Suite à un coup de fil, nous lui avons rendu visite. Son quartier, nous le tairons puisqu'il y est très connu, bien apprécié et respecté. A 33 ans, I. B., fait partie des victimes d'un tragique destin. C'est à 28 ans, alors qu'il venait de se marier avec une divorcée, qu'un médecin lui annonça qu'il était atteint du sida. Sa vie en sera bouleversée. Pour un puceau de 28 ans qui venait de découvrir la femme, le coup est rude. Son bourreau ne pouvait être personne d'autre que sa dulcinée. Informée, cette dernière l'abandonne. Seul avec sa maladie et son drame, il perd son boulot et se contente d'un petit commerce pour survivre. Dans cet entretien qu'il nous a accordé, ce beau koldois raconte sa triste histoire. Poignants témoignages d'un mari trahi qui regrette de ne pouvoir donner de petits-fils à sa maman.
Walf Grand-Place : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
I.B. : J'ai 33 ans. Je fus docker dans une grande société de la place. Je préfère taire le nom de mon village. Après, je me suis reconverti dans le commerce. Je tenais un magasin à Petersen où je suis d'ailleurs très connu. Je suis d'ethnie peulh originaire de Kolda. Cela fait douze ans que je vis à Dakar. Depuis six ans, je suis atteint du sida. Une maladie qui a freiné toutes mes activités. Comme je n'ai plus la force de continuer mon travail, je me débrouille avec un petit commerce.
Cela fait six ans que vous vivez avec le vih, pourquoi avez-vous choisi de briser le silence ?
Je ne peux plus supporter mes charges. L'hôpital m'offre certes les anti-rétroviraux, mais je n'ai plus la force de travailler pour subvenir à mes besoins, notamment la nourriture et le loyer. Je demande de l'aide aux autorités. Mes petits revenus ne peuvent couvrir mes charges. Je ne milite dans aucune association. J'entends les gens en parler, mais je n'y comprends rien. J'ai écrit sans suite au président de la République à maintes reprises. Désespéré, un ami m'a conseillé d'aller voir Eh Hadji Abdoulaye Lam de Walf Tv. De lui, on m'a dit que c'est quelqu'un de disponible. Lorsque je me suis rendu à Wal Fadjri, il m'a suggéré de m'en ouvrir à vous.
Je respecte mes rendez-vous sanitaires. Le docteur me reçoit tous les trois mois. je vaque tranquillement à mes occupations.
Cependant, je ne peux pas travailler parce que après le déjeuner, je dois dormir quatre heures. Aussi, je me sens faible. J'ai l'impression que mon sang vibre avec une fatigue générale. Il m'arrive de tomber malade des jours durant. Il y a aussi que je commence à avoir des problèmes cardiaques. C'est dû à l'idée de mourir sans laisser d'enfants.
Comment aviez-vous contracté la maladie ?
Cela fait six ans. Je n'avais que 28 ans lorsque le docteur m'annonça cette mauvaise nouvelle qui a fait basculer ma vie. J'avais de la fièvre et suis parti me faire consulter à l'hôpital de Fann. On m'a demandé de faire un bilan de santé.
Comment le docteur vous a-t-il annoncé que vous étiez porteur du Vih ?
(Silencieux) J'ai tellement pleuré ce jour-là. Je suis resté des heures durant devant l'hôpital Fann. Ma vie a basculé d'un seul coup. J'ai déroulé le film de mon parcours. Comme si on me disait que j'allais mourir à la minute qui suivait. Finalement, je me suis décidé à rentrer mettant tout sur le compte du destin. Il faisait 10 h. Je me suis résigné à croire que cela pouvait arriver à chacun. J'avoue que je fus désespéré. Je ne voyais que la mort.
Qu'est-ce que vous avez regretté dans votre vie ?
Ce qui m'a effleuré l'esprit, c'est le fait de ne pouvoir avoir d'enfants. Vous imaginez, je venais de me marier et je rêvais de faire des enfants, de les voir grandir. La mort ne me préoccupe pas trop. Ce que je regrette, c'est de n'avoir pas d'héritiers. Si je pouvais avoir au moins un garçon qui porterait le prénom du Prophète Mouhamed (Psl). Je suis triste lorsque je vois des pères bercer leurs bébés. J'adore les enfants. Je suis gai dans leur univers.
Avant qu'on vous annonce votre maladie, connaissiez-vous le sida ?
J'en entendais parler, mais je ne l'imaginais même pas. Avant de débarquer à Dakar, mes parents m'avaient mis en garde contre le bouillonnement de la capitale. Je suis resté puceau jusqu'à 28 ans. J'ai connu la femme avec mon épouse. Je ne sais pas ce que signifie vagabondage.
Vous voulez dire que c'est votre épouse qui vous a transmis le sida?
Bien sûr que c'est mon épouse qui m'a donné le virus. La preuve, c'est que quatre mois après notre mariage que les médecins l'ont découvert. En fait, je l'ai épousé après son divorce. Elle avait 17 ans et comme c'était une parente, j'ai eu confiance en elle. Je ne sais rien à propos de son premier mariage.
Vous lui en avez voulu ?
