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La Pouponnnière de la Médina : Une oasis dans un désert

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La Pouponnnière de la Médina : Une oasis dans un désert
Située à l’intersection des quartiers populaires de Fass et de la Médina, au cœur de la capitale sénégalaise, la pouponnière de la Médina offre sans doute un exemple unique au Sénégal d’une structure adaptée et entièrement dédiée à la prise en charge d’enfants abandonnés, malnutris ou dénutris.

Dans un contexte sénégalais et même africain caractérisé par des taux de natalité jugés élevés, vu le manque des ressources publiques et privées à même de permettre une prise en charge idéale des enfants, la relative méconnaissance de cette pouponnière, de ses structures et des immenses services pose à la limite le problème général des droits de l’enfant dans certains pays du continent. Kanal a consacré un dossier à cette structure, havre de paix  pour enfants "pauvres``, dont les efforts méritent d’être mis en exergue. Reportage.
Située dans la commune d’arrondissement de la Médina, derrière l’hôpital Abass Ndao la pouponnière de la Médina accueille « des enfants malnutris, dénutris » de parents pauvres, des orphelins ou encore des enfants abandonnés parfois dans des lieux indésirables.

La bâtisse est une  grande maison  composée de trois étages dont le rez-de-chaussée abrite les services généraux. Au centre de la maison, un grand jardin agrémente l’environnement. Le premier et le deuxième  étage, construits sur le même modèle, compte chacun 5 chambres dont 8 petits  box de lits blancs par chambre, une salle à manger, une salle de soins, les sanitaires, une biberonnerie, une salle de jeux.

Au premier étage, deux jeunes dames s’évertuent à donner du yaourt à des enfants dans la salle à manger où se trouvent chaises et tables blanches métalliques. D’autres chaises plus douillettes, les unes plus grandes que les autres selon l’âge des enfants, sont posées contre le mur et destinées au  repos et à la digestion après le repas.

Accueillis, la vie de ces enfants est transformée comme dans un conte de fées. La mission première du centre  depuis sa création en 1957, était « de compléter le travail que la surcharge des services hospitaliers ne leur permettaient pas de faire»  en faveur des enfants malades de «kwashiorkor, de malnutrition, d’anémie, etc. », explique un document du centre.  

«Le traitement nutritionnel à l’hôpital était décevant. Obligés de sortir prématurément des hôpitaux, les enfants dénutris, malnutris, etc.» font de « nombreuses rechutes » une fois rentrés en famille par manque de traitement spécifique».

Véritable centre pédiatrique, la pouponnière est gérée par des professionnels de la santé : des infirmières et une sage-femme d’Etat. Des milliers d’enfants y ont trouvé bien-être, bonheur et épanouissement au sein de la pouponnière.  Certains comme ceux abandonnés doivent leur survie  à cette institution de sœurs franciscaines.  

De 1955 à 2008, l’institution a accueilli 4027 enfants de 0 à 1 an  dont 3413 orphelins et cas sociaux, près de 600  « enfants adoptés et en voie d’adoption. Malheureusement 102 sont décédés au tout début. Mais aujourd’hui, les décès  sont devenus  très rares », selon Justina de Miguel, la directrice.

Les enfants adoptés sont en général des orphelins ou ceux abandonnés dont parfois les parents ne sont même pas identifiés.  

A première vue, l’embonpoint et la forme éblouissante de ces enfants renseignent sur la qualité de vie dont ils jouissent dans cette maison. « Ici, les enfants ont une qualité de vie que je n’ai encore vu nulle part dans d’autres orphelinats, même en Espagne», témoigne Maribel Carrascosa, une Espagnole qui a adopté un enfant  du centre.

Malgré les services rendus au pays, la participation de l’Etat du Sénégal dans le fonctionnement de cette structure reste insignifiante. Le centre fonctionne exclusivement sur la base des dons de personnes de bonne volonté, physique ou morale.

