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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

Les Etats n’ont pas d’âme

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Les Etats n’ont pas d’âme
« Un homme est la somme
de ses propres malheurs »
William FAULKNER


Nous avons réélu le 25 février un homme bien singulier. Il crée toujours les conditions de ses propres échecs, comme si son destin devait nécessairement se faire contre l’avenir de son pays. Des chantiers gigantesques, un fils ingénieux au service de son père : tout était fait pour que ce septennat, engagé sur les chapeaux de roue, nous sorte enfin du moyen-âge pour nous installer en plein dans le siècle des Munnawara. Une victoire confortable à la présidentielle, une Assemblée nationale désertée par l’opposition, un Sénat composé d’une bande de soumis. Et voilà que la malédiction frappe aux portes du palais. Comme Wade est toujours la source de ses propres angoisses, il se considère floué dans la composition de son gouvernement, et ses ministres trop nuls. Il réaménage son gouvernement, mais rien ne réussit à calmer sa colère : il profite d’une demande populaire pour chasser les « wadettes » de son gouvernement. La raison de la rue l’avait obligé à cet extrême sacrifice, mais son cœur les réclame à nouveau. Les femmes tout de suite parties, le décret signé de sa propre main, il les réclame de nouveau à son Premier ministre : « mais où sont les femmes ». Elles sont parties avec la grosse tempête qui a frappé en fin d’année : la déferlante jeune qui a défié le dispositif policier d’Ousmane Ngom et exprimé sa grande colère. Comme il sait le faire quand il le faut, Wade recule : il renonce aux 19 mesures préconisées pour lutter contre la montée des prix du pétrole, dont la plus absurde recommandée par son Premier ministre, la baisse des salaires des fonctionnaires. Mais puisqu’il est en perpétuel mouvement, il engage une bataille décisive contre deux personnages qui gênent ses « réformes institutionnelles », Mbaye Jacques Diop et Macky Sall. Il réclame la démission du président du CRAES. Quand l’ancien maire de Rufisque refuse, il dissout l’institution et met l’inspection générale d’Etat aux trousses de son président.
Cette bataille pas encore terminée, il décide d’en finir avec Macky Sall, avec la certitude exprimée à tous ses stratèges, « c’est un peureux. Si on le menace de poursuites, il va céder ». Les inspecteurs d’Etat vont, là aussi, fouiller dans les comptes du PNDL et du… PCRPE. Les découvertes sont effarantes : 22 marchés attribués sans appel d’offre, portant sur un total de plus de 10 milliards. Mais ces pratiques frauduleuses ont surtout profité à des proches de son fils et de son épouse, et il ne serait pas difficile de remonter jusqu’à eux. Wade fait ce qui n’a jamais été fait dans l’histoire de ce pays. Sous Diouf et Senghor, la présidence de la République commandait des rapports, et les mettait sous le coude, quand elle les jugeait compromettants pour des amis du régime. Là c’est le président de la République qui demande la suspension-annulation des missions d’audit. Dans une lettre très salée qui lui a été adressée, les inspecteurs généraux, touchés dans leur réputation et leur honneur, lui ont quand même rappelé qu’ils n’étaient pas des « marionnettes ». Mbaye Jacques et Macky Sall sont assis sur des bombes. C’est ainsi que s’éteignent des actions qui auraient en tout ressemblé à la procédure qui a conduit Idrissa Seck en prison. Le président de l’Assemblée nationale, contre toute attente, refuse de démissionner, certain qu’il irait en prison. Wade fait signer une pétition, mais il est menacé de ridicule. Il lui restait un dernier geste désespéré : bloquer le fonctionnement de l’Assemblée nationale. Mais la stratégie est mise en échec. Un groupe de députés émus par cette mise à mort gratuite élève la voix, défend le principe de la séparation des pouvoirs et met en demeure le chef de l’Etat. C’est une autre première dans l’histoire de ce pays. Doudou Wade persiste quand même dans son intention de bloquer le fonctionnement de l’institution et, là encore, première dans l’histoire de cette institution, gifle le jeune Aliou Sow, qui a osé organiser une réunion de commission avec le ministre des Affaires étrangères !
C’est le soir de la disparition de Serigne Saliou Mbacké, que Wade apprend les raisons de son échec : sa pétition ne réussit même pas à recueillir 60 signatures, et s’il tentait de modifier la Constitution, il n’aurait pas les trois cinquièmes requis. Sa dernière tentative d’intimider le président de l’Assemblée nationale a été plus effarante : Macky Sall a dit au chef de l’Etat le vendredi 28 décembre dernier qu’il était prêt à prendre une balle mais qu’il ne démissionnerait pas, avant de laisser Wade là, affalé sur son fauteuil Louis quatorze.
