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Quinze ans après avoir confié sa fille à un inconnu dans un aéroport, elle peut enfin le remercier

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Maya, recit d'une fillette sauvée en Sierra Leone

Zainab voulait renvoyer sa fille de cinq ans aux Etats-Unis où sa grand-mère l'attendait dans l'inquiétude la plus totale. Pour diverses raisons, la mère était dans l'incapacité de reprendre l'avion avec elle vers le Maryland où elle avait elle-même grandi dès ses onze ans, lorsqu'elle avait pu fuir la guerre civile au Sierra Leone, son pays natal. Après avoir étudié, s'être mariée et avoir eu un bébé dans cet Etat du Nord-Est américain, Zainab Sesay avait voulu emmener la petite Maya Hughes avec elle en Sierra Leone pour un voyage inspirant sur la terre de ses ancêtres. 

Elle pensait que ce serait une bonne expérience pour sa fille de découvrir sa culture maternelle. A cette fin, elle avait booké deux tickets pour un séjour de six mois dans ce pays d'Afrique de l'ouest. Cela devait être de longues vacances inoubliables.

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Maya n'a gardé que quelques souvenirs précis de ce voyage, dont les innombrables membres de la famille, les vêtements que l'on lavait dehors, les générateurs d'électricité pour avoir un peu de lumière la nuit et le sac de terre qui servait de ballon de football aux cousins et cousines. Le bonheur pour une enfant de cinq ans. Mais si ce devait être l'expérience d'une vie, la situation a rapidement tourné au vinaigre entre Zainab et sa famille, en même temps que le pays plongeait à nouveau dans le chaos.

La mère et la fille ne souhaitent toujours pas relater publiquement tous les détails qui les ont poussées à quitter le pays à la hâte après seulement quatre des six mois qu'elles devaient passer sur place mais il semblerait que l'enfant ne pouvait rester un jour de plus sur le territoire et qu'il fallait qu'elle quitte le pays très discrètement. Un jeune seul, triste et perdu Profitant d'un moment d'inattention des siens, Zainab a emporté sa fille et son petit sac Hello Kitty vers l'aéroport où elle s'est mise en quête de trouver quelqu'un en partance pour les Etats-Unis.

N'importe qui, tant que c'était ce jour-là. Mais aux comptoirs d'enregistrement, on refuse de lui divulguer ce genre d'information pour des questions de respect de la vie privée. "Vers n'importe quelle ville des USA, peu importe, s'il vous plaît", supplie sans relâche la jeune mère rongée par l'angoisse pour son enfant. En vain, jusqu'à ce qu'un agent de voyages attendri lui indique d'un hochement de tête un jeune homme qui attendait seul un peu plus loin.

Il s'agissait de Tom Perriello, un Américain épuisé et effondré qui était à l'aéroport pour rejoindre Charlottesville en Virginie pour assister aux funérailles de sa grand-mère qu'il aimait tant. "J'ai compris à son visage qu'il était perdu", se souvient Zainab. "Je lui ai dit: 'Je vais vous poser la question la plus étrange du monde. Accepteriez-vous de voyager avec ma fille?'".

La mère explique alors que la vie de l'enfant est en danger si elle reste en Sierra Leone et qu'elle fera le nécessaire pour que la grand-mère de la fillette l'attende à l'atterrissage aux Etats-Unis, quelle que soit la ville d'arrivée. Trafic d'enfants? Tom Perriello, en sa qualité de membre du tribunal des Nations Unies qui venait de poursuivre le dictateur libérien Charles Taylor et en tant que conseiller du procureur en Sierra Leone, a tout d'abord jugé cette demande suspecte.

Il connaissait le Sierra Leone depuis assez longtemps pour savoir qu'on y contourne les règles à l'envi et que le trafic d'enfants y est légion. Il en a donc conclu qu'il devait s'agir soit d'un réel danger immédiat pour l'enfant soit de quelque chose de plus obscur et sûrement illégal. Mais n'ayant pas le temps de tirer le vrai du faux, il a choisi de surmonter ses craintes et de croire cette mère en panique.