« Nous  avons une petite subvention du gouvernement sénégalais (mais qui est) insuffisante même pour payer l’électricité», regrette la directrice de la pouponnière, sœur Justina De Miguel. Fort heureusement, à la faveur d’une convention liant l’institution à l’hôpital des enfants Albert Royer et à l’hôpital Principal de Dakar, les enfants « sont pris en charge gratuitement» dans ces structures hospitalières.

Tandis que  la majorité des enfants jouent à la salle de jeux,  d’autres sont restés au lit dans des chambres. Les uns sont couchés, les autres debout et quelques rares en train de pleurnicher. Malades, ils ont été isolés des enfants sains, afin d’éviter la contagion.

Dans la salle de jeu située au font du large couloir, les enfants bien portant prennent du bon temps,  accompagnés d’une musique douce et  berçante, avec une multitude de jouets dispersés autour d’eux.

Posé au milieu de la salle sur des lits de très petite épaisseur, beaucoup d’entre eux notamment les plus grands et les aptes au déplacement, vont dans tous les sens, faisant apparaître un mouvement centrifuge.

Ils ont tendance à se diriger en particulier vers la sortie  fermée  par des doubles battants de petite taille. Ils s’y accrochent et se mettent debout pour regarder ce qui se passe dans le couloir et «communiquer» avec notamment des monitrices ’affairant à leurs tâches quotidiennes. Certains déjà apprennent laborieusement à marcher, d’autres s’exercent à rester debout. Mais le moyen de locomotion le plus efficace semble être les quatre pattes.  

« Selon  sa santé,  chaque enfant est rendu à l’âge de 8, 9 ou 10 mois ». Mais l’aide de l’institution à la famille se poursuivra encore pendant  2 ans avec l’octroi des aliments nutritifs nécessaires. La sœur Justina de Miguel fait montre d’une grande tendresse à l’endroit de ces être innocents dont certains ont frôlé le pire.

 Sœur Justin de Miguel, directrice de la pouponnière de la Médina : Une vie en don à l’enfance

La directrice de la pouponnière de la Médina, Justina Miguel, est une religieuse franciscaine missionnaire de  Marie de la  Passion, qui a  consacré toute sa vie à la cause des enfants, dont ceux issus de familles démunies.

Arrivée pour la première fois au Sénégal en 1973, Justina  Miguel a par la suite servi au Burkina et au Niger avant de revenir en 1996 dans la capitale sénégalaise.

D’origine espagnole, la religieuse  a  consacré sa vie à Dieu et aux plus pauvres, en particulier les enfants. Comme ceux de la pouponnière de la Médina. Infirmière et sage femme d’Etat, elle est la directrice de la Pouponnière de la Médina qui reçoit des enfants de 0 à 8 mois. «J’aime toujours et beaucoup, beaucoup les enfants. Donc, pour moi, c’est une  très grande joie d’être ici et de les faire grandir ».

La maîtrise  de la langue française cache mal l’accent espagnol de la Madrilène installée à Dakar.  Membre d’une fratrie de 5 enfants, elle dit en contact avec ses trois sœurs et deux frères laissés en Espagne, grâce notamment à Internet.

Après son Baccalauréat obtenu très jeune, Justina  a opté pour le couvent et la formation d’infirmière d’Etat afin «de venir servir les malade ici (en Afrique).»

Elle se rendra ensuite en Italie pour  ses études de sage-femme et s’y est spécialisée en néonatologie.  Ce qui explique  quelque part sa vie consacrée au bonheur des enfants.

Les études oui, mais pour elle ce qui compte «c’est plutôt l’expérience». Après 50 ans passés dans le milieu hospitalier,  la franciscaine est encore très active et ne pense ni à la retraite, ni à retourner en Espagne.

« Moi je vis au jour le jour. La santé et les possibilités, c’est dans les mains de Dieu. Donc, j’essaie de vivre  en profondeur ce que je vis chaque jour.  Sans m’occuper de demain. Je suis sûre que jusqu’à maintenant, le Seigneur m’a aidée à vivre. Ça a été un fil conducteur jusqu’à la fin de mes  années», se réjouit-elle.

