Plus de 240 morts en un mois de crise postélectorale. Autant de personnes portées disparues. Et trois fois plus de blessés. La comptabilité macabre dressée chaque semaine par l’Organisation des Nations Unies en Côte d’Ivoire (Onuci) fait froid dans le dos. Les témoignages sur les supplices que subissent les victimes aussi.
Charles, 24 ans, est étudiant en criminologie à l’université de Cocody. Aujourd’hui, il vit dans la clandestinité dans un bidonville de Cocody où il a trouvé refuge chez un ami d’enfance. Membre de le section universitaire de la Jeunesse du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), il était chargé avec les autres membres du bureau d’organiser une tournée dans les cités universitaires, en vue de la campagne de leur candidat, Henri Konan Bédié, au premier tour de l’élection présidentielle. Ladite tournée a débuté dans sa cité, celle des 220 Logements à Adjamé. La rencontre s’est achevée dans la débandade. Des responsables locaux de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci) supporters farouches du candidat Laurent Gbagbo, ont violemment dispersé le rassemblement. Les malheurs de Charles commencent ce jour-là.
Vidé de la cité universitaire
"Quand je suis rentré dans ma chambre en cité, mes affaires étaient éparpillés sur le lit. Mon voisin de chambre avait fui avec ses affaires et mes appareils électroménagers avaient été volés. Quelques instants après, le secrétaire de section de la Fesci, que je considérais pourtant comme un ami, est arrivé dans ma chambre, accompagné d’une dizaine de fescistes armés de gourdins et de machettes, et m’a intimé l’ordre de vider les lieux dans l’heure qui suivait", relate Charles.
Quand la Fesci ordonne, on s’exécute. Ce mouvement estudiantin qui jouit d’une totale impunité, a à son compteur, plusieurs crimes et délits allant de l’assassinat au meurtre en passant par le viol, le trafic de drogue et le racket, selon un rapport de Human Right Watch.
"Je me suis retrouvé, à Cocody, à la maison du parti (PDCI, NDLR) qui servait de quartier général à notre candidat. D’autres étudiants y étaient avant moi. Au second tour, quand le siège du parti est devenu le QG du RHDP (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix, qui a investi Alassane Ouattara comme son candidat au second tour, NDLR) des familles entières sont arrivées là, chassées de leurs quartiers par des militants de La majorité présidentielle (LMP, mouvement politique qui a porté la candidature de Laurent Gbagbo, NDLR) ou menacées de mort par des hommes en armes et en treillis, proches de Laurent Gbagbo", témoigne Charles.
" Ils tiraient partout"
Il se souvient de la descente de la Fesci, courant décembre, au siège du PDCI, devenu dortoir pour environ 200 personnes, à en croire le Général Gaston Ouassénan Koné, le président des élus de ce parti. "Cette attaque surprise a fait près de 40 blessés parmi nous, rapporte Charles. Mais ce n’était rien face à la descente des policiers et des gendarmes à l’aube du mardi 4 janvier. C’était effroyable. Ils tiraient partout. Ils lançaient des grenades et des bombes lacrymogènes. Ils disaient qu’ils cherchaient des armes qu’on aurait cachées, mais ils n’ont trouvé aucune arme. Cependant, ils ont tué Crimo (de son vrai nom, Sidibé Karim, chef des personnes qui ont retrouvé refuge au siège du PDCI, NDLR). Ils ont arrêté tous ceux qui n’ont pas pu s’échapper, dont moi et des blessés".
Direction : préfecture de police, située en plein cœur du Plateau, la commune administrative d’Abidjan. " Les policiers nous ont alignés au soleil, affirme Charles, puis ont commencé à nous torturer en nous traitant de rebelles. Chacun d’entre nous devait s’agenouiller dans le gravier et marcher sur les genoux sur plus de 20 m. Ils nous obligeaient à faire des pompes et à nager sur la terre ferme, en chronométrant. Ils frappaient tous ceux qu’ils trouvaient lents à la nage sur la terre ferme".
