« L’ambition fait préférer une défaite à une
victoire qui ternit la renommée du chef »
William SHAKESPEARE
L’acte est plein de sens et nous sommes peut-être en train d’assister, observateurs de la scène politique que nous sommes, à la dernière séquence d’une tragédie par l’acte le plus symbolique qui soit : la transgression finale, le meurtre du père. J’avais déclaré ici-même qu’Idrissa Seck a opéré ce qu’en langage psychanalytique on appelle un transfert, en donnant à Abdoulaye Wade les attributs d’un père que la mort lui a arraché trop tôt. Avec toute la symbolique que cela requiert. Quoi qu’il fasse, le père est toujours parfait homme et cette admiration, je dirai dans son cas cette adoration, lui enlève du même coup tout moyen de trouver à ce père le moindre défaut. Je m’en suis offusqué, parfois indigné, mais j’ai passé assez de temps avec l’ancien Premier ministre pour mesurer jusqu’où il portait Abdoulaye Wade en estime et à quel point il lui était difficile d’amorcer la rupture que tout le monde souhaitait. Idrissa Seck, qui a connu Wade à l’adolescence, pour devenir son directeur de campagne à l’âge de 29, a lui aussi multiplié les références, en parlant de fils d’emprunt et de fils biologique. Voyant en Abdoulaye Wade le patriarche Abraham, il s’était lui-même proposé à la mort pour que survive le clan, un jour comme celui que nous venons de célébrer. « Un fils ne désobéit pas à son père », avait-il ajouté. Encore qu’en acceptant ce sacrifice suprême les yeux fermés, le fils d’Abraham n’obéissait pas à un ordre de son père, mais à la volonté divine.
Nous avons répondu par des cris d’indignation à la hauteur de cette effronterie grandiloquente. Abdoulaye Wade n’est pas Abraham et le royaume qu’il tente d’instaurer obstinément sur cette terre appelée Sénégal n’est pas celui du Dieu d’Abraham. Son seul fils biologique qu’on lui connaît, jamais il ne le sacrifiera comme un mouton sur l’autel de la foi. Il enverrait son Dieu paître s’il le lui demandait.
Et bien, par un curieux retournement de situation, celui qui se proposait à l’abattage est en train d’asséner à son Abraham de pacotille, le coup de sabot qui lui sera fatal. La survie du clan, voulue ou souhaitée par Idrissa Seck, ne passe plus par le sacrifice du fils, mais par le meurtre symbolique du père. Il a fait un choix méticuleux jusqu’à la date de rédaction de sa lettre assassine, qui est de haute portée par le sérieux des personnalités qui ont accepté d’y apposer leur signature. C’est le 4 novembre 2009 qu’à Thiès, Idrissa Seck a fait son fameux discours de soumission que j’ai tant déploré. C’est le 4 novembre 2010, un an jour pour jour qu’il adresse à ce même père l’ordre de renoncer à sa candidature à la présidentielle de 2012. Je ne peux qu’applaudir à ce coup de maître puisque depuis un an, j’invite l’opposition sénégalaise à réunir les constitutionnalistes pour qu’ils se prononcent en toute indépendance sur cette question, sans être entendu. « Mara » le fait à renfort de citations coraniques, mais m’est revenu le brillant homme politique que j’avais connu. Il a choisi symboliquement le jour de la Tabaski pour apposer sa voix sur cette charge épistolaire. Il s’était donc trompé de patriarche et sur ce point, il me donne raison.
La réponse selon laquelle c’est une honte de faire appel à un étranger pour trancher un débat sur la Constitution du Sénégal ne tient pas la route, puisque s’ajoute à l’analyse de Guy « Carc-assomme », celle d’éminents constitutionnalistes sénégalais, qu’on ne peut accuser de parti-pris. Le conseiller juridique du président de la République, faut-il le rappeler, est un français. Répondre à une question d’une telle gravité par le fait que « seuls les imbéciles ne changent pas d’avis », c’est déjà s’accuser d’imbécilité. Cette réponse est à elle seule révélatrice de l’état de délabrement de son édifice mental. L’homme qui traite les magistrats de ce pays d’esclaves n’est plus en état de gouverner et ils devraient être les premiers à réclamer sa démission.
Le bateleur de Kébémer se retrouve dans une bien mauvaise posture. Il ne peut pas abandonner la course à la présidentielle sans avoir le sentiment d’avoir cédé à la pression ; il ne peut pas maintenir sa candidature sans donner l’impression d’avoir violé la Constitution. Puisque sur ce point, il suffit de lui rappeler ses propres propos, quand il déclarait devant les caméras du monde entier que la Constitution ne lui donnait pas le droit de se présenter en 2012. Mais Abdoulaye Wade a-t-il même une parole ? J’étais persuadé qu’il ne respecterait pas son engagement de ne pas toucher à son gouvernement avant la présidentielle de 2012. Souleymane Ndéné Ndiaye saura à quoi s’en tenir, puisque le chef de l’Etat n’a même pas eu la courtoisie d’attendre son retour, pour chasser son ministre du gouvernement.