L’idée de venir en Afrique était un vieux rêve pour la sœur Justina et  sa vocation aidant, le rêve est devenu réalité. « Moi je rêvais toujours de venir en Afrique et voila que mon rêve a été réalisé. Je suis ici très heureuse », s’est elle encore réjoui. N’empêche que le ton de sa voix laisse transparaître une certaine humilité.

Justina de Miguel, 73 ans aujourd’hui, a encore de l’énergie et « travaille toujours ». On la voit gravir les marches de l’escalier  de  la pouponnière, tantôt pour visiter les bébés, tantôt  pour traiter les problèmes administratifs dans son bureau avec des visiteurs.  

Pour vous donner un rendez-vous, elle est obligée de tourner et retourner les feuilles de son agenda. Chétive, souriante et toujours dans sa blouse, elle semble pourtant épanouie, bien que les résides visibles sur sa peau témoignent du poids des ans. Ainsi également de ces légères taches blanches qui déteignent son corps  et semblent contraster avec ses origines méditerranéennes.

Fière  de son expérience de « vie consacrée »

Sa vie consacrée, la sœur Justina la vis très bien dans la félicité pour l’avoir choisie et assumée librement. D’ailleurs, si c’était à  refaire, elle  choisirait la même voie. « C’est une vocation, c’est un choix. Dieu m’a appelé et moi j’étais libre de choisir. J’ai choisi la vie consacrée et je me sens très heureuse. Si je devais revivre ce que j’ai vécu, je ferais la même chose que j’ai faite », a-t-elle assuré, avant d’ajouter : « La vie religieuse, c’est un choix et Dieu nous donne la grâce. Nous recevons beaucoup plus que nous ne donnons ».

Absorbée par son travail,  la Franciscaine n’a plus de temps pour des loisirs « Je n’ai même plus le temps de penser  (aux loisirs)».  Et pourtant, elle dit affectionner la lecture, l’art, la musique (grégorienne, classique), mais aussi les chants des moines de Keur Moussa, au Sénégal).

La sœur Justina aime par-dessus tout la solitude. D’où ses retraites dans le très calme  monastère de Keur Moussa. Cela ne l’empêche cependant pas d’entrer «en communication avec les gens qu’elle aime bien», car « c’est aussi une détente » selon elle.

 Olivier Diouf, un exemple des bienfaits de l’adoption

Il était presque 16 heures  lorsque Maribel  Carrascosa Moreno franchissait les marches du premier étage  de la pouponnière de la Médina. Aussitôt, elle s’engagea dans le couloir, avançant avec un certain empressement, le visage épanoui et sourire  aux lèvres, jusqu’à  la salle de jeux  des enfants.

La  maison ne lui est pas étrangère. Il y a bientôt deux ans, elle était venue pendre Olivier Diouf  en adoption  après une longue et dure procédure. Incapable de prononcer un seul mot en français, elle s’exprime avec des gestes, essayant laborieusement de communiquer  avec les monitrices de la maison. Leur montrant des photos d’Olivier contenues dans son portable.

Pantalon kaki, chemise  blanche sans manche, l’Espagnole résidant à Madrid ne  tarit pas d’éloge à l’endroit de son fils adoptif.  «Olivier es muy grande, muy fuerte. El es muy bonito». Traduction : « Olivier est très grand, très fort. Il est très beau ».

Maribel a découvert le  Sénégal quelques années auparavant,  en tant que touriste,  sans  savoir  qu’elle serait  amenée  à adopter un enfant ce pays. Toujours est-il que la Madrilène  a été très émerveillée, fascinée  par la  bienveillance et la sympathie du peuple sénégalais. « J’aime beaucoup la race africaine. Et sincèrement, moi, le peuple sénégalais me plait beaucoup parce que ce sont des gens très nobles, très bons, très  éduqués et ils sourient toujours».

