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Affaires Boulin, Urba, Kerviel... Le juge Renaud Van Ruymbeke revient sur quarante ans de carrière

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Affaires Boulin, Urba, Kerviel... Le juge Renaud Van Ruymbeke revient sur quarante ans de carrière

Invité de Patrick Cohen sur Europe 1, le célèbre juge d'instruction spécialiste des enquêtes politico-financières, tout juste retraité, s’est exprimé sur quelques-unes des grandes affaires qu'il a eu à traiter.

Son nom a accompagné quelques-unes des plus retentissantes affaires politico-judiciaires de la 5ème République. Désormais, il referme ses dossiers. Le juge d’instruction Renaud Van Ruymbeke, 67 ans, vient de prendre sa retraite après 42 ans de service. Invité exceptionnel de Patrick Cohen dans C’est arrivé cette semaine sur Europe 1, le magistrat est revenu sur trois des dossiers le plus marquants de sa carrière fleuve, l’affaire Boulin, l’affaire Urba et l’affaire Clearstream.

L’affaire Boulin : "Je ne crois pas du tout à la thèse de l’assassinat"

Le 30 octobre 1979, le corps de Robert Boulin, ministre du Travail de Valéry Giscard d’Estaing, est retrouvé dans un étang en forêt de Rambouillet. À l’époque, une information judiciaire vise l’un de ses proches, Henri Tournet, suspecté d’une vente frauduleuse de terrains, dans laquelle aurait trempé le responsable politique. La thèse du suicide de Robert Boulin s’impose rapidement, en raison d’une lettre laissée par le défunt. Il y met en cause Henri Tournet, le garde des Sceaux de l’époque, Alain Peyrefitte, et un certain juge Van Ruymbeke, alors chargé de l’information judiciaire sur la vente.

"Ça n'a rien changé à ma méthode. Je travaille aujourd’hui comme je travaillais à l’époque. Par contre, humainement, ça a été terrible. J’avais 27 ans et j’ai vu cette lettre publiée par la presse", raconte Renaud Van Ruymbeke. "On ne peut pas dire qu’il y a un pacte entre un petit juge rouge - puisque je suis taxé d’être un petit juge rouge à l’époque -, un garde des Sceaux de droite, qui est Alain Peyrefitte, et un escroc. Ça n’a pas de sens", poursuit l’ancien juge, pour qui Robert Boulin s’est posé en victime d’un trio imaginaire.


La procédure, toutefois, a empêché Renaud Van Ruymbeke de se défendre des accusations laissées par le défunt. "Un juge ne peut pas répondre à une personne mise en examen qui l’attaque, et encore moins quand cette personne est morte. C’est impossible, il y a le respect dû aux morts", explique l’ancien juge qui, au même moment, s'est vu assaillir par les interrogations de la presse. "J’avais l’impression que ça allait être une mise à mort."

En août 2015, cette affaire a encore rebondi à la suite de nouveaux témoignages. Une information judiciaire a été rouverte par le parquet de Versailles pour "arrestation, enlèvement et séquestration suivi de mort ou assassinat". "Je ne crois pas du tout à la thèse de l’assassinat", considère pourtant Renaud Van Ruymbeke. "L’enquête a été mal faite, dans l’autopsie, il y a des blancs." "Mais de tous les éléments dont je peux disposer - je n’ai pas enquêté dessus - et de tout ce que je peux savoir par rapport à cette lettre et la psychologie de Robert Boulin, personnellement, je suis convaincu que c’est un suicide", conclut le juge désormais retraité.

L’affaire Urba et la naissance de la "mise en examen"

En 1992, Renaud Van Ruymbeke conduit une perquisition rue de Solférino, au siège du Parti socialiste. Des soupçons de financement occulte via des bureaux d’études de marché pèsent alors sur le parti au pouvoir. C’est la première fois qu’un parti politique est visé par une telle procédure. Henri Emmanuelli, trésorier du PS et président de l’Assemblée nationale, est inculpé. À l’époque, les cadres du parti font bloc, et accusent Renaud Van Ruymbeke de participer à un complot politique.

"C’est facile de lancer des accusations devant des militants qui vous applaudissent. C’est de la pure manipulation, du parti-pris. Je suis désolé, Henri Emmanuelli a été condamné, il a été jusqu’à la Cour de cassation, ma procédure était parfaitement régulière", se défend l’ancien juge. "Ça veut dire qu’ils considèrent qu’ils n’ont pas de compte à rendre à la justice et au citoyen. Je trouve ça extrêmement grave."

Le 14 juillet 1992, François Mitterrand en personne prend devant les micros la défense d’Henri Emmanuelli, "un homme plein de convictions, de force, et d’une grande intégrité", selon lui, et estime que "les procédures sont assez bizarres dans cette affaire". Quand François Mitterrand prend la parole pour défendre Henri Emmanuelli, "il ne s’exprime pas en tant que président de la République, il se protège", analyse Renaud Van Ruymbeke, 27 ans plus tard. "Il s’exprime en tant que président d’un parti politique et il craint qu’on aille enquêter sur les financements de ce parti politique. Il n’a pas à interférer comme ça dans le cours de la justice."

Dans la même interview, le chef de l'État se dit chiffonné par le terme d'"inculpation" qu’il dit trouver infamant. Six mois plus tard, un texte de loi donne naissance à la "mise en examen", héritage de l’affaire Urba. "Vous ne trouvez pas ça un peu anormal qu’on se pose la question à partir du moment où on est concerné ou qu’un de ses proches est concerné ? Tous les gens qui ont été inculpés avant, pour des hold-up, on n’en avait rien à faire. Là, ce n’était pas grave, il pouvait y avoir des articles dans la presse, on ne se posait pas la question", déplore Renaud Van Ruymbeke. "Le citoyen lambda pouvait être inculpé, mais pas eux. C’est ça que ça veut dire. À partir du moment où l’un d’entre eux est inculpé, ça devient infamant. Et là, on fait une loi pour changer."

L’affaire Kerviel ou la "vérité judiciaire" face aux "stratégies de communication" 

En janvier 2008, la Société générale accuse l’un de ses opérateurs de marché, Jérôme Kerviel, de s’être rendu à lui-seul responsable d’une fraude de plus de 4,8 milliards d’euros. S’il reconnaît sa faute, l’accusé se prétend également victime d’une machination mise en place par la banque, assurant que cette dernière était informée de ses pratiques. Une ligne de défense à laquelle n’a pas cru Renaud Van Ruymbeke. "Je ne crois pas, je démontre, c’est tout mon travail. Tous les éléments ont été apportés et ça a été jugé, montrant que Kerviel a agi à l’insu de la Société générale en commettant de nombreux faux", explique-t-il.

Pour cet ancien magistrat, l’image de Jérôme Kerviel, celle de la victime d’un système financier, a été construite au fil d’une campagne médiatique. "Il y a un décalage entre la 'vérité judiciaire' et ce que peuvent véhiculer les médias dans des stratégies de communication. J’ai toujours été convaincu que les éléments de fait, les éléments de preuves, finissent par l’emporter."



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