations en France, quels conseils donner aux jeunes pour mieux préparer leur projet d’études ?
Laurent Viguié : Les formations évoluent constamment. Le meilleur conseil est de se renseigner directement auprès des sources fiables, comme les sites des universités françaises, qui offrent des dispositifs pour les étudiants étrangers. Campus France, tiers de confiance sans intérêt commercial, aide à identifier les secteurs, universités et nouvelles filières. Il distingue les formations diplômantes des certifiantes. Évitez les agences privées promettant des inscriptions, souvent source d’échec, et appropriez-vous le projet en vous informant vous-même pour un entretien pédagogique solide.
Journaliste : Les familles s’inquiètent souvent du coût des études et du logement. Quelles aides existent pour les étudiants sénégalais en France ?
Laurent Viguié : Il n’existe pas d’aide systématique côté français, sauf pour quelques bourses (environ 1 500 étudiants). La majorité doit anticiper les coûts eux-mêmes. Le processus consulaire évalue si l’étudiant dispose des ressources pour vivre et réussir. Les familles ont raison de s’en préoccuper, car sans logement ni moyens, la réussite est compromise. Après un an, certains trouvent des petits boulots pour subvenir à leurs besoins.
Journaliste : Quel rôle la jeunesse sénégalaise peut-elle jouer dans l’avenir des relations entre la France et le Sénégal ?
Laurent Viguié : La jeunesse est au cœur de notre coopération bilatérale, représentant 75 % de moins de 35 ans et 50 % de moins de 18 ans au Sénégal. Elle est une priorité pour nos gouvernements, car elle doit trouver des opportunités d’emploi via l’enseignement supérieur ou des parcours originaux, comme les formations en arts et culture. Elle portera les enjeux futurs – climat, santé, démocratie – définissant notre avenir commun. Écouter et donner une place à sa voix est essentiel.
Journaliste : Est-ce que cela passe aussi par la déconstruction de certains préjugés ?
Laurent Viguié : Oui, nous comptons sur la jeunesse pour déconstruire ses préjugés. Campus France suit les alumnis, dont les témoignages crédibles sur les réalités des études en France – avantages et difficultés – aident à corriger les idées reçues. Nous promouvons aussi les mobilités croisées avec des étudiants français au Sénégal et un volontariat réciproque, renversant la logique descendante de l’aide traditionnelle. Des initiatives comme le forum de l’économie sociale à Bordeaux ou une délégation sur les industries culturelles montrent les apports sénégalais, renforçant une relation d’égal à égal et répondant à la revendication d’une jeunesse souhaitant être reconnue.
Commentaires (13)
comment vous pouvez justifier ces frais de visas aussi élevés avec zéro garantie que votre dossier sera étudié avec sérieux ?
journaliste dafay kharagne
J’ai su aussi y’a pas longtemps que la plupart de nos étudiants de polytechnique une fois la fin de leurs cursus poursuivent les études en Europe et finissent par y rester.
Here is my calendly: https://calendly.com/barberingexcellence/30min
Best regards,
Jay
Satori Online CEO
https://bit.ly/46XhLaV
Participer à la Discussion