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CONTRIBUTIONS - Il serait trop risqué pour le pays de réélire Wade à 83 ou 84 ans

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CONTRIBUTIONS - Il serait trop risqué pour le pays de réélire Wade à 83 ou 84 ans

Le président Wade va solliciter - c’est déjà connu - un second mandat en février 2007. Il a réaffirmé cette volonté au cours d’une rencontre avec l’Association de la presse étrangère au Sénégal (Apes). En cette circonstance, il a notamment déclaré : ‘Les Sénégalais veulent que je me représente, mon parti le veut aussi et je me représenterai.’ Qui sont ces Sénégalais-là ? Combien sont-ils ? S’il a la réponse à ces deux questions, par quel (s) moyen (s) en a-t-il eu le cœur net ? Si c’est grâce à un sondage, quel est ce sondage et quels en sont les résultats ? A supposer même que c’est la majorité du peuple sénégalais et son parti qui le supplient de se représenter, sa réponse doit-elle être automatiquement positive ?

Me Wade se réclame aujourd’hui avec force, et nul ne sait pourquoi, de l’héritage du président Senghor. Rappelons quand même que ce dernier a choisi de quitter volontairement le pouvoir au profit de son dauphin constitutionnel, le Premier ministre d’alors, Abdou Diouf. Quelques semaines avant le 31 décembre 1980, qui marqua son départ définitif et officiel du pouvoir, il avait fait une visite de courtoisie aux principaux chefs religieux et notables du pays, pour les informer de sa sage décision et leur faire en même temps ses adieux. A nombre d’entre eux qui tentaient de le faire revenir sur cette sage décision, sous le prétexte que le Sénégal avait encore besoin de lui, il répondait invariablement, modestement mais fermement (nous citons de mémoire) : ‘Sur le plan de la santé, je ne me porte pas très mal à 74 ans. Cependant, à cet âge, on n’est plus maître de tous ses réflexes. Or, diriger un pays, ce n’est pas rien.’ Et il ajoutait toujours : ‘Nguur, kenn du ko ñedd.’ Autrement dit, il faut éviter de s’accrocher au pouvoir, il faut savoir partir à temps. Et il est parti à temps, par la grande porte, nous laissant une belle leçon dont celui qui se réclame aujourd’hui bizarrement de son héritage ne s’inspirera certainement jamais.

Il ne nous suffit donc pas que Me Wade justifie sa décision de se représenter par une sorte de volonté ‘des’ Sénégalais et de son parti. Les courtisans du prince Wade n’aiment certainement pas que l’on parle de son âge et de sa santé. Ce sont, pour eux, deux questions taboues. Nous refusons de les suivre sur ce terrain. Il s’agit de l’avenir de notre pays. Il convient de le rappeler sans cesse : Me Wade aura officiellement 81 ans (ou presque) en février 2007. En vérité, il en aurait deux ou trois de plus. C’est lui-même qui révélait, dans une émission de la Rts ‘Confidences autour d’un micro’, qu’il est bien né en 1924 à Kébémer et que sa déclaration de naissance s’est faite deux ans plus tard à Saint-Louis. Donc, même si le président Wade avait bien géré l’alternance et mis le pays sur les rails du développement, il me semble risqué, très risqué pour le pays et ses jeunes générations de le réélire à 83 ou à 84 ans. La position idéale pour un homme ou une femme de cet âge-là, c’est incontestablement la retraite.

Je suis d’autant plus rivé dans cette conviction que Me Wade nous habitue de plus en plus à des déclarations ahurissantes. Je passe sous silence sa certitude qu’il n’y a aucun Sénégalais, aucune Sénégalaise capable de le remplacer, son choix de ne pas ‘donner’ la télévision à des gens qui l’insultent, comme si ce medium important était sa propriété exclusive. Il convient peut-être de rappeler tout juste ses toutes récentes déclarations relatives aux délestages que nous connaissons depuis quelques jours. On l’a entendu dire sans sourcillier et sans état d’âme, qu’il n’est pas choqué de nous voir nous éclairer à la bougie, qu’il n’est pas au courant des délestages et que, dans tous les cas, il ne les sent pas au palais de la République qui a toujours de l’électricité (sic). Des deux choses l’une : ou il n’est pas réellement au courant des délestages, ou il fait une plaisanterie de mauvais goût. Des deux côtés en tout cas, le mal est infini pour le peuple sénégalais. Il est surtout inacceptable de tenter d’expliquer cette surprenante déclaration, comme s’y est essayé un très sérieux et très compétent journaliste dans une émission d’une radio privée, par une certaine habileté en communication. C’est peut-être la même habileté qui expliquerait cette autre déclaration tout aussi surprenante de Me Wade, ‘que tout Dakar et le reste du pays sont éclairés comme en plein jour, comme Paris ou comme au palais’. Encore le palais ! Quand même !

