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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

[Chronique] La saga des vendus

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[Chronique] La saga des vendus

 

« Napoléon disait, à Sainte-Hélène,
que la destinée dépend parfois d’un seul jour.
L’Histoire justifie cette assertion,
mais montre aussi qu’il faut généralement
beaucoup d’années pour préparer ce jour »
Gustave LE BON

 

A quoi tient l’Histoire ? A quelques malentendus, bien-sûr ! Si Amadou Moctar Mbow ne s’était pas déplacé à Paris pour y rencontrer Idrissa Seck, le fond de la pensée de l’ancien Premier ministre nous serait encore inconnu. Il faudra trop de choses pour que son parti, qui se plaignait d’avoir été injustement mis à l’écart, prenne part aux Assises nationales. Il faut que les assises soient vraiment nationales. Des Assises nationales, ce sont des Assises qui incluent « la majorité ». Mais c’est qui la majorité ? Eh bien, celle qui nous gouverne depuis un an. Abdoulaye Wade et sa camarilla politique dans laquelle se reconnaît parfaitement Idrissa Seck. Ce n’est pas la seule condition posée par les « rewmistes ». Il y a une autre qui découle de la première, la reconnaissance d’Abdoulaye Wade comme vainqueur incontesté et président légitime du Sénégal. C’est toute la nuance contenue dans la lettre-réponse du 15 juin. Idrissa Seck ne dit pas « je ne participe pas ». Il dit : « je ne participe pas si le président Abdoulaye Wade ne participe pas. »
Nous ne pouvons pas reprocher à l’ancien Premer ministre son incohérence. Au lendemain de la présidentielle, alors que le pays entier se remettait du chaos électoral, le candidat de Rewmi s’était précipité dans les médias pour déclarer Wade vainqueur et le féliciter de sa victoire. Il s’est par la suite ligué avec l’opposition pour boycotter les législatives, sous le prétexte que la présidentielle a été frauduleuse. Parce que Wade l’a traité entre-temps de voleur.
Ce qui explique l’entêtement d’Idrissa Seck à supporter Wade contre le reste du pays, c’est cette croyance presque mystique qui lui fait penser que s’il tire le premier, il est mort. Les tracasseries judiciaires sont dures, mais il s’est placé à leur hauteur, pour mieux les supporter, avec les humiliations. Elles restent un rien, à côté des sévices qu’il s’imagine en souffrant par anticipation. Or, s’il laisse Wade à lui-même, le président de la République mourra de lui-même, s’est convaincu le « président de Rewmi ». Dans le meilleur des cas, Idrissa Seck compte ramasser le Pds tout entier. Dans le pire des cas une partie, se disant certain que les Sénégalais arrêteront Karim Wade le moment venu.
Mais l’intention de pérenniser l’héritage du Pds ne fait aucun doute. Il se fera avec ou contre les dernières volontés d’Abdoulaye Wade. Son porte-parole Omar Sarr, un vrai Karaoké quand il s’agit de reprendre les refrains de son maître, a rompu avec la langue de bois à ce sujet : « l’unité, le renforcement et la pérennisation au pouvoir de sa famille politique fait partie du projet de Monsieur Seck ». Ce qui est son droit le plus absolu. Mais qu’Idrissa Seck ne nous demande pas de reconnaître la légitimité de quelqu’un qui, de ses propres aveux, le tient en otage.
Le président de la République s’est dit maintenant convaincu qu’entre Idrissa Seck et lui, « il faut qu’il y ait un cadavre, et ce ne sera pas moi ». Wade entendait achever l’œuvre majeure de son deuxième mandat, la destruction du complexe Idrissa Seck. L’ancien Premier ministre vient de lui prouver rageusement qu’il peut lui être utile.
Symboliquement, son ralliement aux Assises nationales aurait isolé davantage Abdoulaye Wade et rompu la majorité mécanique obtenue en février 2007. Nous ne l’aurons malheureusement jamais, et il faut désormais compter Seck comme une partie du problème Wade.
Ce qu’Idrissa Seck pose comme un postulat immuable, ce n’est pas seulement qu’une alternative programmatique ne peut pas se faire sans le Pds. C’est qu’une alternance politique ne peut pas se concevoir en dehors du Pds. Il est lié à Wade comme une huître sur le jonc de marécage qui le maintient en vie. Il ne le quittera jamais, il vient de le répéter à dessein.

