Sous les tentes du plan Jaxaay, le drame psychologique de populations abonnées à elles-mêmes. Des maris qui ne pouvaient plus s’abstenir face à la promiscuité, violent leurs femmes. Ce pervers sexuel prenait un malin plaisir à regarder des femmes nues à la sortie du bain. Cette femme se met nue en plein jour devant les enfants etc. Les inondations ont créé de véritables drames intérieurs qu’aucune aide alimentaire n’a pu apaiser. Le Dr Yérima Ali Bako Tchima Koda, psychologue a enquêté dans le milieu pour le compte du Samu Municipal de Dakar qui a assuré la prise en charge psychologique des troubles causés par les récentes inondations sur les populations logées au Centre international de commerce extérieur du Sénégal (Cices).
Dans le cadre du plan Orsec, le Samu Municipal de Dakar a assuré la prise en charge psychologique des troubles causés par les récentes inondations sur les populations logées au Centre international de commerce extérieur du Sénégal (Cices). Ces populations sont issues des bidonvilles de Médina Gounass, Niéti Mbarr, Wakhinaane et Bagdad, des quartiers flottants installés sur le passage naturel du fleuve « Dekhgoumak (littéralement « fleuve grand ») en route vers l’océan Atlantique.
Le site abritait environ 1977 personnes réparties en 16 pavillons. Le « Pavillon Sénégal » surnommé « pavillon à problèmes » abritait à lui seul, 900 personnes.
En effet, du fait de certaines difficultés (manque de cadres adéquats pour les entretiens qui revêtent un caractère confidentiel), du nombre trop élevé de la demande(un seul psychologue pour 2000 personnes), du temps imparti, le Dr Yérima Ali Bako Tchima Koda, la psychologue envoyée par le Samu Municipal pour faire ce travail, a dû se limiter à 31 cas et étudier en profondeur seulement 5 cas dont la gravité nécessitait une prise en charge immédiate. Ainsi, sur les 31 cas, on retrouve 5 hommes, 3 enfants, 21 femmes, 2 jeunes filles.
Sur le tableau des troubles constatés, il y a ceux (troubles) de l’humeur qui se manifestent par une « tristesse-pessimisme désintérêt » ; de l’anxiété qui se traduit par le « sentiment de crainte appréhension » ; les signes physiques (amaigrissement) ; les troubles du sommeil (insomnie partielle ou totale, réveils précoces, difficultés d’endormissement, réveils nocturnes, cauchemars).
Quant aux troubles du comportement, ils sont pratiquement d’ordre sexuels avec des maris qui ont violé leurs propres femmes dans le pavillon Sénégal, avec cette femme qui s’est mise nue devant les enfants en plein jour, avec cet homme marié qui passait son temps à regarder les femmes nues sortant du bain.
Les troubles se manifestent aussi par des hallucinations visuelles (vision de toit de mosquée soulevé et remplacé par le vent , vision « Djin ») et auditives (perception de son de musique).
Dans l’enfer des drames intérieurs
Si les sinistrés ont pu échapper à l’enfer des inondations, les sites de recasement sont loin d’être, pour ces familles meurtries, brisées, un paradis. Ces tentes n’ont pas chassé le drame psychologique que vivent au quotidien ces familles qui ont perdu toute attache. Plus de toit, de point fixe, de repère, tout bascule, vacille dans le vide d’une vie qui s’interdit de rêver et regarder dans le rétroviseur. Le présent trop pesant, trop prenant, emprisonne dans la grisaille du quotidien toute activité physique et intellectuelle. Et pour reprendre les mots de Dr Yérima Ali Bako Tchima Koda, « les gestes sont lents, la démarche lourde, la voix peu claire, l’expression difficile ».
La crainte de voir leurs enfants tomber du lit…..
Le drame qu’ont vécu ou vivent les populations sinistrées est multiforme. Il se manifeste par une tristesse plus ou moins intense, même quand, constate la psychologue, la personne ne s’isole pas du groupe. De même que par une incurie vestimentaire, une négligence corporelle. Les cheveux ne sont pas coiffés, les habits sont sales. Sans travail et après avoir presque tout perdu dans les inondations, l’avenir devient anxieux pour ces pères et mères de famille. Ces personnes manquent de sommeil. Victimes de « réviviscence », elles revoient les scènes d’inondations dans leur sommeil. « Ces individus sont restés une semaine entière à lutter contre les eaux de pluies mélangées à celles des égouts, des fosses septiques : des familles entières passaient la nuit sur un même lit, couchées dans une seule position, serrées comme des sardines, pour échapper à l’eau ; les mères de famille s’empêchaient de dormir, par crainte de voir leurs enfants tomber du lit et se noyer dans leur sommeil », dira la psychologue.
