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Sénégal, silence sur la mort de Momar Coumba Diop

Auteur: Mbaye Sadikh

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Momar Coumba Diop n’est plus. L’annonce de sa mort, à Paris, a eu lieu dimanche après-midi. L’homme est un intellectuel sénégalais accompli. Il a grandement œuvré pour la maîtrise de l’histoire politique du Sénégal. Cet universitaire a coédité et assuré la direction de plusieurs ouvrages d’importance capitale pour notre pays.
Il suffit de citer quelques publications de référence comme "Le Sénégal sous Abdou Diouf" ; "Sénégal, trajectoire d’un État" ; "Le Sénégal sous Abdoulaye Wade" ou encore "La société sénégalaise entre le local et le global". 
D’ailleurs, un livre hommage ("Mélanges") publié récemment lui a été dédié du fait de son œuvre immense et de sa dimension intellectuelle.
« Fortement impliqué, en plus de ses travaux personnels, dans la coordination des groupes de travail nationaux et multinationaux ainsi que dans la publication des résultats de leurs travaux, il s’est peu – pour ne pas dire jamais – soucié de son avancement administratif. Il n’est pas étonnant qu’à la fin de sa carrière universitaire (2015, Ndlr), Momar avait encore le grade d’enseignant-chercheur du début de sa carrière, alors que certains de ses anciens étudiants avaient le statut d’enseignant ou de chercheur de rang magistral dans la même université », écrit son ami Gaye Daffé dans le livre ‘’Comprendre le Sénégal et l’Afrique aujourd’hui’’ publié en 2023 en hommage à Momar.
Momar Coumba Diop a participé à la formation de plusieurs centaines, voire milliers de Sénégalais et d’Africains, parmi lesquels Mouhamed Bazoum, l’ancien président du Niger. Il a mis en place le Centre de recherches sur les politiques sociales (Crepos) à Dakar.
Né à Linguère, il a fait son enfance entre Dakar où étaient ses parents et la région de Louga où il a fait ses études primaires auprès de ses grands-parents. Ancien du lycée Blaise Diagne, Momar Coumba Diop a fait ses études à l’université de Dakar, précisément au Département de philosophie. Il y a connu certains universitaires de renom comme Abdoulaye Bathily, Mamadou Diouf et Boubacar Barry. 
Après la Maîtrise, il est allé en France où il a eu son Doctorat de 3e cycle, « la première étude consacrée aux mourides urbains ».
Il est recruté au Département de philosophie de l’Ucad en 1981 pour enseigner la sociologie. À la suite d’une opération à Paris, Momar s’éloigne des amphis. Il ne peut plus enseigner. C’est pourquoi, raconte toujours Gaye Daffé, il a été affecté à l’Ifan en 1987 par le recteur Souleymane Niang. Il sera alors épaulé par des figures de la sociologie comme Abdoulaye Bara Diop et Boubakar Ly.
Momar Coumba Diop est aussi un homme qui a participé aux combats de son temps. Sa discrétion n’a pas permis à l’opinion de savoir qu’il a pris part aux Assises nationales. La rédaction du rapport final lui a même été confiée, avant qu’il ne renonce du fait de relations difficiles avec certains membres influents des assises, raconte Gaye Daffé.
Voilà cet homme qui a été ignoré, méprisé par les médias sénégalais à sa mort. Comment la presse sénégalaise a pu être sourde et aveugle à la disparition de cet éminent intellectuel ? C’est à se demander à quoi bon d’être un intellectuel au pays dit de la téranga.
Si l’annonce de son décès était arrivée à minuit ou une 1 h du matin, on aurait compris, quand bien même ce ne serait pas une excuse. Mais l’annonce a eu lieu en début de soirée, avant 21 h, tout au plus. Il y avait donc largement le temps de faire un papier sur lui. Au pire des cas, annoncer son décès et donner rendez-vous à ses lecteurs pour le lendemain.
Mais non ! La presse a choisi d’ignorer Momar. "Sud Quotidien" et "Le Quotidien" sont les seuls journaux ayant mentionné son décès. Et encore ! "Sud", le journal des intellectuels, a mis un petit appel tout à fait en bas, presque invisible. Idem pour "Le Quotidien". Mais la grosse honte est sans doute le quotidien national "Le Soleil" : pas un mot à la une de ce journal à propos du décès de Momar Coumba Diop. Mais le journal a eu de l’espace pour les résultats des Législatives en France.
Notre quotidien national manque-t-il de journalistes cultivés au point d’ignorer cet intellectuel sénégalais ? La réponse est non ! Nous en connaissons certains qui ont un excellent niveau, de vrais lecteurs qui ont certainement lu et relu Momar Coumba Diop. Pourquoi donc ce mépris ? Le journal n’était-il pas au courant, avec tout ce qu’il a de journalistes présents sur les réseaux sociaux ?
Certains n’hésiteront pas à brandir l’argument du bouclage. Objection ! Si jamais une information importante pour le président ou son Premier ministre était tombée à 22 h, elle serait à la une du journal le lendemain. 
Rappelons que "le Soleil" dispose de sa propre imprimerie ; il n’est ni en bousculade ni sur une liste d’attente pour se faire imprimer. Il peut donc bel et bien reprendre son BAT (bon à tirer) pour le retoucher avant de le retourner à l’imprimerie.
Mais "le Soleil" est simplement à l’image de toute la presse sénégalaise. On s’occupe plus de la politique et des politiciens que des enjeux majeurs comme l’enseignement et la recherche qui font développer un pays. Hélas !
Malheureusement, les autorités de ce pays n’ont pas fait mieux : pas le moindre tweet de la part du président de la République, encore moins un message du Premier ministre ou du ministre de l’Enseignement supérieur. Ainsi va le Sénégal, seuls les politiciens comptent.
 
Auteur: Mbaye Sadikh

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