Il faut reconnaître à Abdoulaye Wade son aptitude au combat. Il sait combattre et se défaire d’un adversaire. C’est une fois la victoire acquise, au moment de la gestion du pouvoir qu’il se révèle impuissant. Personne ne pouvait prédire qu’il irait aussi vite avec la « société civile ».
L’opposition avait fait ce raisonnement très noble que pour éviter les querelles de leadership et donner une dimension nationale et non-partisane aux Assises, il fallait mettre en avant la « société civile ». C’est une erreur. Ses représentants sont en train de se faire acheter un à un. Ils sont devenus le ventre mou des Assises nationales, les premiers à capituler. Et ils ont le culot d’accuser le Front Siggil Sénégal de tous les maux. C’est ou les assises sont politisées, alors elles sont financées par une puissance étrangère. Babacar Justin Ndiaye n’a été que leur porte-parole loufoque. En déclarant détenir des informations de « sources diplomatiques », il essaie de crédibiliser l’idée d’un complot étranger déjà vendue par les propagandistes libéraux, déjà défendue par Malick Ndiaye. Aucune représentation diplomatique ne peut épandre de telles grossièretés, c’est impossible. Mais c’est la presse qui a donné du volume à ce troubadour. Voilà quelqu’un qui ne travaille dans aucun organe de presse, et qu’on dit journaliste. Il n’a jamais écrit aucun ouvrage politique, aucune étude, aucune réflexion politique, et se fait appeler pompeusement « politologue ». J’ai lu Mody Niang célébrer dans son dernier livre une citation du « politologue » Babacar Justin Ndiaye : « La différence entre un homme politique et un homme d’Etat, c’est qu’un homme politique pense à la prochaine élection. Un homme d’Etat pense à la prochaine génération. » Evidemment, l’inspecteur de l’éducation n’est pas fautif. Il ne savait pas que cette citation était de James Freeman Clarke. Justin Ndiaye s’est toujours gardé de citer les auteurs qu’il copie à longueur de paragraphes. Et il n’a jamais apporté la précision à ceux qui lui attribuent généreusement les propos des autres.
C’est cela le fort de notre « politologue ». Réciter des passages entiers de l’Encyclopédie Universalis sans jamais citer les auteurs. Il sera bientôt récompensé pour service rendu. Bientôt naîtra de sa nouvelle collaboration avec Abdoulaye Wade, un magazine panafricain dont la seule raison d’être sera de chanter les louanges de notre Napoléon national. Ses conquêtes diplomatiques bien-sûr ! Dans ce domaine, Wade croit qu’il n’est pas trop tard pour « l’enobélir ». Et Justin portera, de sa distinguée plume, la responsabilité de cette noble mission. On lira dans ce magazine que le Hamas, sensible à la sagesse et à la grandeur d’âme de notre président, veut lui confier le soldat Gilat Shalit. Une autre histoire montée de toute pièce qui risque de finir comme les précédentes, en queue de poisson. C’est trois jours avant le sommet de l’Oci que Shimon Peres a adressé une courte lettre au président Wade, dans laquelle il lui dit espérer « que le sommet de l’Oci sera un sommet de la paix, et non une tribune pour la cause palestinienne ». Wade s’est emparé de la lettre pour aller dire à ses hôtes arabes qu’Israël lui a demandé de mener une médiation dans le conflit israélo-palestinien, ce qui n’a jamais été le cas. Muni du mandat de l’Oci, il s’est tourné vers l’ambassade d’Israël pour dire que l’Oci l’a chargé de mener une médiation dans le conflit israélo-palestinien, et qu’il souhaitait s’entretenir avec Peres. Peres essaiera de l’éviter pendant deux semaines, et finit par accepter de parler au président Wade. Non sans lui avouer que « le dossier est assez complexe, et une nouvelle médiation risquerait de compliquer les choses ». Wade s’est non seulement entêté, mais il a demandé, dès le lendemain, à se rendre en visite officielle à Tel Aviv. Nouveau refus des israéliens. Pour contrer l’initiative, ils lui ont demandé comme préalable à sa visite, d’ouvrir une représentation diplomatique en Israël. Les israéliens savent qu’il est coutumier des faits. Avant d’engager la médiation entre le Tchad et le Soudan, le président de la République avait fait part de son initiative au département d’Etat américain. Quand Condolleza Rice lui a adressé des félicitations pour son initiative, il s’est saisi de cette occasion pour dire aux deux parties qu’il s’engageait à la demande des Etats-Unis. Jamais personne ne lui a promis le soldat Shalit. C’est la parole d’un cabaretier. Comme toujours, ceux qui lui tendent l’oreille sont ses premières victimes.
SJD



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