(Correspondant permanent à Paris) - La flambée des prix du riz continue d’intéresser les médias français. Après Le Figaro, c’est au autour du quotidien Le Parisien et Aujourd’hui en France de consacrer leur Une au Sénégal. Au menu, un reportage à Grand Médine, à la Sicap et une interview de l’ambassadeur de France au Sénégal. Dans l’entretien, l’ambassadeur français n’a pas usé des formules diplomatiques pour caractériser la difficile situation que vivent les Sénégalais. Pour le diplomate français, les populations sénégalaises sont dans une situation ‘particulière’. ‘La nourriture est présente, mais il devient impossible d'y accéder en raison de son prix’. Avant de dire à l’envoyée spéciale du Parisien qui voulait savoir si le Sénégal est au bord de la famine : ‘Il ne s'agit pas d'une pénurie engendrée par de mauvaises récoltes. C'est tout à fait nouveau. Héritage de la colonisation, le Sénégal s'est spécialisé dans la culture de l'arachide, alors que les Sénégalais mangent du riz brisé. Ils en importent 800 000 t et n'en produisent que 100 000 t’.
Alors, le Sénégal pourrait-il devenir autosuffisant ? ‘Sans doute, au prix de quelques réformes’, explique Jean-Christophe Rufin. Ce médecin-écrivain devenu diplomate estime que le Sénégal doit modifier son système bancaire. ‘Il faudrait modifier le système bancaire qui, actuellement, ne permet pas à un agriculteur sénégalais d'emprunter pour effectuer deux récoltes par an’, soutient-il. Avant de jeter implicitement un regard sur le plan Goana rendu public vendredi dernier par le président de la République. ‘Un plan a été établi, qui devrait permettre au Sénégal de devenir autosuffisant. Mais cela prendra une dizaine d'années. Et il y a urgence’, prend-il ainsi le contre-pied du chef de l’Etat sénégalais qui projette de produire en abondance et atteindre l’autosuffisance dès l’hivernage qui pointe à l’horizon.
Si Jean-Christophe Rufin souligne que la crise est globale, le diplomate français estime qu’elle ‘n'est pas due à la sécheresse, mais à la raréfaction d'un certain nombre de produits, à l'échelle mondiale. Il n'y a plus, aujourd'hui, assez de nourriture pour toute la planète. Les pays producteurs, qui sont en pleine croissance, n'exportent plus, ils consomment ce qu'ils produisent. D'où la flambée du prix du riz’, explique-t-il dans le quotidien français qui paraît tous les jours de la semaine.
Que peut-on craindre ? ‘Cette nouvelle crise est une véritable bombe à retardement. Le choc alimentaire s'impose à des économies très fragiles, à qui il faudra un long temps d'adaptation’, répond l’ancien humanitaire reconverti dans la diplomatie. Pour lui, les pays développés peuvent bien aider les pays en crise. Pour cela, il invite à ‘revoir très sérieusement l'aide bilatérale’. ‘Les sommes que les pays riches consacrent actuellement à l'aide sont dérisoires. Pour la France, c'est 0,5 % du Pib, et elle n'est pas la pire ! C'est là, le cœur du problème’, croit-il savoir.
Dans le reportage de l’envoyée spéciale du Parisien, les Sénégalais interrogés se plaignent naturellement de la cherté des denrées de première nécessité : ‘Dans le quartier (Grand-Médine, Ndlr), on le paye de 400 à 450 francs Cfa (Ndlr : 0,61 à 0,68 €) le kilo, s'insurge l'une des petites-filles, une jolie jeune femme aux cheveux drus. Cela devient de plus en plus dur de nourrir une famille.’ Des sommes converties en euros que les Français considéreront dérisoires. Les familles nombreuses sont de loin celles qui souffrent de la crise. Morceaux choisis du reportage : ‘Accroupie au milieu de la cour, Adi Sokhana Mbaye trie à gestes lents, presque sacrés, le riz qui va nourrir la famille. Elle a dix enfants. Une quarantaine de personnes s'entassent quotidiennement dans les dix chambres de la maison, dans le quartier de Dieupeul, de son ‘mari très âgé’, nanti de quatre épouses. ‘Il ne travaille plus depuis longtemps. Il est toujours un peu malade. Il ne gagne plus d'argent, n'a pas de retraite, pas d'aide de l'Etat, cela devient dur pour tout le monde. Nous sommes si nombreux’. Somptueux boubou aux couleurs éclatantes, de grands restes de beauté dans un visage amaigri, la femme n'aime pas se plaindre... mais pourtant ! ‘Pour donner bien à manger à tout le monde, il faudrait 5 kg de riz par jour. C'est ce dont je disposais il y a encore quelques mois’, rapporte le Parisien.
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