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« On est sous surveillance » : Me Amadou Sall alerte sur les conséquences économiques des atteintes aux libertés

Auteur: Moustapha TOUMBOU

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Une nouvelle séquence s’ouvre dans le bras de fer judiciaire, entre le pouvoir sénégalais et l’opposition. Ce mercredi 16 juillet, à Dakar, le collectif d’avocats de l’opposition sénégalaise a levé le voile sur une stratégie tournée vers l’international. Au cœur de leur démarche, la présentation du cabinet Vey & Associés porté par Maitre Antoine Vey, avocat aux barreaux de Paris et de Genève, désormais engagé aux côtés du pool sénégalais pour porter la bataille judiciaire au-delà des frontières.
L’ancien ministre de la Justice, Me Amadou Sall, a pris la parole, à cette occasion. Dans son propos, il a retracé le film de la trajectoire démocratique du Sénégal. « Vous le savez, nous le savons tous, depuis quelques décennies, le Sénégal se fait remarquer par une formidable avancée en matière de respect des Droits de l’homme et de la démocratie », a-t-il rappelé. 
Il a, par la suite, tracé le fil des consultations électorales organisées depuis 1993. Chaque fois, a-t-il insisté, « les Sénégalais se sont exprimés librement et à 18 h, les résultats étaient affichés ».
Mais aujourd’hui, selon lui, le point de bascule est atteint. « Nous avons cette désagréable sensation qu’à ce système démocratique, à ce système de liberté, se substitue un système autoritaire, où aucune voix discordante n’est tolérée », a-t-il affirmé. L’avocat évoque une « chape de plomb » qui, selon lui, entrave la libre expression et affaiblit l’État de droit.
La critique s’est également appuyée sur les mots du président de la République lui-même. « Quand c’est le premier magistrat qui dit qu’il y a une nécessité de libérer la justice et qu’un magistrat lui-même, qui était en exercice, dit que la maison de justice est infestée de préfets de justice, ça devient quelque chose de grave », indique l’ancien garde des Sceaux.
Le collectif a annoncé avoir saisi à plusieurs reprises la Cour de justice de la CEDEAO, notamment dans l’affaire Lat Diop, pour contester ce qu’il qualifie de restrictions administratives injustifiées. « On ne peut pas empêcher de façon administrative à un citoyen de quitter son pays », a-t-il rappelé. 
Il dénonce également les failles de la Haute cour de justice, installée le 2 décembre 2024, accusée d’empêcher les voies de recours. « Nous sommes absolument convaincus que la Cour de justice nous donnera raison », a-t-il affirmé.
Sur le terrain international, les avocats disent avoir saisi le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire. Ils espèrent voir cette instance se prononcer sur ce qu’ils considèrent comme des arrestations abusives de journalistes, chroniqueurs et responsables politiques. « Sur quelle base ? Sur une base tellement farfelue et dérisoire que l’on ne peut pas ne pas dire que ces détentions sont arbitraires », a martelé Me Sall.
Ces verdicts d’institutions internationaux pourraient avoir des impacts sur l’économie sénégalaise déjà mal-en-point. Le juriste avertit : « Il y a une conditionnalité entre les financements et les libertés. » 
Pour lui, cette dérive perçue risque de nuire à la confiance des bailleurs de fonds, mais aussi des investisseurs privés. « L’investisseur privé qui vient et qui réalise qu'il y a une certaine forme d'instabilité liée à une énorme contrainte sur les libertés, il ne vient pas », a-t-il dit. 
Récemment, Standard & Poor’s a rétrogradé pour la deuxième fois consécutive la note du Sénégal ; elle passe à B- assortie d'une perspective négative. « On en arrive aussi à une autre situation où, par nos actes et les atteintes aux libertés, on est sous surveillance, énormément. Parce que lorsque les libertés sont contraintes de cette façon, il y a une conditionnalité entre les financements et les libertés », dit-il.
Pour Maitre Amadou Sall, le nouveau régime semble reléguer au second plan les priorités qui les ont propulsés au pouvoir. « Ils ont été élus pour gouverner, pas pour satisfaire leurs besoins égoïstes de revanche », pense-t-il. Avant d’ajouter : « Ils n’ont pas été élus pour chercher des voleurs, pour attraper des voleurs. » 
Il appelle à un sursaut, dans l’intérêt supérieur du Sénégal : « Nous pensons, au fond de nous-mêmes, que nous n’avons peut-être pas besoin d’aller jusqu’au bout et qu’ils auront le temps de s’arrêter et de se ressaisir. »
Auteur: Moustapha TOUMBOU

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