Mariée, Maribel n’a pas voulu  enfanter. Soucieuse de résoudre d’abord  les problèmes de sa famille en lui apportant son assistance. «J’ai décidé d’avoir une vie  dans laquelle je travaille beaucoup pour m’occuper de mes parents et de mes 5 frères. Je devais travailler jusqu’à maintenant pour pouvoir aider ma famille. Maintenant (ma famille) va bien, tous mes frères ont un travail et sont indépendants, j’ai alors décidé de créer ma propre famille», explique-t-elle.

Pour Maribel, enfanter c’était prendre le risque de perdre son emploi. « Avoir un enfant biologique, malheureusement dans la société européenne est un handicap pour une femme  avec une carrière professionnelle. Les chefs d’entreprise ne te le permettent pas. Cela peut  rompre ta carrière professionnelle », dit-elle.

Pour cette informaticienne, l’adoption réussie de Olivier  rime pour la satisfaction d’avoir pu fonder sa famille.  Et quand elle parle de son garçonnet, elle déborde de joie et de bonheur. Déjà, elle nourrit de grandes ambitions pour lui.

«Je veux qu’il soit un grand homme, qu’il ait des valeurs importantes et qu’il sache décider de ce qu’il veut dans le futur », a-t-elle dit. «Je vais le respecter parce qu’il est un Homme (être humain), un individu indépendant, moi je suis seulement sa mère »,  assure  Mme Moreno.

« Il sera  le président du Sénégal. Je  suis en train de le prépare pour ça», ajoute-t-elle en blaguant et pouffant de rire. Olivier aura deux ans en août prochain. Inscrit dans « une école bilingue » en Espagne, sa mère adoptive dit qu’il donne du bonheur à  tout le monde. « C’est un enfant que nous avons beaucoup valorisé en Espagne Il est  très équilibré avec un bon système psychomoteur. Nous avons beaucoup valorisé sa croissance ».

Procédure d’adoption longue et lassante

C’est au bout d’une procédure de 8 mois avec la présentation de différents types de documents, de certificats pénaux, de santé, etc. que Maribel a finalement réussi à adopter Olivier. Sa « vie intime, professionnelle et sa psychologie »,  ont été longuement scrutées et sa capacité financière jaugée avant l’accord du tribunal.

«La procédure d’adoption est très longue sincèrement » et suit « un protocole rigide », se rappelle Maribel. « Les parents doivent faire des entretiens dans leur pays d’origine avec le gouvernement, des psychologues, des travailleurs sociaux qui évaluent vos capacités  personnelles, économiques  pour s’assurer que l’enfant peut avoir une bonne formation dans le futur », a-t-elle poursuivi.

Maribel dit avoir consacré 5 des 7 voyages qu’elle a effectués au Sénégal. Dans un premier temps,  le Tribunal lui a accordé l’adoption partielle d’Olivier avec son passeport sénégalais et encore sous tutelle du tribunal de Dakar. Un fois qu’elle a fourni les preuves  (photos, attestation d’inscription), un an après, que les conditions nécessaires sont réunies pour l’éducation et l’épanouissement de l’enfant, Dakar a concédé «l’adoption pleine».

Du coup, le petit Olivier  a perdu «sa nationalité sénégalaise au profit de  celle de ses parents d’adoption».  Devenu  Espagnol, Oliver Diouf est dorénavant sous l’entière responsabilité de Maribel Carrascosa qui lui promet le meilleur.

Toutefois, le petit conserve ses origines et sa culture sénégalaises selon sa mère adoptive. Majeur,  Olivier pourrait changer de nationalité, s’il le veut, confie encore sa mère. Idem s’il veut retrouver sa famille originelle que  Maribel elle-même ne connait pas. Etant entendu que la pouponnière reçoit parfois des enfants orphelins ou abandonnés simplement dans des coins indésirables de la ville. Officiellement c’est au bout de deux ans que l’enfant  prend la nationalité de ses parents adoptifs.



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