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«Alors que nous surveillions le bétail, des coups de feu ont éclaté» : confessions inédites d'un témoin du massacre de Thiaroye

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«Alors que nous surveillions le bétail, des coups de feu ont éclaté» : confessions inédites d'un témoin du massacre de Thiaroye
El Hadji Abdou Mboup, âgé aujourd'hui de 90 ans, brise le silence dans un entretien accordé à L'Observateur, en marge de la commémoration du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye. Où l'interlocuteur du journal, né à Bambey en 1934, s'est installé en 1940, quatre ans avant les funestes événements.

Son arrivée à Thiaroye 


«[...]. Ma famille m'avait confié à un maître coranique du nom de Ndiawar Wade. Nous étions établis non loin de l'emplacement où se trouve l'actuelle Grande Mosquée de Thiaroye à Tally Diallo. Je venais juste de boucler mes dix années, lorsque les événements de Thiaroye sont survenus. Il faut dire que peu avant ces événements, les tirailleurs Sénégalais qui avaient débarqué de la France et étaient établis au Camp militaire de Thiaroye, s'étaient déjà bien intégrés. Ils avaient des contacts réguliers avec les populations, parce qu'ils ne restaient pas tout le temps cantonnés au camp. Ils offraient des habits et de la nourriture aux populations. C'étaient des Africains comme nous et donc le contact s'est vite établi. Nous étions très admiratifs en les regardant et eux, en retour, étaient contents de retrouver la chaleur africaine après leur long séjour en France. [...] L'armée coloniale française, qui avait le contrôle du camp militaire de Thiaroye, était très crainte par les populations locales. [...]»

«Un notable avait prédit qu'un jour sombre allait survenir à Thiaroye»

«À l'époque, les notables de Thiaroye se regroupaient toujours pour discuter ou annoncer des événements qui pourraient survenir. Un de ces notables du nom de Malick Mboup, au cours d'une rencontre
devant le domicile de Diawar Diagne, avait prédit qu'un jour sombre allait survenir à Thiaroye. Et il avait demandé que lorsque ce jour arriverait que tous les habitants de Thiaroye restent cloitrés chez eux dès l'aube. Avait-il senti quelque chose ? Lui avait-on soufflé quelque chose ? Ou alors avait-il constaté un sentiment de révolte chez les tirailleurs avec qui il discutait à leur sortie du camp ? Personne ne sait.»

«Tout a commencé entre 08 H 30 et 9h»

«[...] L'utilisation du clairon tous les mardis ou les mercredis, était un moyen d'informer, d'alerter et de mettre en garde ces populations riveraines du camp sur l'imminence des exercices de tirs. Les populations étaient ainsi tenues de se tenir éloignées du camp. À l'époque, il n'y avait que deux quartiers à Thiaroye : Layenne et Pikini Bougoul. Nous étions de jeunes talibés et la nuit, on sortait chercher de l'eau dans le marécage situé dans l'actuel emplacement de Santa Yalla. Le samedi [30 novembre], quand nous nous sommes approchés du camp [il n'y avait pas de mur de clôture, juste des barbelés], nous avons aperçu des chevaux rouges, d'autres étaient de couleur blanche.

Ils étaient montés par des spahis. Une jeep suivait. Ils sont sortis du camp et ont fait le tour des deux quartiers de Thiaroye. Vraisemblablement, quelque chose se préparait. Le lendemain, coïncidant avec le dimanche 1er [décembre], dans la matinée, était jour de congé pour les talibés. Je suis retourné dans ma famille et avec d'autres garçons, nous devions conduire le bétail dans un pâturage situé dans un marécage juste à quelques mètres du camp. Quand nous sommes arrivés près du marécage, j'ai choisi de nouer autour de mes reins la corde avec laquelle je tenais le mouton.
C'était une manière pour nous d'éviter que les moutons se cognent entre eux [...]. Alors que nous surveillions le bétail, des coups de feu ont éclaté. Je sais qu'il était entre 8h30 et gh du matin. Le crépitement des balles était impressionnant. Un véritable concert de coups de feu qui ont affolé le bétail. Le mouton sur lequel je veillais s'est échappé et s'est enfui, m'entrainant dans sa folle course. J'ai été sauvé par un certain Mbarick Kounta, un Maure qui a réussi à rattraper le mouton pour l'immobiliser et enlever la corde. Nous sommes revenus près du pâturage.»

