Souvent considérée comme le baromètre de l’intégration dans les échanges internationaux, la balance commerciale du Sénégal demeure durablement déficitaire. Pourtant, derrière cette apparente inertie se profilent des mutations sectorielles notables et des dynamiques de rééquilibrage, soutenues par une diversification amorcée des exportations et une stratégie industrielle en phase de structuration.
D’après les dernières données de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), le déficit commercial du pays s’est établi à 3 983,9 milliards de FCFA en 2023, contre 4 209 milliards un an plus tôt. Ce léger répit s’explique par un repli des importations (-4,5 %) conjugué paradoxalement à une contraction des exportations (-9,5 %), reflet d’une conjoncture mondiale encore instable. En 2024, les tendances demeurent fragiles : à fin juin, les exportations ont atteint 1 651,5 milliards de FCFA, en recul de 6,5 % sur un an, tandis que les importations ont enregistré une hausse modérée de 0,6 %, pour s’établir à 3 399,2 milliards de FCFA.
Parmi les produits phares de l’offre extérieure sénégalaise figurent le pétrole brut, les ressources halieutiques, l’or non monétaire, les engrais et les produits agricoles comme l’arachide. Toutefois, les exportations d’or, qui représentent une part substantielle des recettes extérieures, ont baissé de 8,6 % en 2023. En avril 2025, les exportations ont tout de même rebondi pour atteindre 469,9 milliards de FCFA, en hausse de 14,2 % par rapport à mars, tandis que les importations ont également progressé de 15 %, culminant à 619,8 milliards de FCFA.
Le dynamisme du secteur extractif, notamment aurifère et bientôt gazier, pourrait à moyen terme renforcer le solde extérieur. L’entrée en production des champs offshore Grand Tortue Ahmeyim (GTA) et Sangomar, est perçue comme un tournant majeur susceptible de modifier substantiellement la configuration des comptes extérieurs, bien que certaines frictions sont à notifier, en matière de fiscalité notamment.
De surcroît, ces perspectives doivent être abordées avec circonspection. La structure des exportations reste peu diversifiée, dominée par des matières premières à faible niveau de transformation. Cette dépendance aux produits bruts accentue la vulnérabilité du pays face à la volatilité des cours mondiaux. Les initiatives de transformation locale, bien que mises en avant dans la stratégie industrielle nationale à travers notamment les agropoles intégrées et les mesures de relance du tissu productif, peinent encore à se traduire par un changement d’échelle.
La mise en œuvre du Programme d’industrialisation accélérée (PIA) et le développement de pôles économiques territorialisés visent à corriger ces déséquilibres en favorisant l’émergence de filières à forte valeur ajoutée. Dans cette logique, la Zone économique spéciale de Diamniadio et les zones franches régionales se veulent des catalyseurs pour une production orientée vers les marchés extérieurs. Néanmoins, leur efficacité reste conditionnée par la montée en compétence du capital humain, le renforcement des chaînes d’approvisionnement locales et l’amélioration des standards de production.
Les contraintes logistiques, les lenteurs douanières et l’état encore perfectible des infrastructures de transport continuent de grever la compétitivité des produits sénégalais. À cela s’ajoute l’effet défavorable d’un franc CFA relativement fort face aux devises de certains partenaires africains, ce qui alourdit le coût relatif des exportations sénégalaises sur les marchés régionaux.
À défaut d’un rééquilibrage rapide, le Sénégal s’engage dans une trajectoire de correction progressive, où la transformation structurelle de son appareil productif, l’essor du contenu local et une diplomatie économique active pourraient, à terme, renforcer la soutenabilité de ses échanges extérieurs.
Commentaires (0)
Participer à la Discussion