Après avoir passé deux nuits au commissariat du Port, Jean-Paul Dias continue toujours de porter sa croix avec un mandat de dépôt qui vient de lui être notifié par le juge Yakham Lèye. Le patron du Bloc des centristes Gaïndé (Bcg) passera cette nuit à la chambre 43 de la Maison centrale d’arrêt et de correction de Rebeuss, à Dakar.
A la rue Carde, dans les locaux de la Dic, Jean-Paul Dias s’était vu accuser d’offense au chef de l’Etat. Mais, hier soir, quand il est ressorti de son audition, deux délits lui ont été notifiés. Une journée marathon au terme de laquelle, un des avocats du détenu, Me Djibril Diallo, s’avance devant le parterre de micros et explique que son client est accusé des délits suivants : «Proposition en vue de former un complot pour troubler, par des moyens illégaux, le fonctionnement normal et régulier des autorités établies par la Constitution pour obtenir par ces mêmes moyens le remplacement desdites autorités et pour inciter les citoyens et les habitants à s’armer contre l’autorité de l’Etat.» Des propos attentatoires à l’ordre public relayés par les quotidiens L’As, Le Quotidien, Netalli.com, dans leur livraison du 8 et 9 avril 2006. L’article 80, qui a valu l’incarcération de plusieurs leaders politiques, s’est invité lors de cette audition. Cet article fourre-tout a été retenu contre celui qui se considère comme un «prisonnier politique catholique». Avec l’article 80, qui reprend du service, l’Etat a franchi un pas de plus dans sa volonté de remettre en cause les libertés et museler les hommes politiques. S’exprimant sur les ondes de la Rfi, Me Ousmane Ngom estime qu’il faut mettre un terme aux violences verbales qui risquent d’aboutir à la violence tout court. L’avocat de M. Dias, en l’occurrence Me Diallo, attire l’attention en expliquant que «le dossier devrait être au troisième cabinet qui n’a pas encore de juge». Une manière délibérée et arbitraire de priver son client de la liberté. Selon Me Diallo, le procureur a recouru à ces deux articles pour inciter le juge d’instruction à délivrer le mandat de dépôt. Estomaqué,Youssoufa Fall, le chargé de la communication du Bcg, est convaincu que Jean-Paul Dias est un prisonnier politique. Du côte de l’opposition, on n’entend pas baisser les bras. Elle déclare qu’elle va prendre, dans les jours à venir, une série d’actions pour extirper un des leurs des geôles de Rebeuss. Pour Omar Sarr, le porte-parole des amis de Idrissa Seck, «c’est peine perdue et il faut que l’Etat sache que la liberté d’expression est un acquis». C’est une volonté manifeste de vouloir garder Jean-Paul Dias, aussi longtemps que possible, se désole-t-il.
Il faut noter que les ténors de l’opposition ont brillé par leur absence pendant ces moments intenses de fraternisation. Niasse, Tanor et consorts, ont tous brillé par leur absence. Quant à Amath Dansokho, il est parti en France pour des examens médicaux de routine. C’est à 17h 25 que Jean-Paul Dias est sorti de la cave du Bloc des Madeleines, pour se frayer un chemin à travers une haie de sécurité. Les militants de l’opposition, qui s’y étaient rencardés, applaudissent et scandent : «Libérez Jean-Paul ! libérez Jean-Paul !» La mine joyeuse, Dias lève la main comme pour remercier ses amis et s’engouffre dans le bureau du troisième juge en criant : «Je suis un prisonnier politique catholique.» Il ne ressortira du lieu que vers 18h 40 scandant toujours son refrain favori. Tout est fin prêt pour un séjour à Rebeuss. Il sera mis à bord d’un mini-bus avec d’autres inculpés pour prendre le chemin de la citadelle du silence. En attendant de revenir, aujourd’hui, pour recevoir leur convocation, le collectif des avocats affûte ses armes. Les différentes formations politiques de l’opposition ont sonné le tocsin du refus à «l’arbitraire». C’est l’union sacrée autour de Dias. La nuit tombe sur Dakar. Les portes de Rebeuss se referment. C’est la fin du chemin de Croix.
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