«À travers les barbelés, nous avons aperçu le commandant...»

«Quand nous sommes revenus sur nos pas, personne n'avait remarqué notre présence. À travers les barbelés et compte tenu de nos petites tailles, personne ne pouvait soupçonner qu'il y avait des témoins. Nous avons aperçu le commandant (un blanc) monter sur une table. Les tireurs étaient alignés. C'étaient la débandade dans les rangs des tirailleurs. Puis nous avons entendu le commandant (un blanc) crier : «Arrêtez-vous ! Arrêtez-vous !» J'ignore s'il demandait à ceux qui tiraient d'arrêter ou s'il demandait aux tirailleurs d'arrêter de courir. 

Je confirme avoir vu de mes propres yeux ceux qui tiraient et comment ils étaient alignés. J'ai également vu comment des tirailleurs, sortis des tentes, s'étaient brusquement trouvés face à ceux qui leur tiraient dessus. Je n'étais pas le seul, d'autres ont entendu et ont vu. Ils peuvent le confirmer. J'ai également vu de longs camions bleus et je soupçonne qu'ils ont servi à transporter les corps. Vers quelle destination ? Je l'ignore.»

«Je n'ai jamais revu le tirailleur qui m'avait offert un pull»

«Lorsque les tirs ont cessé, Thiaroye, secoué par le crépitement des balles, était subitement retombé dans le calme. Dans les quartiers, tout le monde avait compris qu'un drame venait de se produire. Tous les habitants sont restés dans leurs maisons. Personne n'osait sortir. Bien après, des notables de Thiaroye, dont Baye Diawar Diagne, Baye Mor Guèye, Baye Ibra Boye, Mor Ngom, entre autres, ont constitué une délégation pour aller discuter avec les autorités du camp militaire de Thiaroye. 

J'ignore s'ils ont été reçus ou pas. Les jours qui ont suivi, Thiaroye est resté comme plongé dans une profonde torpeur. On n'avait plus de nouvelles des tirailleurs qui avaient noué des relations fraternelles avec les populations. Je me souviendrai toujours de ce tirailleur du nom de Khaly qui m'avait comme adopté, alors que j'étais au daara et qui m'avait offert un pull pour me protéger du froid. Depuis ces évènements du dimanche, je ne l'ai plus jamais revu. Aujourd'hui, ces souvenirs continuent de me hanter à chaque fois qu'approche la date de cette triste commémoration.»


11 Commentaires

  1. Auteur

    En Novembre, 2024 (09:58 AM)
    Ce qui m'étonne c'est pourquoi le reste des soldats n'ont pas pris le contrôle du camp et massacré tout les blancs qui y étaient.



    Tôt ou tard le noir prendra sa revanche insha Allah
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    • Auteur

      Reply_author

      En Novembre, 2024 (17:18 PM)
      Parce qu’ils n’avaient pas d’armes pour se defendre.. Pour ton information A l’armée il y’a une armurerie qui renferme toutes les armes et munitions. On les distribue que pour des exercices, des missions ou en tant de conflits.
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  2. Auteur

    Sénégal En Danger

    En Novembre, 2024 (10:10 AM)
    Les purs criminels de tous les temps n est autres que ces colons sans regret ni pitié
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    Auteur

    En Novembre, 2024 (10:26 AM)
    Pourquoi commémorer les tirailleurs qui ont servi la France et qui ont aussi aidé la France à massacrer nos dignes résistants, ils n'ont jamais été au service du Djolof, Cadior, Fouta, walo, sine, Saloum, Fogny, Boundou, Gabou etc..
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    • Auteur

