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Jimi MBAYE : ' La musique sénégalaise a besoin d'être auditée'

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Jimi MBAYE : ' La musique sénégalaise a besoin d'être auditée'

A keur Dogo, sis à la cité Nord Foire, le guitariste vedette du Super Etoile a ouvert un ‘laboratoire personnel’ où il passe des ‘nuits blanches’, muni d’instruments concrets et virtuels. Ainsi, ‘pour faire de très bons mixtes, c’est vraiment le top’, rassure Jimi Mbaye dans sa présentation du Studio Dogo. Dans cet univers, le langage se décode en nombre de pistes, soutenues par un dispositif musical ‘puissant, très performant et d’une qualité sonore extraordinaire’. Aujourd’hui, le logiciel Best frequency dramming aidant, Jimi Mbaye se ballade tout en sonorités dans un milieu du show-biz, révolutionné par la Musique assistée par ordinateur. Avec un souci : assurer le feeling humain de l’instrumentiste.

Regards sur la musique

La musique sénégalaise est, je ne dis même pas dans un tourbillon, mais à terre. La musique sénégalaise est en train de mourir de sa belle mort à cause du foisonnement tous azimuts d’artistes et d’arrangeurs. Toute la musique sénégalaise se ressemble. Par exemple, si vous prenez un morceau d’un chanteur, vous enlevez sa voix pour y poser la voix d’un autre chanteur, vous avez le même produit. Parce que c’est tout le temps la même musique qui tourne. Les recherches ne sont pas aussi poussées que cela. Nombre d’acteurs du show-biz estiment qu’il faut faire beaucoup de sabar, du Marimba, pour accrocher les mélomanes. Mais ce n’est pas forcément évident. On peut faire une très bonne musique sans pour autant verser dans le sabar, le Marimba. Par exemple, ceux qui font de la musique acoustique, sont en train de damer le pion à ceux qui font la musique big-bang. On dit que la piraterie est en train de nous tuer, c’est vrai. Mais les musiciens sont en train de s’enterrer eux-mêmes. Parce qu’ils ne travaillent plus assez. Et ça compose n’importe comment ; ça arrange n’importe comment et personne n’ose en parler.

Absence de critiques

Je n’ai pas le droit de dire à Youssou : ‘Youssou, ton morceau là n’est pas bon’. Je n’ai pas le droit de dire à Ismaël Lô qu’il aurait pu mieux faire tel morceau. Parce que je trouve que le titre, proposé au public, est trop terre-à-terre. Je ne peux pas le dire à Thione Seck. Et Thione, lui-même, ne peut pas le dire d’un autre, au risque d’être traité de méchant. Il y a certains artistes, dont je vais taire le nom qui, à chaque fois qu’ils sortaient un album, m’envoyaient un exemplaire pour que je fasse des critiques. Je trouve cela bien. Mais est-ce que tous les artistes l’accepteront ?

Responsabilité des animateurs

Le problème de la musique sénégalaise, c’est aussi les radios. Les animateurs veulent faire la promotion d’une mauvaise musique. Et cela ne rend pas service à la musique sénégalaise. Parce que si vous leur donnez un Cd de douze titres, ils disent que pour plaire aux auditeurs, il faut qu’ils passent les morceaux que les gens connaissent. Et les morceaux que connaissent les gens sont ceux qui passent tout le temps à la télévision. Or l’animateur est là pour faire découvrir au public une musique, il n’est pas là pour subir les pressions du public. Ce qui se passe, c’est au lieu que l’animateur soit le gars qui fait la promotion de la musique, c’est la musique qui fait la promotion de l’animateur. Même si les animateurs n’acceptent pas ce que je dis là, c’est la vérité. Pourtant, c’est eux qui doivent aider la musique. Ils pensent qu’à chaque fois que vous sortez une cassette, ils doivent en avoir chacun un exemplaire. Par exemple, vous faites parvenir cinq Cd à une radio, et quelques jours plus tard, vous rencontrez un animateur qui vous dit : ‘Ah non ! je n’ai pas reçu de Cd. C’est telle et telle personnes qui en ont reçu’. Or nous autres, nous ne donnons pas de Cd aux animateurs. Nous donnons des Cd à la radio. Ces Cd doivent être mis dans la base de données de la radio. Et ainsi, chacun pourra y accéder gratuitement. Les animateurs ne doivent pas personnaliser ces éléments destinés aux radios. Malheureusement, vous verrez chez les animateurs des tonnes de Cd. Et ils ne les utilisent même pas. La musique sénégalaise a besoin d’un audit. Il faut qu’on fasse les états généraux de la musique sénégalaise. C’est très difficile de le dire. Mais il faudra que l’on commence à dire : ‘Monsieur, je suis très désolé, mais on ne peut pas sortir votre cassette. Parce que vous n’êtes pas artiste. Vous n’êtes pas chanteur’.