Pour revenir à Idrissa Seck, son éclat de lucidité est accueilli d’un air méfiant. Beaucoup se disent qu’il eût été autrement s’il s’était entendu avec Abdoulaye Wade, ce que je puis admettre. A ses amis qui critiquaient ses va-et-vient incessants entre le palais de la République et son domicile du Point E, il a expliqué que ce régime avait laissé pendre à son cou un « non lieu partiel » pour l’exclure définitivement de la scène politique, qu’il lui fallait négocier pour obtenir un non lieu total. Que s’il s’est résolu à rencontrer Abdoulaye Wade un mois avant la présidentielle de 2007, c’est qu’il ne pouvait pas laisser ses amis et collaborateurs croupir en prison.
Malgré ces « audiences du midi » vécues comme une trahison par des milliers de partisans et sa sortie malheureuse sur les fonds politiques, Idrissa Seck a obtenu plus de 500 000 voix à la dernière présidentielle, c’est-à-dire le même nombre de voix qu’Abdoulaye Wade et ses alliés en 2000. C’est bien cela la raison d’une colère justifiée. S’il n’était pas allé se donner en offrande à Abdoulaye Wade, cet autocrate ne serait pas là à nous narguer. Tout est parti de cette audience et ceux qui voyaient en lui l’espoir d’un renouveau se sont retourné vers Wade par dépit. L’issue eût été différente s’il avait gardé sa détermination intacte.
Tout est encore possible, mais je reste convaincu qu’Idrissa Seck ne peut acquérir sa stature définitive qu’en opérant une rupture radicale avec Abdoulaye Wade. S’il se met de son côté, ce qu’il a fait jusqu’ici, il partira avec lui. Ce président ne vaut plus rien et tout ce qu’il touche devient un objet de rejet. Je suis persuadé qu’il a été l’un des grands artisans de la défaite de Cellou Dalein Diallo, en le soutenant ouvertement contre Alpha Condé. Je ne serai pas surpris que les Ivoiriens, jaloux de leur indépendance, infligent la même correction à son candidat Alassane Ouattara. Sa mégalomanie en prendra un coup, mais c’est mieux pour la Côte d’Ivoire. Aucun homme honnête ne souhaiterait voir à la tête du pays d’Houphouet Boigny un homme inféodé à la famille Wade. Avec ce renouveau démocratique en Afrique de l’ouest, nous nous retrouvons seuls face à un vieillard emprisonné dans son armure.
Ceux qu’il tente de soumettre à son joug, même dans son propre parti, n’ont plus peur de se rebeller et ils l’affirment les uns après les autres. Je ne peux cacher ma satisfaction en voyant la rébellion s’organiser au sein du Pds. J’ai l’intime conviction que dans l’état actuel de désorganisation de la résistance, la vague déferlante qui nous débarrassera de ce régime viendra du régime lui-même. Abdoulaye Wade ne peut pas disloquer son parti comme il l’a fait, perdre Macky Sall et Idrissa Seck et espérer gagner une élection. Les résultats de sondages les plus généreux le créditent d’un peu plus de 20% à la prochaine présidentielle. Ce que les Sénégalais lui envoient comme message est assez clair, ils ne veulent ni de lui, ni de son fils.
Depuis dix ans germe et grandit dans la tête de cet homme l’étrange la volonté de transformer cette République démocratique en une monarchie héréditaire. Or, sur ce point, l’Imam ratib de Dakar lui a fait la leçon. Le sacrifice d’Abraham est la preuve qu’entre Dieu et son fils, il faut choisir Dieu. Abdoulaye Wade a choisi son fils.
SJD
15 Commentaires
Kebe
En Novembre, 2010 (06:24 AM)Zin Ugb
En Novembre, 2010 (06:24 AM)Dianhy Ya Papa Kao La Capitali
En Novembre, 2010 (06:40 AM)Mara
En Novembre, 2010 (09:31 AM)Xxxxxx
En Novembre, 2010 (10:16 AM)Lecteur
En Novembre, 2010 (11:50 AM)l exemple le plus recent c est celui du bresil son ex president LULA etait un ouvrier syndicaliste sans aucun diplomes mais un homme tres competent et responsable qui a amene son pays dans le cercle des g8
l important est d avoir des hommes qu il faut a la place qu il faut
en d autres termes des hommes patriotes pleins de volonte et de vouloir pour projeter ce pays vers le development
Lecteur100
En Novembre, 2010 (12:51 PM)c'est decevant venant de Souley Jules DIOP???
Lecteur100
En Novembre, 2010 (12:59 PM)Lecteur100
En Novembre, 2010 (13:00 PM)Yd
En Novembre, 2010 (16:41 PM)Et ne me dites pas que je bosse pour Wade; Loin de la;suis sa bete noire;Vrai anti Wade;
bossons pour l'interet de la NATION
VIVE LE SENEGAL
HAPPY EID MUBARAK TO ALL MUSLIMS
TY
Kaani
En Novembre, 2010 (18:38 PM)Moi
En Novembre, 2010 (17:19 PM)Nekhle
En Novembre, 2010 (12:51 PM)Laskha
En Novembre, 2010 (09:01 AM)Seikh
En Novembre, 2010 (20:41 PM)Bilay Jules Diop ya gnakk djom
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