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Politique

Abdoulaye Bathily sonne l'alerte : ‘ Le Sénégal va tout droit vers le chaos ’

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Abdoulaye Bathily sonne l'alerte : ‘ Le Sénégal va tout droit vers le chaos ’
En marge du congrès du Rassemblement des forces démocratiques (Rfd), principal parti de l’opposition mauritanienne, tenu du 26 au 28 de ce mois à Nouakchott, le secrétaire général de la Ligue démocratique/Mouvement pour le travail (Ld/Mpt) a commenté avec nous l’actualité nationale et internationale. A travers l’entretien qu’il nous a accordé, le Pr Abdoulaye Bathily revient, entre autres sujets, sur la pertinence des assises nationales, la crise sociale. Une crise accentuée, à l’en croire, par la volonté manifeste du gouvernement de maintenir, à tout prix, un train de vie dispendieux.

Wal Fadjri : L’Assemblée nationale vient de procéder au renouvellement de son bureau. Un changement marqué par la mise à l’écart des partisans de Macky Sall. Quelle lecture en avez-vous ?

Abdoulaye Bathily : C’est une preuve de plus que cette Assemblée nationale ne représente rien, y compris même pour ceux qui l’ont mise en place. Cela montre que c’est une Assemblée qui est affaiblie de façon intrinsèque. Et d’ailleurs, l’affaiblissement est là dès son origine. Il ne faut pas oublier que c’est une Assemblée qui a été mise en place dans des conditions d’un boycott de l’opposition, avec moins de 20 % de l’électorat. Donc, l’affaiblissement est déjà là, mais, la légitimité n’y est pas. Sinon, je n’ai rien à dire en ce qui concerne les querelles intestines du Pds. Seulement, je crois que cette situation est la preuve qu’aujourd’hui, il faut aller vers d’autres perspectives que de débattre de la possibilité pour tel ou tel autre clan du Pds d’être à telle ou telle autre position. Pour nous, ce n’est pas la bonne perspective.

Wal Fadjri : Et c’est, entre autres, ce défaut de légitimité de l’Assemblée qui vous a amené à initier des assises auxquelles l’Etat refuse de prendre part et qui commencent à enregistrer des défections…

Abdoulaye Bathily : Non ! Il n’y a pas eu de défections, mais une seule défection et c’est Babacar Ndiaye. Pour ce qui est du cas de Jean Pierre Dieng, il faut dire qu’il est parti seul. Son organisation, l’Union nationale des consommateurs du Sénégal (Uncs), est restée. Les membres nous ont envoyé une lettre à cet effet et ils ont participé à la première réunion des assises nationales. Pour nous, c’est un problème dépassé. Et le bureau a considéré la démission de Babacar Ndiaye comme une affaire classée. Maintenant, on avance.

Wal Fadjri : Et les accusations de Babacar Justin Ndiaye, faisant état d’une puissance étrangère qui serait derrière l’organisation des assises…

Abdoulaye Bathily : Lui-même s’est rétracté puisqu’il a rectifié ce qu’il a dit. Là aussi, c’est tellement ridicule cette accusation qu’elle ne mérite pas que l’on s’y arrête. On se demande, d’ailleurs, d’où sortent ces genres d’individus pour tenir de tels propos. Franchement, nous ne portons aucun intérêt à ce genre de déclarations.

Wal Fadjri : Mais le fait que le parti au pouvoir refuse de prendre part à ces assises n’est-il pas le signe d’un échec annoncé ?

Abdoulaye Bathily : Absolument pas ! Les assises nationales représentent une initiative sans pareille dans l’histoire politique du Sénégal. Il faut aussi retenir que ces assises ne sont pas destinées au gouvernement. Que ce soit le gouvernement d’aujourd’hui ou le gouvernement de demain. Ce sont les assises dont les conclusions sont destinées à l’ensemble du peuple sénégalais dans tous ses segments. Les Sénégalais verront que les conclusions qui sortiront de ces assises, vont servir de gouvernail au gouvernement, aux non-gouvernementaux, aux partis politiques, aux organisations syndicales parce qu’il ne s’agit pas de trouver des solutions pour un gouvernement. Il s’agit de trouver des solutions pour tous les secteurs de la vie nationale. C’est cela qui fait que tout le monde sera concerné. Ce ne sera donc pas du tout l’absence du gouvernement qui va handicaper ces assises nationales. Le président Amadou Mactar Mbow l’a dit très clairement et nous sommes d’accord avec lui : les assises restent ouvertes à tout le monde, car elles sont inclusives et ne seront écartés que ceux qui, demain, décideront de ne pas y participer. Cela veut dire que la voie reste toujours ouverte. Autre chose : quand on dit, par exemple, que le dialogue social va se faire de cette manière, cela ne concerne pas que le gouvernement. Les organisations sociales tout comme le patronat sont interpellés. Ce ne sera pas seulement le gouvernement qui aura à appliquer les conclusions mais, chacun, dans son secteur, va dire : voilà le consensus qui est trouvé, alors, je vais essayer de me conformer, dans mon secteur d’activités, à ce consensus. Les gens se trompent en pensant que les assises, c’est pour donner des conclusions à un gouvernement pour les appliquer. Par exemple, dans le secteur de l’école, les conclusions concerneront tous les acteurs de l’école… Chaque secteur aura, à partir de ces conclusions, une ligne de conduite.

