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Basket sénégalais : Quand l’iniquité sportive étrangle les clubs formateurs ( Par Mouhamed Mahi SY)

Auteur: Mouhamed Mahi SY

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La finale du playoff de basketball entre la Jeanne d’Arc (JA), club historique et formateur, et l’ASC Ville de Dakar, entité institutionnelle soutenue par des fonds publics, illustre une fracture de plus en plus béante dans le sport sénégalais : celle de l’iniquité sportive.
Pendant que le DUC (club universitaire), l’AS Douanes (club de l’administration fiscale) et aujourd’hui l’ASC Ville de Dakar (club de la mairie) dominent le tableau du basketball sénégalais, les clubs formateurs (JA, ASFO, Bopp, Ouakam, etc...) luttent pour leur survie dans un système devenu profondément déséquilibré. Le phénomène n’est pas seulement une question de résultats sur le terrain, mais une crise structurelle qui menace l’écosystème même du sport national.
Des institutions puissantes, des budgets illimités, une concurrence déloyale
Ce que vivent les clubs formateurs aujourd’hui, c’est une forme de colonisation sportive par des structures institutionnelles suralimentées par l’argent du contribuable. Ces clubs-institutions peuvent se permettre de :
Proposer des salaires largement supérieurs à ceux des clubs communautaires.
Recruter chaque saison les meilleurs talents issus des centres de formation.
Louer des supporters pour remplir les gradins, créant une pression artificielle.
Exercer une influence discrète, mais réelle, sur les décisions arbitrales et même fédérales.
Pendant ce temps, la JA et consorts doivent multiplier les appels à la solidarité, organiser des quêtes ou miser sur le bénévolat, pour simplement aligner une équipe compétitive.
Des clubs formateurs sacrifiés sur l’autel du court terme
Ironie amère : ce sont justement ces clubs formateurs qui alimentent en joueurs les équipes dites “puissantes”. Chaque saison, les talents passés par les écoles de la JA, de Bopp ou de l’ASFO rejoignent les rangs de ces mastodontes institutionnels, attirés par la stabilité financière et les promesses contractuelles. Ce système ne récompense plus le travail de formation, mais le pouvoir d’achat.
C’est un modèle court-termiste et destructeur, qui décourage la formation, dévitalise les quartiers et démobilise les jeunes encadreurs bénévoles. Pire, il crée une élite sportive artificielle, déconnectée des réalités locales.
Le mérite et le bénévolat étouffés
La JA, club centenaire, continue d’exister grâce à la passion de ses membres, de ses dirigeants et de ses supporters. Pas de budget faramineux, pas de contrat en or. Mais des valeurs : la formation, l’engagement citoyen, le bénévolat, et la passion du basket.
Face à l’ASC Ville de Dakar, c’etait David contre Goliath. Et si David a perdu, ce n’est pas seulement un match ou un titre qui etait en jeu. C’est une certaine idée du sport sénégalais, celle de l’équité, du mérite et du travail bien fait qui s’effondre un peu plus.
Un appel à la réforme
Il est urgent que la Fédération Sénégalaise de Basketball et les pouvoirs publics :
Instaurent un plafonnement budgétaire ou un système de régulation salariale, pour les clubs financés par l'argent publics comme dans d’autres ligues professionnelles.
Mettent en place des mécanismes de solidarité pour les clubs formateurs (ex : indemnités de formation, primes à la fidélité).
Protègent l’indépendance de l’arbitrage et réforment les modalités de gouvernance des compétitions.
Valorise réellement les clubs communautaires dans les médias, les compétitions et les subventions.
Le sport, reflet d’une société ?
Si nous acceptons que le sport devienne un champ réservé à ceux qui ont le bras long et le chéquier public, alors nous envoyons un message clair aux jeunes : ce n’est pas l’effort ou la passion qui paient, mais la puissance financière et politique.
Pour que le basket sénégalais retrouve son âme, il faut défendre les clubs comme la JA. Non pas par charité, mais par justice. Car sans eux, il n’y aurait tout simplement pas de championnat
Mouhamed Mahi SY
Auteur: Mouhamed Mahi SY

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