C’est un coup dur. Il avait promis au monde entier qu’il nommerait une femme à la tête d’une grande institution, et promis le poste à Aminata Tall, comme il l’a d’ailleurs promis à tous les députés qu’il a reçus. Si tout avait bien marché, « tata Aminata » serait présidente de l’Assemblée nationale, tonton Cheikh Tidiane Sy président du Conseil économique et social, et grand frère Pape Diop, ressuscité de plusieurs tentatives d’enterrement, président du Sénat.
Toutes les tentatives d’installation de son fils à la présidence de la République ont échoué. Mais le plus dur est venu des « amis arabes ». C’est en 2005 que Karim Wade a trouvé le roi d’Arabie sous sa tente, accompagné de Khalifa Niasse, pour lui dire qu’il attendait 200 Milliards de l’Arabie Saoudite pour l’organisation du sommet de l’OCI. Le roi a consenti à donner le dixième du montant réclamé. Le même qui vient de trancher un débat entretenu depuis des mois dans les salons d’aéroport : le sommet ne peut pas se tenir à Dakar.
Malgré ses compétences déclarées au-dessus de la moyenne des sénégalais, Karim Wade n’est pas capable de réceptionner la moindre infrastructure d’accueil du sommet, en trois ans de préparatifs et à trois mois de la date indiquée ! A la place, le Sénégal propose deux bateaux loués à deux milliards de francs Cfa par jour, pour les besoins des sommités arabes qui ne veulent pas risquer leur vie pour faire plaisir à Abdoulaye Wade et à son fils. Comble du malheur, le « Dakar » est annulé. C’est une autre première dans l’histoire de cette célèbre compétition automobile, dans la série de malheurs qui arrivent à « Calamity Wade ». Ce n’est pas tout. Les militants salafistes proches d’Al Qaeda, soupçonnés du meurtre des touristes français ont fui vers les frontières poreuses du Sénégal. Et les « policiers » d’Ousmane Ngom, très prompts à arrêter des journalistes et des politiciens, n’ont jamais été capables de mettre la main sur eux. Paniqué, déterminé à sauver le sommet de son fils, Wade se tourne vers le Maroc, allié naturel du Sénégal et relais entre le Sénégal et les pays arabes. Mais il a des problèmes avec le roi ! C’est ce qui l’a obligé à cette déculottée monumentale faite depuis la capitale marocaine avant de se rendre en Arabie Saoudite : le Sahara est, pour Wade, une terre marocaine. Il avait déclaré bien heureusement au président de Taïwan que les Etats n’ont pas d’amis, il vient de nous prouver, Abdoulaye Wade, qu’il est sans état d’âme.
Evidemment, ce n’est ni la faute du Maroc, ni celle de la France : il y a longtemps que le Sénégal n’est plus dans les tablettes des pays arabes, pour l’organisation du sommet de l’Oci. Dakar est un grand souk obstrué, sans voies de communication. Mais ce n’est pas seulement une question d’infrastructures. C’est une question de logistique. Le pays n’a rien des normes de sécurité et de l’expertise requises pour organiser un sommet d’envergure. Il y a longtemps que le voisin (malien) s’est proposé, à la suite de la Turquie, pour l’organiser !
L’organisation de ce sommet, simple rencontre internationale que le Sénégal se proposait d’accueillir, a été un grand fiasco politique. Il visait à présenter le fils du chef de l’Etat comme le seul digne d’éloges, capable de succéder à son père : mais il est doublé d’un désastre économique. Il a porté la dette intérieure du Sénégal de zéro il y a quatre ans, à des niveaux jamais atteints, et causé la faillite de nombreuses entreprises. Dans la plupart des chantiers, les ouvriers ont rangé les pelles et les camions, parce qu’il n’y a plus d’argent. Toutes les ressources du pays ont été détournées de leurs objectifs pour réceptionner dans quelques semaines, un petit pont au-dessus d’un trou noir, sur la baie de Soumbédioune. La seule réalisation faite à ce jour n’a rien à voir avec les préparatifs du sommet : c’est un petit hôtel construit près de chez Abdoulaye Baldé, directeur exécutif de l’Anoci.
Pendant ce temps, Wade fils court les capitales arabes, pour convaincre les rois de venir au sommet qui devrait le consacrer. Il a demandé à ses amis de la Génération du concret de se terrer, il va rebondir. Wade père est superstitieux. Il pense que son Premier ministre Adjibou Soumaré a la guigne. Il le tient pour responsable de tous les malheurs qui lui arrivent. Mais ses « amis arabes » sont plus superstitieux que lui. Ils pensent que c’est parce que « Abdallah » Wade a l’âme d’un franc-maçon que Dieu ne veut pas de ce sommet.


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