‘L’accusation de Babacar Justin Ndiaye est tellement ridicule qu’elle ne mérite pas que l’on s’y arrête. On se demande, d’ailleurs, d’où sortent ces genres d’individus pour tenir de tels propos’

Wal Fadjri : Les questions sur la pertinence des assises sont inspirées par le fait que ce sont des partis politiques ayant boycotté les élections législatives, qui se sont ligués pour organiser, avec une frange de la société civile, ces assises…

Abdoulaye Bathily : Non ! Non ! Aujourd’hui, les assises dépassent largement les partis politiques…

Wal Fadjri : Mais l’initiative vient d’eux…

Abdoulaye Bathily : Faut bien toujours que quelqu’un initie quelque chose.

Wal Fadjri : Et quand une telle initiative vient des partis politiques qui avaient boycotté les élections…

Abdoulaye Bathily : (Il coupe) Mais c’est normal ! Eux, ils ont eu leur idée et ils l’ont proposée aux autres qui ont demandé aux partis politiques de leur proposer un avant-projet de termes de référence. Ce que les partis politiques du Front Siggil Sénégal ont fait. Mais il faut savoir que les choses ne se sont pas limitées à cela. Les autres ont fait des amendements par rapport aux propositions de termes de référence qui ne sont plus des termes de référence du Front Siggil Sénégal. C’est devenu des termes de référence de l’ensemble des participants. C’est pourquoi les assises restent quelque chose de tout à fait nouveau, inédit dans l’histoire politique du pays. Et croyez-moi. Depuis 40 ans, je suis sur la scène politique. J’ai vu des initiatives politiques et des initiatives sur le front social, mais ce que les assises ont réalisé, on ne l’a jamais vu dans notre histoire politique des 40 dernières années.

Wal Fadjri : Tout cela se passe dans un contexte économique difficile qui n’épargne pas les services de l’Etat. Ce qui amène la Senelec à annoncer l’application de la vérité des prix. Ce qui signifie que l’électricité ne sera plus subventionnée. Comment appréciez-vous une telle décision, en tant qu’ancien ministre de l’Energie ?

Abdoulaye Bathily : Cela veut dire tout simplement que le gouvernement a échoué dans la gestion de notre économie, dans la gestion des finances publiques. En fait, la Senelec a plusieurs problèmes et l’un de ces problèmes est lié à l’approvisionnement régulier et prévisible en combustible. Ce qui découle de la mauvaise gestion de la Senelec qui, malgré les sommes énormes qui ont été englouties, sous forme de subvention, par l’Etat, depuis des années, n’a pas réalisé l’équilibre parce que le gouvernement met toujours la main dans la gestion de la Senelec. Cela est un aspect. L’autre aspect est que le gouvernement, y compris la Senelec, sont à court d’argent pour acheter le combustible. En fait, le problème général du combustible et des hydrocarbures au Sénégal, c’est que le gouvernement ponctionne la surtaxe pétrolière avec laquelle il constitue une cagnotte dont il ne veut pas se délester pour créer les conditions d’une baisse du prix des hydrocarbures au Sénégal. C’est cela qui fait que le Sénégal, un pays côtier qui importe les hydrocarbures dans les mêmes conditions que le Mali et le Burkina Faso, vend ces mêmes combustibles, ces mêmes carburants et ces mêmes produits pétroliers beaucoup plus cher que ces deux pays. C’est à cause de la surtaxe pétrolière ! Ces pays-là ont une surtaxe moins élevée que le Sénégal.

Wal Fadjri : Et comment expliquez-vous cela ?

Abdoulaye Bathily : Ils ne veulent pas se délester de leur train de vie. C’est le train de vie de l’Etat qu’ils veulent maintenir à un haut niveau. La question fondamentale est de les amener à diminuer le train de vie de l’Etat afin de réduire la surtaxe pétrolière, à défaut de la supprimer et mettre l’argent dans d’autres secteurs qui en ont besoin. Nous avons les produits de première nécessité, notamment le riz. Les subventionner dans des conditions qui permettent de l’acheter à prix réduit est un impératif pour le pouvoir. La diminution du train de vie de l’Etat doit conduire à faire des économies substantielles qui permettent de mettre ces économies à la disposition de ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les masses laborieuses. Ceux qui, aujourd’hui, au Sénégal, ne peuvent pas manger deux repas par jour. Cela pouvait permettre de subventionner les semences, de mettre de l’engrais à la disposition des paysans à des prix acceptables, de mettre du matériel agricole à leur disposition, mais aussi un crédit de l’agriculture et de l’élevage à la disposition de ceux qui veulent développer ce secteur économique dans notre pays.

‘Le problème général du combustible et des hydrocarbures au Sénégal, c’est que le gouvernement ponctionne la surtaxe pétrolière avec laquelle il constitue une cagnotte dont il ne veut pas se délester pour créer les conditions d’une baisse du prix des hydrocarbures au Sénégal’

Wal Fadjri : Est-ce demain la veille quand on sait l’Etat a annoncé la levée des subventions sur le riz, dès le mois de juillet ?