Soutien aux jeunes talents

D’abord, Jimi demande à être soutenu, c’est vous dire qu’il essaye de soutenir les gens avec ses faibles moyens. Mais si nous n’avons pas de sponsors, nous ne pourrons pas aider les autres. Et celui que je peux aider, c’est celui en qui je décèle un petit talent. Je me dis que si je l’aide, il peut avancer. Ainsi j’essaye de l’aider dans la limite de mes moyens.

Avenir des artistes encadrés

Ils ont tous un avenir prometteur. Un gars comme Pape Diouf, on ne le présente plus. Quand il a quitté le Lemzo, il était un peu désorienté. Parce qu’il n’avait personne pour le soutenir. Bakane Seck, qui est mon cousin, me l’a présenté et je l’ai soutenu. Son père est même venu chez moi. Et Pape Diouf le dit partout. Il y en a d’autres aussi. Mais cela ne vaut pas la peine de les citer. Je rends grâce à Dieu. L’essentiel, c’est de voir que les gars que vous soutenez, excellent. J’ai fait aussi deux cassettes avec Assane Mboup Thiant Gui et Coco Bané. Ce qui m’a aussi marqué, c’est la production Samba Alaar que j’avais faite avec Adama Seck ‘Secka’ du Super Royal Band. Parce que tout le monde disait que ‘Secka’ était dépassé ; qu’il était vieux... Il commençait même à lâcher du lest. Mais quand nous avons discuté et commencé la cassette, j’ai vu que cela lui avait donné plein de tonus. Je sais qu’il a récemment fêté l’anniversaire de son groupe, mais je n’étais pas au Sénégal lors de cet événement.

Formation musicale de Jimi

Je suis en train de (re)former mon groupe pour (re)commencer à jouer. Le groupe n’avait pas éclaté, mais je l’avais presque abandonné pour diverses raisons. Je suis en train de discuter avec les musiciens pour commencer déjà les séances d’écoute. Parce que beaucoup de personnes me ‘harcèlent’ pour que je fasse des sorties dans les clubs. C’est vrai que je dois le faire. Parce qu’il ne suffit pas d’être tout le temps dans le studio en train de travailler pour faire des productions. Il faut aussi évoluer en Live. J’en suis conscient.

Studio Dogo

Dans ce studio, je travaille plus avec les autres artistes comme maintenant ils veulent tous être dans le milieu. Mais, j’ai un studio pour mes affaires personnelles. La table de mixage a 56 entrées et 72 pistes. Quant au coût du matériel, je préfère ne pas me prononcer là-dessus. Je ne fais pas simplement des lignes de guitare, je compose la musique. Et il y a des artistes qui sont intéressés. D’autres, par contre, viennent avec leurs propres musiciens pour enregistrer. Et cet espace baptisé studio Dogo est le grand studio. (…) Ce genre de studio est assez rare dans le milieu du show-biz. Il y a un Maure qui l’a acheté ces derniers temps en Mauritanie, mais il ne peut pas le faire marcher. Parce que c’est de la haute technologie. Ils m’ont appelé plusieurs fois, mais ils ne sont jamais venus. A un moment, ils ont voulu que j’aille leur assurer un stage. Mais je ne pouvais pas le faire du fait du calendrier des tournées du Super Etoile (...).