Dans un premier temps, non parce que je me suis dit que ce n'est pas sa faute. Peut-être que c'est son ex-mari qui lui a transmis la maladie. J'ai pris la décision de l'informer. Elle était découragée. Elle m'a demandé si j'avais «vagabondé», je lui ai fait comprendre que c'est elle qui m'a initié à la vie sexuelle. Elle a fini par comprendre qu'elle était infectée. Quelques semaines après, ma femme m'a quitté. Je ne l'ai pas répudiée. Elle n'a pas eu la reconnaissance de rester à mes côtés pour me soulager. Même si on ne pouvait plus faire des enfants.
Elle vous a demandé le divorce ?
Cela fait six ans qu'elle est partie. Mais, elle demeure toujours mon épouse aux yeux de la loi. Elle s'est levée un bon jour et a quitté la maison m'abandonnant dans la misère.
Comment avez-vous vécu cette séparation ?
Trop mal. Je ne parviens toujours pas à l'accepter. Un homme a besoin d'une femme à ses côtés, surtout dans des situations aussi douloureuses que la mienne. Je n'ai pas de ses nouvelles. Quand je lui téléphone, je tombe sur un monsieur. Alors que je ne cesse de l'aimer et de penser à elle. Je me contente juste de ses photos. Je regarde l'album photos jusqu'à en pleurer. Surtout quand je revois nos discussions et fusions...
Avant j'avais tout mis sur le compte du coup du destin. Mais, ce qui me fait le plus mal c'est qu'elle m'a quitté au moment où j'avais le plus besoin d'elle.
Pour vous prouver que cette maladie peut atteindre n'importe qui, j'ai été puceau jusqu'à 28 ans. Je ne connais que ma femme. Comme tout homme normal, il m'arrive d'avoir envie d'une femme, mais je refoule. Ma maman me force à me remarier. Je lui demande d'attendre. Elle, ne cesse de me dire qu'elle veut voir ses petits-enfants.
Après qu'on vous a annoncé la maladie du sida, qu'est-ce qui a changé dans votre vie ?
Ce qui a changé, c'est le fait de ne pas avoir ce que je veux parce que je gagnais bien ma vie. Maintenant, je n'ai plus la force de le faire. N'eût été ma maladie, j'aurais eu ma maison, ma femme et mes enfants.
On a l'impression que la mort vous obsède...
Oui, j'y pense beaucoup. Seulement, mon réconfort est que je crois au destin. Et que je sais que même les personnes bien portantes meurent.
Vous êtes jeune et beau. Vous arrive-t-il de recevoir des avances de la part des jeunes filles ?
Présentement, je n'ai pas de copine. Je n'y pense même pas. C'est vrai que je vois des filles qui me font des avances danu may cokaass, mais je les fuis. Je prie le Bon Dieu de préserver mon entourage de cette horrible maladie. Il m'arrive de rêver pendant la nuit d'être avec une fille, mais ça s'arrête là.
La dernière fille qui vous a fait des avances, comment cela s'est passé ?
Elle me montrait son affection en me rendant visite tout le temps. Lorsqu'elle m'a déclaré sa flamme, je l'ai rejetée de manière courtoise. Je ne prends pas le risque d'entamer une relation qui ne peut aboutir. Je suis de nature coquet, j'adore soigner mon look.
C'est vrai que les jeunes filles ne cessent de me complimenter quand je m'habille bien. Ce qui, d'ailleurs, me réchauffe le cœur. Mais, je m'en tiens à cela. Par exemple, le 31 décembre, j'envie les gens qui sont en de bonne compagnie. Je prie régulièrement pour communiquer avec Dieu.
Vous vivez avec un entourage attentionné qui ignore que vous avez le sida. Comment faites-vous pour les prévenir ?
Comme la maladie peut se transmettre via les objets tranchants, je fais de mon mieux pour éviter de pareilles situations. Même au salon de coiffure, je veille à ce que le coiffeur ne me rase pas la barbe. Ce n'est pas prudent.
Savez-vous si votre épouse suit son traitement comme il se doit ?
Je n'en suis pas sûr. Je vous ai dit que je n'ai plus de ses nouvelles.
Connaissez-vous des personnes vivant avec le sida ?
Oui, il y en a même que je console. Une veuve a voulu se suicider. J'ai tout fait pour l'en dissuader. C'est grâce à mon réconfort qu'elle y a renoncé. C'est son mari qui lui a transmis la maladie. Elle refusait de prendre ses médicaments. C'est moi qui l'ai encouragée, à se soigner. Le médecin m'a même félicité pour mon comportement. Je ne milite dans aucune association de personnes vivant avec le Vih.
Quels conseils donnez-vous aux jeunes de votre âge?
Ce que je demande aux jeunes de mon âge, c'est de s'abstenir. Le cas contraire, de recourir aux préservatifs pour se protéger. C'est important. Je ne souhaite cette maladie à personne. Ce que je vis est unique. Mieux, je leur conseille de faire des tests de dépistage avant de s'unir. l'amour est trop beau, mais il faut qu'ils fassent d'abord des tests. Les dépistages avant le mariage doivent être obligatoires.
Réalisé par Ndèye Awa LO
Source Walf Grand Place
4 Commentaires
Vhdl
En Octobre, 2010 (20:34 PM)Ajtou
En Novembre, 2010 (06:50 AM)Lome
En Novembre, 2010 (13:02 PM)Anonyme
En Septembre, 2016 (09:19 AM)Participer à la Discussion