Il se connaissait assez que pour savoir qu'il regretterait toute sa vie de n'avoir peut-être pas sauvé une fillette en danger. L'Américain a donc accepté la demande incongrue sans en demander davantage et s'est immédiatement mis en quête, auprès de sa compagnie aérienne, d'une solution pour que Maya voyage sur le même vol que lui. Ils voleraient ensemble via Bruxelles vers l'aéroport de Virginie où il devait se rendre rapidement. "Voilà, c'est la dernière fois que j'ai vu cette homme", confie Zainab. "Je leur ai fait signe au revoir sans lui donner de papiers, ni de point de contact où me joindre, rien. Maya n'avait que son sac Hello Kitty qui contenait son passeport américain et les coordonnées de sa grand-mère. Rien d'autre". Comptine Parce qu'elle n'avait pas d'autre choix, Zainab a suivi son instinct et a décidé de faire confiance à ce Tom qu'elle n'avait jamais vu. Et elle a eu raison malgré les aléas du vol pour l'Américain et la jeune Maya. La fillette a hurlé et pleuré toutes les larmes de son corps lorsque la silhouette de sa mère a disparu. En embarquant avec ce parfait étranger dans un contexte d'urgence comme celui-là, elle craignait évidemment de ne jamais revoir sa mère.

La barrière de la langue n'a pas aidé non plus car l'enfant s'exprimait essentiellement en Krio, la langue locale. Redoublant d'ingéniosité et de délicatesse, Tom Perriello a alors repris quelques mots utilisés par l'enfant pour lui créer une comptine qu'il lui a chantée tout au long du vol afin de gagner sa confiance et la calmer enfin. "Je ne me souviens plus du trajet, mais bien de cette chanson qu'il me chantait... Cela m'apaisait...", raconte Maya aujourd'hui, du haut de ses 20 ans.

"Je me souviens de sa voix sur cet air et de son infinie patience avec moi. Je n'ai pas eu peur de lui un seul instant, parce qu'il était tellement gentil. En tant qu'enfant, vous sentez immédiatement ces choses-là. Je savais que c'était une belle personne". Anges gardiens et fantôme Malgré son talent inné avec les enfants, Tom craignait de mal s'y prendre. "Durant le vol vers Bruxelles, Maya s'est enfin endormie mais à moitié sur son siège et à moitié sur le mien. Je savais qu'il ne fallait jamais réveiller un enfant qui dort alors j'ai passé la moitié du vol à me promener dans l'allée entre les sièges", raconte le bienfaiteur de Maya.

A bord de l'avion vers les Etats-Unis, une hôtesse de l'air a entendu qui était Tom et ce qu'il faisait pour la justice au Liberia. Souhaitant le remercier personnellement, elle lui a fait la conversation et a appris ce qu'il faisait pour Maya. "En apprenant toute l'histoire, elle a pris soin de nous en nous apportant des repas de la 1e classe et en demandant à ses collègues de se relayer pour s'occuper de Maya afin que je me repose un peu.

Elle a eu une vraie team d'anges gardiens qui ont pris soin d'elle et ont fait en sorte qu'elle arrive dans de bonnes conditions et à bon port", résume-t-il, modeste sur son rôle. A l'arrivée en Virginie, la fillette a couru dans les bras de sa grand-mère. "Je me souviens d'avoir vu ma grand-mère et d'avoir foncé vers elle sans attendre. Et là, Tom a disparu. Durant 15 ans, il a été comme un fantôme dans mon histoire. Je ne connaissais même pas son nom de famille", explique Maya.

En réalité, gêné, Tom Perriello n'avait pas voulu interférer dans ces retrouvailles intimes. "J'ai compris que ce voyage résultait de l'amour qui unit une enfant à sa mère et sa grand-mère: moi-même j'étais en route vers ma propre mère pour la réconforter d'avoir perdu la sienne, qui était fantastique", explique Tom. "Et je suis sûr que ma grand-mère nous a souri, de là en haut, lorsqu'elle a vu Maya enlacer sa grand-mère". Un mois plus tard, Zainab Sesay parvenait à rejoindre les USA à son tour. Retrouvailles bis L'histoire aurait pu s'arrêter à ce récit émouvant sur leur bienfaiteur qu'ont fait à la famille, amis et collègues, Maya et sa mère des années durant.

Puis, la semaine dernière, 15 ans après ce moment intense, alors qu'elle rendait visite à un cousin qui a également travaillé pour les Nations Unies en Afrique, celui-ci lui parle à Zainab d'un certain Tom qui racontait avoir sorti une fillette du Sierra Leone sur demande de sa mère. En entendant ces quelques mots, Zainab comprend: il s'agit de son Tom, assurément.

C'est leur histoire. La face cachée du voyage vers les Etats-Unis Une recherche Google lui suffira pour avoir confirmation: ce Tom Perriello qui avait été sénateur en Virginie et diplomate pour Barack Obama, cette photo, c'était bien lui. Zainab lui a envoyé un mail sur le champ, auquel il a répondu aussitôt. Depuis lors, ils ont trouvé beaucoup de choses à se dire car Tom Perriello n'avait jamais su ce qu'étaient devenues Maya et sa mère. Elle a pu lui confier enfin les raisons pour lesquelles elle avait dû évacuer sa fille de la sorte et il a pu lui raconter que ramener Maya n'avait en réalité pas été une mince affaire.

