Réunis à Saly les 29 et 30 juin 2025, intellectuels, chercheurs et jeunes leaders africains ont appelé à une renaissance du continent ancrée dans la philosophie Ubuntu, un humanisme ancestral prônant l’interdépendance, la solidarité et la dignité partagée. Face aux défis mondiaux, ils estiment que l’Afrique doit puiser dans ses racines pour construire un avenir inclusif et durable.
En effet, dans un monde confronté à des bouleversements écologiques, économiques et sociaux sans précédent, l’Afrique choisit de se tourner vers ses fondamentaux. C’est à Saly, au Sénégal, que s’est tenue, les 29 et 30 juin 2025, la première édition de la Ubuntu Philosophy School, un rendez-vous intellectuel et citoyen inédit ayant rassemblé une vingtaine de penseurs, chercheurs, jeunes leaders et activistes issus de huit pays africains.
Organisée par la CPP Côte d’Ivoire en partenariat avec plusieurs organisations ouest-africaines, cette rencontre s’est articulée autour d’un thème ambitieux : « La philosophie Ubuntu, panafricanisme, gouvernance, économie, réparation et environnement ». Elle se veut un manifeste pour une Afrique résiliente, unie et audacieuse.
Ubuntu, une réponse africaine aux crises globales
Philosophie ancestrale originaire d’Afrique australe, Ubuntu se traduit par : « Je suis parce que nous sommes ». Elle repose sur les valeurs d’interdépendance, de solidarité, de respect du vivant et de conscience communautaire. Pour le professeur Joseph Ki-Zerbo, « l’individu africain ne peut exister qu’en lien avec sa communauté et son environnement ». Une vision partagée par le philosophe Souleymane Bachir Diagne, pour qui Ubuntu est un humanisme capable d’enrichir la pensée universelle.
Dr Gnaka Lagoké, professeur d’histoire et fervent défenseur du panafricanisme, y voit « le paradigme d’une révolution multidimensionnelle, non seulement pour l’Afrique, mais aussi pour l’humanité ».
Durant deux jours, les participants, venus du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal, de la RDC, du Bénin, du Niger, du Mali et de la Tanzanie, ont exploré les déclinaisons contemporaines d’Ubuntu à travers six axes majeurs : écologie, économie, gouvernance, justice sociale, numérique et réparation.
Ponctuée d’ateliers interactifs, de débats engagés et d’une visite symbolique sur l’île de Gorée, cette école politique panafricaine a été un espace d’apprentissage collectif. Les échanges ont permis de croiser les expériences, de formuler des recommandations concrètes et de dessiner les contours d’une gouvernance africaine fondée sur la solidarité, la justice et la réconciliation.
Pour Jean-Paul Sagadou, prêtre, journaliste et fondateur des Voyages d’Intégration Africaine, « Ubuntu est aujourd’hui le meilleur antidote contre l’individualisme. Il nous parle de relations d’interdépendance, d’unité, de communion. Il nous invite à dépasser l’idée d’un individu isolé et autosuffisant ».
Même constat pour le Dr Lagoké : « Ce modèle existe partout en Afrique. En Côte d’Ivoire, dans les villages, la culture des champs se fait à tour de rôle pour permettre à chacun de bénéficier du soutien des autres. La solidarité africaine n’a pas disparu. Ce qu’il nous faut, c’est un changement de paradigme pour que ce qui a survécu à l’esclavage et à la colonisation soit pleinement valorisé et transmis. »
Vers un mouvement panafricain Ubuntu
Au terme de ces deux jours de réflexion, plusieurs engagements ont été pris : la création d’un réseau régional pour promouvoir la philosophie Ubuntu, l’élaboration d’un plan d’action collectif et une volonté affirmée d’intégrer Ubuntu dans les politiques publiques, les programmes éducatifs et les imaginaires collectifs.
Cette dynamique nouvelle, portée par des intellectuels comme Ange David Baimey, sociologue et militant pour la justice climatique, ambitionne de replacer la pensée africaine au cœur des solutions mondiales. Ubuntu ne sera plus seulement une philosophie, mais un levier de transformation concrète, un moteur de réconciliation et un outil d’émancipation collective.
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