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Youssou N'Dour: "Je partage les mêmes valeurs que Bob Marley

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Youssou N'Dour: "Je partage les mêmes valeurs que Bob Marley

Le chanteur sénagalais sort Dakar-Kingston, un magnifique album enregistré en Jamaïque avec les musiciens de Bob Marley. Avant de partir sur les routes du monde (il est ce mardi 23 mars à l'Olympia), Youssou N'Dour a présenté son disque au Festival Mer et désert, à Dakhla, au Maroc. Reportage.

Les yeux de Youssou N'Dour sont rivés sur l'immense étendue de sable qui se brise sur l'océan Atlantique. L'aube se lève sur le Sahara. C'est à Dakhla, minuscule ville marocaine aux confins de la Mauritanie, que « Youssou » a choisi de donner son premier concert de la tournée Dakar-Kingston. A l'aéroport, Gazelle, son agente, tente de gérer les impondérables : les valises n'arrivent pas sur un tapis, elles sont lancées par une fenêtre. « My guitar ! » implore un musicien jamaïquain à dreadlocks, en regardant son instrument virevolter dans l'air et atterrir dans les bras de Youssou.

Sous le soleil du tropique du Cancer, une foule de Sahraouis attend le « Prince de la médina ». Tambours, flûtes, chants et thé à la menthe offert sous une tente géante. Youssou N'Dour, lunettes noires et tee-shirt à l'effigie de Barack Obama, remercie en hassanya, la langue locale. En le voyant se balader dans les ruelles, coiffé de son bob, discuter avec les habitants, on comprend qu'il n'est pas venu défendre un album, mais une cause : sauver l'Afrique de la pauvreté, de la corruption, de l'intégrisme.

« Ne sont-elles pas magnifiques ? » s'exclame-t-il devant un groupe de Sahraouies chantant des poèmes sur la scène où il se produira deux soirs plus tard. « Dans les communautés sahraouies, la place des femmes est protégée par des traditions séculaires. Elles peuvent sortir seules, fumer une cigarette, personne n'osera les importuner », poursuit le chanteur, musulman soufi de la confrérie mouride. Pourtant, dans le public, on aperçoit de nombreuses silhouettes féminines entièrement voilées. ­Depuis que le Maroc a annexé cette ancienne colonie espagnole, en 1975, les traditions cohabitent. Elles vont fusionner le soir du concert.

Devant 30 000 personnes, Youssou N'Dour, vêtu d'une chemise africaine, tient le gouvernail de l'immense navire humain. Au cri de Africa Unite ! ses 18 musiciens, choristes et danseurs prennent feu sur des rythmes reggae et mbalax (musique du Sénégal). Youssou chante en anglais, en ­wolof et en français. Sa voix s'élève comme une prière. Le public le regarde, silencieux, intimidé. Puis, surBlack Woman, les femmes du premier rang commencent à onduler comme une gigantesque vague. Pendant tout le concert, Youssou N'Dour va partager avec les spectateurs les souvenirs de son voyage en Jamaïque, à travers les morceaux de ce nouvel ­album, Dakar-Kingston, ­enregistré avec des musiciens de Bob Marley. A Dakhla, au fil de trois jours, il s'est confié à L'Express.

Qu'est-ce qui vous lie à Bob Marley ?

J'ai découvert le reggae dans les rues de Dakar, au début des années 1970. Par les fenêtres des maisons, on entendait à la radio les voix de Jimmy Cliff et de Bob Marley. Je définis le ­reggae comme « la musique à la force tranquille ». Je partage les mêmes valeurs que Marley : la terre, le travail, la défense des droits de l'homme. Quoique mouride, je me sens proche de la philosophie rastafari. Il ne faut pas tout mélanger, mais il est vrai qu'au ­Sénégal j'ai grandi en voyant des hommes africains, les Baye Fall, en habits aux couleurs rastas et portant des dreadlocks.

Sur Dakar-Kingston, vous chantez aussi des mélodies en wolof et des ballades rap-reggae-gospel...

Mon séjour en Jamaïque m'a permis de consolider les liens qui existent entre ces genres musicaux. J'ai enregistré cet album à Kingston, avec des musiciens locaux comme le claviériste Tyron Downie, un ancien des Wailers. En parlant avec eux, j'ai découvert que Marley chantait le gospel dans une église baptiste, mais aussi que les musiciens reggae utilisent des percussions d'origine africaine, les burrus. Quant au rap, il puise ses sources dans cette île où sont nés le sound system et la pratique du scratch. Mais le rap vient aussi d'Afrique. Enfant, j'adorais assister aux cérémonies « labane » : le lendemain de la nuit nuptiale, la mariée raconte des histoires très sexy en rappant. De la même façon qu'il n'existe pas de race pure, il n'existe pas de musique pure.

On vous a proposé de ­présenter votre album en ­Europe et aux Etats-Unis, mais vous avez choisi un festival en Afrique. Pourquoi ?

Je veux être sur le sol de mes ancêtres. Je n'ai jamais considéré qu'habiter au Sénégal soit un obstacle à la conquête du monde. Je ne peux pas rester à l'étranger plus de deux mois. Ma maison est à Dakar. J'y ai une salle de concert, le Thiossane, où je me produis une fois par semaine, un studio d'enregistrement et un label qui me permettent de produire des artistes africains. J'ai créé une fondation pour l'accès à l'éducation, la lutte contre le paludisme et le sida, ainsi que ­Birima, une société de microcrédit qui aide les Africains à ouvrir leurs entreprises.

Dans le film I Bring What I Love, d'Elizabeth Chai ­Vasarhelyi, qui dresse votre portrait (en salles le 14 avril), on réalise à quel point Egypt, votre album dédié à une vision tolérante de l'islam, a fait scandale.

Un jour, en 1999, quelqu'un m'a demandé : « Pourquoi ne chantez-vous pas pendant le ramadan ? » En y réfléchissant, il est vrai que je n'ai pas trouvé de raisons valables. Oum Kalsoum, elle, avait déjà osé chanter le Coran. Ce qui lui coûta très cher. C'est en pensant à elle qu'en 2000 je suis parti enregistrer Egypt au Caire, avec un orchestre traditionnel de musiciens locaux. Dès que la presse a appris mon projet, la polémique s'est déclenchée. Les quotidiens africains titraient : « Youssou N'Dour franchit les limites ! », « Blasphème ! ». Il m'a fallu cinq ans pour sortir cet album. Les ­magasins de disques refusaient de le ­vendre. Je suis parti en tournée : à l'étranger, Egypt fut un triomphe. En 2005, l'album a été récompensé d'un Grammy Award. Et là, pour les Sénégalais, c'était comme si j'avais gagné une médaille olympique. Enfin, ils aimaient mon disque : j'ai vécu ce moment comme une délivrance et non comme une revanche.


Si, surtout quand un homme, que l'on avait pris pour moi, a été poignardé, à Dakar. J'étais désespéré. Je n'ai pas tout arrêté parce que ma famille m'a soutenu. Ma mère et ma grand-mère, griottes, m'ont toujours dit que ma mission était de retransmettre l'Histoire, mais que le passé ne doit pas nous empêcher d'avancer.



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