Musique assistée par ordinateur

Certains acteurs estiment qu’avec la musique assistée par ordinateur, les gens versent dans la facilité. Ils sont traités de paresseux. Parce qu’ils ne prennent pas le temps d’apprendre. Ils se contentent juste de quelques notions au lieu d’aller au fond des choses. Aujourd’hui, je peux dire à un batteur de venir jouer pour moi. Mais d’un autre côté, la machine me donne la possibilité de choisir la partie qui me convient. Et à la fin, si vous écoutez le titre, vous pouvez penser que c’est le batteur qui a tout joué ; alors que je n’ai choisi qu’une partie. Ce sont les opportunités des Ntic qui permettent d’avoir le son de nombre d’instruments, par le biais de la programmation. Et vous vous en rendez compte avec vos ordinateurs dans vos rédactions. (…) En outre, quand il s’agira de faire jouer un claviste, je peux appeler un bon claviste comme Papis Konaté ou Tapha Faye pour jouer les Marimba. Je fais juste les basses et la guitare. En plus d’appeler les percussionnistes. On a maintenant des sons de Djembé dans les machines. Les gars ne laissent rien au hasard. Quand ils voient Youssou Ndour jouer avec quatre sabar, ils essayent de connaître l’utilité de ces instruments et ils vont les écouter pour en savoir plus. Les Blancs ont commercé à faire des sabar à clé. Ils fabriquent même le tama, mais ce ne sera jamais comme le tama traditionnel avec la peau de mbëutt. Parce qu’ils les fabriquent avec des peaux synthétiques qui ne peuvent pas sortir ces couleurs musicales. Aujourd’hui, la machine a tous les instruments, mais si vous suivez la facilité, vous vous perdrez. Pour un vrai travail de producteur, il faut savoir moderniser les choses pour apporter la touche humaine.

Piano-bars sans musicien

En Europe, vous verrez des pianos-bars qui jouent sans musicien. C’est parce qu’on a mis une carte qui fait que les touches s’activent et jouent des morceaux terribles. Le piano est programmé pour jouer. Maintenant à l’hôtel, les gars n’ont pas besoin de pianistes. Ce qui mettra au chômage beaucoup de musiciens. Je trouve que c’est assez malhonnête. C’est très malhonnête même. Et puis ce n’est pas bien. Parce qu’il n’y a aucun génie dans tout cela. Le véritable génie, c’est de faire accepter à la machine ses créations. Et la création, c’est quelque chose de tellement personnel qu’on ne peut pas la prostituer. C’est comme dans un avion avec un pilote qui traverse une zone de turbulences et qui met en pilotage automatique. Ainsi, l’avion se contrôle tout seul. Et à la fin du vol, l’on dit que ce pilote est très brave ; alors que c’est l’ordinateur de l’avion qui a sauvé les vies.

Influence musicale

Je ne puise pas dans ces machines. Parce que quand vous puisez, vous faites du plagiat. Ce serait mauvais d’être influencé par une autre musique. Je trouve que c’est du vol caractérisé. Parce que quand vous êtes influencé par la musique d’autrui, il faudra dire que j’ai été influencé par d’autres musiques. Il faut être honnête et le dire. Parce qu’il n’y a pas eu de création. Quand je compose une musique, j’écoute l’artiste. Je fais une analyse harmonique de ce qu’il chante, pour sortir les accords de base de sa mélodie. Et fort de cela, je fais une analyse rythmique pour connaître le style par rapport à l’orientation musicale que je veux donner à la chanson. Il y a beaucoup de musiciens qui ne font que du plagiat et se disent grands compositeurs. Pour ma part, je suis un musicien du monde. J’apprends à jouer tout ce qui est musique. Je ne vais pas dire que je suis mbalaxman ou jazzman. Parce que si vous êtes jazzman, vous ne jouez pas du Mbalax. Le jazzman ne réfléchit que sur le jazz. Il le prend pour une religion. C’est pareil pour un mbalaxman. Donc je suis musicien tout court. Et je suis prêt à apprendre tous les genres musicaux. Parce que la musique est universelle. J’écoute toutes les musiques.

Du toukhoussou ngalam à la guitare

Pour avoir ma première guitare, il a fallu que j’aille dans les stations pour voler des bouteilles d’essence. J’achetais aussi du bois et du fil pour faire un genre de toukhoussou ngalam (rires). C’est après qu’un de mes grands frères m’a offert une guitare. J’aimais tellement cette guitare que je l’amenais tout le temps à l’école. C’est pourquoi on me renvoyait souvent de la classe. C’est donc comme ça que j’ai commencé à faire de la musique. Mais j’ai toujours été impressionné par mes frères El Hadj, Mansour et Tidiane qui sont tous des musiciens. Ils avaient leur propre groupe avec Médoune Diallo. Quand je les voyais répéter, j’étais impressionné. Ils écoutaient Jimi Hendrix. Et ils discutaient beaucoup... Peut-être qu’une partie de mon influence musicale mais également le surnom de Jimi sont venus de ce vécu.

Propos recueillis par Yacine CISSE, Abdou Rahmane MBENGUE & Mbagnick NGOM



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