Le supplice de Charles a commencé à prendre fin, au moment du contrôle des identités : "Quand l’un des policiers qui contrôlait les identités est arrivé à mon niveau, il a sursauté quand il a vu mon nom sur ma carte d’identité. Il m’a demandé : "Tu es Gagou ? ". Je lui ai répondu : "Oui chef". Il a rétorqué, cette fois-ci dans mon dialecte : "Qu’est-ce que tu faisais au siège du PDCI ?". Je lui ai dit en affichant un visage encore plus pathétique, en gagou, que je n’avais nulle part où aller, après que j’eus été vidé de la cité universitaire. Il m’a dit de me mettre à côté, puis a continué son travail. Quelques minutes après, au moment où des élèves policiers nous conduisaient dans une cellule au sous-sol, il est venu vers moi et m’a tiré du groupe. Il m’a conduit dans une autre cellule où étaient des personnes placées en garde à vue et soupçonnées de vols ou de consommation de drogue, etc.".
Charles s’arrête un instant, remue la tête et essuie une larme puis laisse tomber : "J’ai compris ce jour-là qu’un voleur valait mieux que moi, qui n’avais commis aucun crime ni délit et dont le seul tort était d’être un militant politique".
Portés disparus
"Dans la soirée, mon compatriote policier est arrivé dans la cellule, muni d’une clé. Il a lu une liste de noms. Les personnes concernées sortaient de la cellule, sans rien dire. A la fin de son appel, il me regarda et lança : "Toi, tu viens avec nous". Dans l’allée, il m’a remis ma carte nationale d’identité, et m’a appris que j’étais libre. Mais il me fit une sévère mise en garde : "Petit, ta place n’est pas là bas. Je t’ai sorti de là parce que je suis gagou comme toi. Mais si on te reprend, je ne serai pas là pour te sauver". Je lui ai dit merci et lui ai demandé : "Et les autres camarades ?". Il me jeta un regard méchant avant de lâcher : "Si tu veux retourner en cellule, tu me le fais savoir". Je ne plaçais plus un mot jusqu’à ce que je sorte de la préfecture".
Charles dit ignorer ce que sont devenus ses autres camarades arrêtés en même temps que lui : "Nous étions plus de 60. Ont-ils été libérés ? Ont-ils été tués ? Je n’en sais rien, mais chaque fois que j’apprends qu’on a découvert un charnier créé par les forces fidèles à Laurent Gbagbo, je me dis que mes camarades peuvent bien être parmi ces corps anonymes".
16 Commentaires
Tic_tac
En Janvier, 2011 (12:02 PM)Door
En Janvier, 2011 (12:08 PM)Cykary
En Janvier, 2011 (12:09 PM)Black
En Janvier, 2011 (12:19 PM)Helene
En Janvier, 2011 (12:25 PM)Issoufou
En Janvier, 2011 (12:30 PM)Tic__tac
En Janvier, 2011 (12:33 PM)L’ultimatum de Sarkozy : « Laurent Gbagbo et son épouse ont leurs destins entre leurs mains, si avant la fin de la semaine ils n’ont pas quitté heu…le poste qu’ils occupent ,le poste qu’il occupe Laurent Gbagbo en violation de la volonté du peuple ivoirien ,ils seront nommément sur la liste des sanctions »
Soukoi
En Janvier, 2011 (13:17 PM)Khogn
En Janvier, 2011 (13:32 PM)Port D’abidjan
En Janvier, 2011 (14:34 PM)DES ARMES LOURDES DECOUVERTS AU PORT D’ABIDJAN
2 hélicoptères, des Douze 7 et des A 52 saisis, hier
Merci L'angola
En Janvier, 2011 (14:38 PM)Waji
En Janvier, 2011 (16:15 PM)Benno
En Janvier, 2011 (17:03 PM)Qs
En Janvier, 2011 (22:59 PM)Adjoua
En Janvier, 2011 (21:41 PM)Niasse Malick
En Janvier, 2011 (16:13 PM)Participer à la Discussion