Il se dit investi d’une « mission divine »
Toutes ces personnes, dit-elle, ont encore dans leur sommeil des cauchemars, des visions d’eau, de monstres effrayants, des cadavres d’animaux. Des difficultés d’endormissement, comme c’est le cas de cet ancien « baye Fall » de 50 ans qui se dit « investi d’une mission divine » auprès des sinistrés ». Il fait une « retraite mystique », jugeant son pavillon, le pavillon « Sénégal » trop « impur » à cause des femmes qui se dénudent tout le temps. Cet ancien « baye Fall » a préféré y laisser sa femme, et se construire une hutte à côté du pavillon pour se consacrer à ses « méditations religieuses », pour « s’éloigner des futilités de ce bas-monde, se rapprocher de Dieu ». De 22h à 4h du matin, il « prie » dans sa hutte et non plus à la mosquée où, après une veillée de prières, il aurait eu une vision « un grand vent s’est levé, il a soulevé le toit de la mosquée pendant une heure, puis il l’a remis en place ».
La violence verbale et physique
Dans ce milieu, la violence verbale et physique faisait partie du quotidien des sinistrés. La psychologue raconte que dans le pavillon « Sénégal », un ancien militaire âgé de 61 ans, grand, costaud, d’allure sportif, a battu une nuit, son gendre, parce qu’il le trouvait « peu intelligent, antipathique et irrespectueux ». Ce geste a conduit immédiatement le couple au divorce, malgré la grossesse avancée de la femme et deux petites filles.
Ces pères de familles qui violent leurs femmes
Sous les tentes des sinistrés du plan Jaxaay, des personnes souffrent, victimes de troubles sexuels. L’intimité qui constitue l’une des conditionnalité à une vie sexuelle normale,est impossible. La promiscuité dans le pavillon « Sénégal » est telle, que la vie de couple devient un enfer. Mais la petite bête qui est en chaque homme n’en a cure. Le regard impénitent d’une société conservatrice ne fait pas trembler éros. Son salut est hors des chaînons. Ainsi, les maris lassés de l’abstinence sexuelle forcée, violent leurs propres femmes qui refusent les rapports sexuels dans de telles conditions en interposant les enfants entre elles et les maris. Mais des maris au sang chaud forcent le barrage sous l’œil médusé des autres mâles qui ont pu dompter la petite bête.
Elle se met nue devant les enfants….
Ces abris provisoires empêchent certaines personnes à exercer des activités qu’elles avaient l’habitude de mener chez elles. C’est le cas de cette prostituée professionnelle dont le règlement du site empêche d’exercer son métier (les portes ferment à 22 heures, personne ne peut ni entrer, ni sortir : d’après les consignes de sécurité de la gendarmerie), qui ne s’est pas gênée un jour à se mettre toute nue devant les enfants, provoquant un grand scandale, et soulevant les protestations indignées des parents. La psychologue décèle une « personnalité un peu maniaque, un peu hystérique avec une grande labilité émotionnelle : quand elle est dans son état normal, c’est la personne la plus gentille, la plus polie, mais une fois l’inhibition des pulsions levée par l’alcool ou la drogue, elle devient obscène, créant le scandale ».
Voyeurisme : Il regarde les femmes nues à leur sortie de bain
La psychologue raconte l’histoire de ce voyeur, père de famille (40 ans) qui a pris l’habitude de se placer du côté des douches des femmes pour regarder les femmes nues à leur sortie du bain, à la recherche de leur serviette qu’il (le voyeur) aurait auparavant pris soin de déplacer loin d’elles. Mais on l’interpelle sur le sujet, il nie tout : « moi, j’ai ma femme, si je veux regarder une femme elle est là, je n’ai pas d’ailleurs ce temps », conclut-il. La psychologue lui rappelle ses séjours à la gendarmerie à la suite de nombreuses plaintes de ses victimes, alors il reconnaît : « un moment j’avais la garde d’un magasin situé à côté des douches des femmes, je ne regardais pas exprès les femmes pour le plaisir, mais je ne vais pas fermer les yeux si elles se présentent nues. Toutes ces histoires ne sont que des rumeurs, les gens ici sont des cons », dit-il froidement. La conclusion qu’elle en tire est, citant Freud, que le pervers sexuel « c’est l’être rivé à des formes primitives de pulsions (plaisirs et interdictions) de la phase prégénitale ou premières relations d’objet de la phase oedipienne ou phase du « choix objectal. C’est une fixation et une régression au plaisirs archaïques ».
Quelques recommandations pour s’en sortir
« Si pour la plupart des sinistrés, dit le Dr Yérima Ali Bako Tchima Koda, l’état dépressif a disparu avec l’amélioration des conditions de vie et surtout le « regonflage narcissique » dû à la manière « digne » dont le gouvernement les a traités lors de ce drame « on nous a sortis de l’eau et conduits ici dans la dignité, nous avons été traités comme des citoyens à part entière pour la première fois, nos enfants ont pu connaître une autre vie, jouer dans de grands espaces ». Beaucoup risquent à présent qu’ils retrouvent dans les conditions antérieures, de décompenser. Alors, il est urgent de mettre en place immédiatement les mesures d’accompagnement prévues sinon les progrès sanitaires réalisés en cinq mois risquent d’être anéantis : au début de l’installation du site le PMA enregistrait 105 consultations médicales par jour contre seulement 5 à la fin du site ».
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