Que la chanson dans l'avion n'avait été que la jolie partie de l'histoire et qu'il avait en réalité été confronté à la réticence des autorités aéroportuaires qui les avaient interpellés, Maya et lui, lors d'une escale. Qu'il avait dû passer un nombre incalculable de coups de téléphone et que ces obstacles lui avaient coûté un temps précieux et de l'argent pour mener à bien sa mission. Mais sans regret. "Je pense que je dois la vie à Tom. Je réalise seulement maintenant que sans lui, je ne serais sans doute plus en vie à l'heure actuelle", s'émeut Maya qui est enfin en âge de tout comprendre.

Enterrement manqué: "Ma grand-mère n'aurait pas trouvé cela bien grave" Quant à Zainab, elle réalise quels risques elle a fait courir à sa fille. "Je ne me rendais pas compte du monde dans lequel nous allions atterrir. J'ai eu de la chance de tomber sur Tom. Jamais je ne referais une chose pareille". Tom Perriello, lui, recommencerait sans hésiter: "Une mère dans une telle position...

J'ai simplement compris que ma situation était relativement confortable et en tout cas suffisamment pour ramener Maya saine et sauve à la maison". Ce que Zainab vient d'apprendre lui fait par contre très mal au coeur: "Je ne savais pas que vu toutes les complications que Tom a rencontrées en route car il voyageait avec un enfant qu'il ne connaissait pas, il a perdu beaucoup de temps et a manqué les funérailles de sa grand-mère. Je ne me le pardonnerai jamais". "Elle, elle aurait trouvé que ce n'est pas grave", la console l'ancien diplomate qui résume chaleureusement son lien avec les deux femmes comme "l'expérience la plus folle de son existence".



14 Commentaires

  1. Auteur

    Anonyme

    En Décembre, 2018 (13:22 PM)
    j'en ai les larmes aux yeux.

    En vérité, Zainab la mère de Maya doit être d'un grand cœur, Car seuls les grands cœurs sont assistés par la grande main divine dans des situations de catastrophe.
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  2. Auteur

    Anonyme

    En Décembre, 2018 (13:32 PM)
    Qui va lire cet long article? Pas le senegalais de 2018
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    Auteur

    Anonyme

    En Décembre, 2018 (14:03 PM)
    Si pourtant toi moi et tous les autres qui commenteront cet article si touchant
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    Auteur

    Anonyme

    En Décembre, 2018 (14:09 PM)
    Texte un peu mal repris mais très instructif
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    Auteur

    Anonyme

    En Décembre, 2018 (14:15 PM)
    wawww quel article
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    Auteur

    Anonyme

    En Décembre, 2018 (14:47 PM)
    Article ecrit par un Analphabeten, Quelle charabia!
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    Auteur

    Anonyme

    En Décembre, 2018 (14:56 PM)
    Il faut faire un film
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    Auteur

    Anonyme

    En Décembre, 2018 (15:33 PM)
    Avec ces bonnes volontés on a vraiment confiance à la nature humaine
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    Auteur

    Anonyme

    En Décembre, 2018 (15:33 PM)
    Avec ces bonnes volontés on a vraiment confiance à la nature humaine
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    Auteur

    Coco

    En Décembre, 2018 (16:24 PM)
    Poste n2. moi e fais partie de ceux qui ont lu. en faite cette histoire est captivante, dés qu'on commence à lire, on est pressé de savoir la suite et la fin de l'histoire.
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    Auteur

    Anonyme

    En Décembre, 2018 (16:26 PM)
    Voilà une histoire qui contredit la pensé de thomas hobbes"homo homini lupus est"
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    Auteur

    Anonyme

    En Décembre, 2018 (17:02 PM)
    Plus possible de confier un enfant à un (e) inconnu (e) avec tous ses pervers (es) qui courent les rues.
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    Auteur

    Anonyme

    En Décembre, 2018 (22:20 PM)
    Après seulement 4 mois passés en Sierra Leone où la langue de Shakespeare est parlée officiellement l'enfant perd son anglais pour ne parler que krio le dialecte local. Ne trouvez-vous pas ce passage incongru ? A moins que je suis le nigaud.
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    Auteur

    En Août, 2019 (13:34 PM)
    magnifique il y'aura de bons gens qui sont là pour aider autrui merci Mr TOM
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