Abdoulaye Bathily : Ils ne veulent pas, encore une fois, réduire leur train de vie. C’est cela que les Sénégalais doivent comprendre.

Wal Fadjri : Mais est-ce que ce ne sont pas les conséquences d’une crise mondiale...

Abdoulaye Bathily : (Il coupe) Non, c’est une volonté manifeste de la part de l’Etat. Les 40 ministres, nous n’en avons pas besoin. A quoi, d’ailleurs, sert ce gouvernement ? C’est un gouvernement de parade. Ils ne prennent aucune décision. Toutes les décisions sont prises à partir de la présidence. Le gouvernement ne nous sert à rien. Les ministres n’ont aucune utilité. Sans compter tous ces ministres dits conseillers qui ne conseillent rien, n’ont même pas de bureau et n’ont que des cartes de visite.

Wal Fadjri : Et la crise sociale s’accentue de plus belle. Alors, quelle peut être la conséquence de tout cela ?

Abdoulaye Bathily : La conséquence, c’est qu’aujourd’hui, nous allons tout droit vers le mur. Il y a une inconscience totale de ceux qui nous gouvernent, aujourd’hui, devant la gravité de la crise. Nous pouvons nous retrouver dans une situation de chaos et c’est précisément ce que nous voulons éviter aux Sénégalais. Ce qui nous intéresse, ce ne sont pas nos intérêts politiques, mais les intérêts globaux du peuple sénégalais. Et les assises, c’est, justement, un moyen d’attaquer, de front, ces problèmes globaux du peuple sénégalais, trouver des solutions consensuelles qui nous permettent de sortir de la crise de manière pacifique. D’une manière qui doit éviter au Sénégal ce que l’on a vu ailleurs, c’est-à-dire ces crises qui débouchent sur des guerres civiles, l’anarchie, des coups d’Etat. C’est cela que nous voulons éviter à notre peuple.

Wal Fadjri : Etes-vous optimiste quant à la réussite de ce pari ?

Abdoulaye Bathily : Je suis un acteur politique qui combat pour des valeurs. Je ne peux donc qu’être optimiste. Seulement, mon optimisme doit être tempéré par le comportement irresponsable de ceux qui ont les destinées de notre pays.

‘Le gouvernement ne nous sert à rien. Les ministres n’ont aucune utilité. Sans compter tous ces ministres dits conseillers qui ne conseillent rien et n’ont même pas de bureau et n’ont que des cartes de visite’

Wal Fadjri : L’actualité africaine, c’est également le problème du Zimbabwe et on a entendu Me Wade lancer un appel au dialogue…

Abdoulaye Bathily : Je condamne l’attitude de Mugabe qui est inacceptable. C’est une honte pour toute l’Afrique. Il a affamé son peuple. Il a contraint des millions de Zimbabwéens à l’exil, des cadres de tous les niveaux. Il a fait le vide dans son pays. Et le fait d’avoir libéré son pays avec son parti ne lui donne pas le droit d’affamer ce même peuple. L’espoir, c’était d’avoir un pays mieux gouverné après la chute du régime racisme, un pays qui, avec tout le potentiel qu’il avait, allait devenir le grenier de toute l’Afrique. Dire qu’il y a des sabotages par les Blancs, cela ne se justifie pas. Il aurait pu mieux gérer ce pays et ne pas se mettre dans cette situation. Donc, c’est condamnable à tout point de vue ce que Mugabe et son régime sont en train de faire et c’est une fuite en avant dont il paiera nécessairement le prix un jour. Pour ce qui est de l’appel de Wade, je pense qu’il doit prendre l’exemple de cette situation. Il est en train de faire est la même chose que Mugabe, toute proportion gardée. Il a mis à genoux l’économie du Sénégal. Avant la prise du pouvoir en 2000, nous avions trouvé une situation financière normalisée. La dette publique intérieure était apurée. Le Sénégal ne devait plus quoi que ce soit aux entrepreneurs nationaux. Mais aujourd’hui, nous en sommes réduits à emprunter pour payer notre dette intérieure. Aujourd’hui, la crise financière est aggravée. Il est aussi sur la même pente que Mugabe qui a échoué sur le dialogue politique. Wade est mal placé, pour donner des leçons en matière de dialogue politique. Il organise la fraude électorale et il refuse qu’on discute. De notre point de vue, il est donc mal placé pour donner quelque leçon que ce soit. Il n’a qu’à balayer devant sa porte.

Wal Fadjri : Et quelle appréciation faites-vous de l’échec de l’emprunt obligataire lancé par le Sénégal ?

Abdoulaye Bathily : La signature du Sénégal ne vaut plus rien maintenant puisque portée par un gouvernement qui n’est pas crédible. Les bailleurs de fonds et les banques internationales voient un Etat qui, en l’espace de 8 ans, a dilapidé tout son capital. Les gens ne font plus confiance parce qu’ils connaissent la réalité de nos possibilités financières. C’est cela qui explique l’échec de cet emprunt obligataire.



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