A moins d'un mois de l'élection présidentielle, une extrême confusion règne dans la vie politique du Sénégal, mettant à rude épreuve le modèle démocratique dont le pays est fier. Jeudi 1er février, Idrissa Seck (47 ans), ancien premier ministre répudié par le président Abdoulaye Wade (80 ans), a maintenu sa candidature à l'élection présidentielle du 25 février contre M. Wade. Cette annonce est venue clore une semaine de valse-hésitation entre les deux hommes qui a alimenté tous les soupçons de marchandages et de manoeuvres politiciennes. "Nous sommes deux candidats à l'élection présidentielle, nous serons deux concurrents", s'est contenté de déclarer M. Seck à l'issue d'une entrevue avec le président, la quatrième en moins de deux semaines.
La candidature du "fils" spirituel contre le "père" de l'alternance politique pacifique au Sénégal de 2000 apparaît comme un échec de M. Wade. Le 22 janvier, il avait annoncé le retour de M. Seck au sein de la formation présidentielle, le Parti démocratique sénégalais (PDS) dont il avait été exclu. Mis en scène par M. Wade comme le retour au bercail du "fils" après des mois de brouille, ce coup de théâtre signifiait le retrait de M. Seck au profit de son mentor.
DÉSORDRE DANS L'OPPOSITION
Ce "retour" avait provoqué la colère à la fois dans le camp présidentiel, qui voit en l'ex-premier ministre un redoutable concurrent, et dans l'entourage de M. Seck qui, depuis avril 2006, s'est positionné en adversaire de M. Wade. Il a créé son propre parti, le Rewmi, et a fait alliance avec l'opposition. Limogé de son poste de premier ministre en avril 2004, M. Seck avait été accusé de détournement de fonds et incarcéré pendant sept mois.
Mais la confirmation de la candidature d'Idrissa Seck, dont le retour au PDS reste par ailleurs annoncé, a le mérite pour le camp présidentiel de semer un terrible désordre au sein de l'opposition. Elle accrédite le soupçon d'un marché conclu entre les deux hommes. M. Seck a d'ailleurs assuré jeudi avoir évoqué avec le président "la perspective des retrouvailles de la grande famille libérale", celle de M. Wade, tout en assurant qu'il maintenait son alliance avec l'opposition pour les élections législatives prévues début juin.
Cette inextricable mêlée intervient à quelques jours de l'ouverture officielle, dimanche 4 février, de la campagne présidentielle. Diffusée par les médias, la rumeur d'un report du scrutin semblait si sérieuse qu'elle avait, mercredi, suscité des déclarations inquiètes de Mgr Jacques Sarr, évêque de Thiès. L'opposition, elle, se préparait à défiler, vendredi 2 février à Dakar, contre la "dérive autoritaire du régime Wade" en dépit d'une interdiction. La manifestation a été annulée in extremis après l'adoption, jeudi, par le gouvernement d'un projet visant à supprimer la disposition de la Constitution qui aurait permis le report de la présidentielle après désistement d'un candidat.
Article paru dans l'édition du 03.02.07
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