Nous sommes également perplexes et n'y comprenons plus rien, vraiment rien, quand il révèle que, dans l’opposition, il lui arrivait, avec quelques autres composantes de l’opposition, de bloquer le système éducatif et le système de transport. Quelles leçons ce président peut-il donner à quelque opposition que ce soit ? Devrait-on s’étonner aujourd’hui des graves dérives et scandales générés par la ‘politique’ hasardeuse mise en œuvre par ce singulier opposant devenu président de la République ?

Nous sommes inquiets, très inquiets, devant la lugubre perspective de la réélection de cet homme-là en 2007. Le très gros risque que nous courons, c’est de nous retrouver avec un chef d’Etat vieillissant, ne contrôlant presque rien, otage d’une armée d’hommes et de femmes sans scrupules, préoccupés seulement par les situations de rente qu’ils se sont créées, grâce à leur proximité avec ce distributeur particulièrement généreux d’argent et d’’honneurs’. Le ministre Assane Diagne a osé révéler que ‘pour récupérer les terrains inondables de Saint-Louis, le président de la République pense importer du sable de la Mauritanie pour rendre les terrains habitables’. ‘Il est possible, poursuit le distingué ministre, de faire un oléoduc non pas pour importer du pétrole, mais pour aspirer le sable du désert mauritanien’. Le président l’a instruit - le mot fétiche des ministres de Wade - de réfléchir sur ce ‘mécanisme d’importation’ qui réglerait doublement le problème de la Mauritanie qui ‘n’a que faire de ce désert’ et celui du Sénégal. Et notre ministre transhumant de trouver cette idée du président Wade ‘géniale’, puis de la comparer ‘à l’idée de la récupération et de l’utilisation du désert jusqu’à la création de la haute autorité du désert car, pour le président, il n’y a pas de problème sans solution (…)’.

Un oléduc qui va pomper du sable à des centaines et des centaines de kilomètres de Saint-Louis, en plein désert mauritanien ! C’est Assane Diagne, brillant ingénieur, qui qualifie cette idée singulière de géniale ! Alors, qui peut nous reprocher d’avoir de sérieuses craintes qu’un chef d’Etat de 83 ou de 84 ans soit laissé entre les mains d’hommes et de femmes de l’acabit de M. Diagne ?

Rappelons quand même que le président Habib Bourguiba de Tunisie a été destitué en 1987, à l’âge de ‘seulement’ 84 ans. Pour incapacité physique, intellectuelle et psychique. Quelques années auparavant, il criait déjà sur ses ministres et proches collaborateurs, leur donnait même parfois des coups de canne, etc. Il était devenu carrément gâteux. Allons-nous courir le risque d’en arriver là ? Je passe évidemment sous silence la santé de notre président bien aimé et toutes les spéculations auxquelles elle donne lieu. Son directeur de cabinet a voulu nous rassurer en décrétant - à quel titre ? - qu’il se porte comme un charme. Soit. Pourquoi ne pas rendre simplement public un bulletin de santé, un vrai, qui nous en donne le cœur net ? Personnellement, je ne me prononce pas de façon formelle sur cet état de santé tabou, n’en ayant pas les moyens. Le profane que je suis, se pose cependant des questions, beaucoup de questions devant le sentiment de flux et de reflux qui l’habite, chaque fois qu’il regarde assez longuement un certain visage. a‘Diriger un pays, ce nÕest pas rien’, disait donc sagement le vieux Léo. Nous prenons à notre compte cette célèbre assertion. C’est pourquoi, nous ne pouvons pas ne pas nous poser certaines questions, même si celles-ci dérangent sérieusement nos ‘amis’ de l’autre côté de la barrière. Nous ne sommes certainement pas animés par les mêmes préoccupations.

Mody NIANG

[email protected]

Nouvel Horizon n° 496 du 11 au 17 novembre 2005, p. 8. Wal Fadjri du mercredi 26 juillet 2006, p. 7.

 



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