      Reply_author

      En Novembre, 2024 (10:54 AM)
      Chers negriers, tu n as pas besoin de redeten ton message pour polluer le site. Vas-y, ils sont rattrapes par l histoire. Tous Crimes de l humanite' commis dans le monde ont ete' perpetre' par ses sales colons.
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    • Auteur

      Reply_author

      En Novembre, 2024 (12:24 PM)
      Parce qu’ils n’ont pas choisi d’aller à la guerre,ils ont été enrôlés de force
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    Auteur

    En Novembre, 2024 (10:49 AM)
    Triste !

    La vérité doit être connue.

    Les victimes de ces événements du 1er décembre 1944 méritent bien des hommages des deux nations : française et sénégalaise.



    Des députés français ont demandé l'accès aux archives. Il me semble que la France a décidé de dire aux africains ce qui s'est passé.
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    Auteur

    Témoin Oculaire

    En Novembre, 2024 (10:55 AM)
    Hummm???
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    Auteur

    Jjj

    En Novembre, 2024 (11:28 AM)
    Plus jamais ça! Je pense qu’il urge de débaptiser toutes les places publiques, rues et édifices qui portent le nom de ces colons , comme l’a fait le PM à Ziguinchor,. Moi j’ai vraiment envie de vomir quand j’entends place Faidherbe, rue Jules ferry ou avenue général Degaulle! Ca c’est une insulte à la mémoire de ces tirailleurs et de nos vaillants résistants comme Lat Dior et autres.
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    Auteur

    Answer

    En Novembre, 2024 (12:16 PM)
    C'est pourquoi je hais la France
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    • Auteur

      Reptom Milano Ly_author

      En Novembre, 2024 (15:40 PM)
      Ne mettez pas tous les français dans le même panier nous ne sommes pas responsables et nous ne cautionnons pas ce genre de choses nous ne sommes pas responsables des conneries de nos dirigeants ! Nous avons honte de découvrir ce massacre..nous ne comprenons pas ! Mais par pitié ne mélangez pas tout
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    Auteur

    En Novembre, 2024 (12:20 PM)
    C'est extrêmement lâche et super ingrat! Les auteurs s'ils étaient humains devaient périr de honte.
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    • Auteur

      Reply_author

      En Novembre, 2024 (15:56 PM)
      Vous n'avez pas encore compris, c'est les hommes qui ont de la méchanceté dans le sang quelque soit la couleur voir les images génocides de Hitler sur juifs
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    Auteur

    Anti Colonialiste

    En Novembre, 2024 (13:23 PM)
    C est tous d abjectes criminels,génocidaires et monstres.

    Ils viennent chez vous,sans y être invités ,pour y semer la mort et la désolation.

    De vrais fils de putes,ces enfoirés.

    Aujourd'hui hui encore,certains d entre eux,ont la même mentalité.

    De vrais fils de pute que nous devons absolument coloniser.

    Oui,c est au tour des africains de coloniser ce pays de merde.

    Quand je les vois où rire leurs sales gueules pour se plaindre de l immigration!

    Fils de putes.

    C est la même chose qu ils ont commis partout en Afrique :Algérie,Mali,Burkina,Bénin,Togo....

    Ils se reconnaissent dans les agissements d Israël,tous des cochons nauséabonds,sauvages,cyniques et criminels/criminogènes
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    Auteur

    En Novembre, 2024 (17:18 PM)
    Celui qui parle de Senghor ici me fait honte.

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    Auteur

    Senegalais

    En Décembre, 2024 (17:32 PM)
    Massacre avec préméditation. Le commandant devait être un Maky prêt a tout pour garder le contrôle. Le besoin n'est pas la mais s'il le voulait le blanc pourrait reconquérir ses colonies comme ce tyran de maky vit colonisé le senegal
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